Les députés enterrent le RIC version Mélenchon

LE SCAN POLITIQUE – Proposée par le groupe La France insoumise, la possibilité d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC) très large n’a pas été adoptée par l’Assemblée nationale.

Passé en trois mois des ronds-points à l’hémicycle de l’Assemblée nationale, le RIC a été freiné dans sa course jeudi. L’Assemblée nationale a enterré la proposition de Jean-Luc Mélenchon et de son groupe La France insoumise (LFI) d’introduire dans la Constitution ce «référendum d’initiative citoyenne» – convoqué si un certain nombre de signatures d’électeurs est réuni -, dont les trois initiales ont été martelées par des «gilets jaunes» depuis le début du mouvement. Les députés ont voté en majorité (91 voix contre 50) une motion de renvoi en commission, à l’initiative de La République en marche (LREM): pour que le texte revienne dans l’hémicycle, il faut qu’il soit inscrit à l’ordre du jour par le gouvernement, la majorité, d’autres groupes parlementaires – ce qui est très peu probable -, ou LFI, quand un nouvel espace dans l’ordre du jour – une «niche parlementaire» – lui sera attribué… dans un an.

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«Les députés macronistes méprisent les revendications des “gilets jaunes” depuis bientôt trois mois», ont immédiatement dénoncé les élus LFI, regrettant dans un communiqué que «la plupart des députés LREM ne se déplacent même pas pour voter». Dans leur proposition soumise à l’Assemblée, le RIC version Mélenchon prend quatre formes. Il permet de proposer des lois («législatif») et d’en abroger («abrogatif») par référendum, si 2% des électeurs – environ 900.000 – le demandent. Il autorise aussi une consultation pour révoquer des élus locaux comme nationaux, à partir de la moitié de leur mandat («révocatoire»), et modifier la Constitution («constitutionnel»), si 5% des électeurs – environ 2.250.000 – le réclament. Une «errance idéologique», selon le député LREM Sacha Houlié, convaincu le débat sur le RIC ne doit pas avoir lieu à l’Assemblée mais dans le cadre du grand débat national.

Soutien des communistes et du RN, avec des «nuances»

Un peu plus tôt, ravi de défendre à la tribune du Palais-Bourbon une revendication présente dans son programme présidentiel depuis 2012, Jean-Luc Mélenchon s’est érigé en défenseur de la souveraineté populaire. Depuis la limitation du droit de veto royal par les députés, en 1789, «il n’y a pas de pouvoir supérieur

«Il n’y a pas de pouvoir supérieur à celui du peuple»

Jean-Luc Mélenchon, député LFI

à celui du peuple. Il n’y en a pas. Il n’y en aura jamais!», a insisté le chef de file des «Insoumis». Le RIC est «pratiqué dans une quarantaine de pays sous des formes diverses», a avancé pour sa part le député LFI Bastien Lachaud, rapporteur de la proposition de loi. «Lequel, parmi eux, a rétabli la peine de mort suite à un RIC? Aucun!», a-t-il lancé, en réponse aux risques de «dérives» pointés par une partie des oppositions.

Seuls les élus Rassemblement national (RN) et PCF ont apporté son soutien à la proposition, avec toutefois des «correctifs»: «pas favorables au référendum révocatoire», les députés communistes ont par exemple demandé un contrôle du Conseil constitutionnel avant qu’un RIC soit convoqué, pour «se prévaloir de toute dérive». Sur les autres bancs, l’élu Les Républicains (LR) Raphaël Schellenberger a dit redouter «la remise en cause de nos équilibres républicains» et de «la stabilité de nos institutions», quand les socialistes préféreraient l’avènement de débats organisés à l’Assemblée à l’initiative de 450.000 citoyens, et l’institution d’un «droit d’amendement citoyen» pour «fonder une démocratie plus collaborative».

Vers un RIP simplifié?

Le pays ne doit pas «rester en apnée démocratique» entre deux élections

Nicole Belloubet, ministre de la Justice

Les élus LFI «(tentent), en tirant partie d’une crise grave, de réintroduire l’idée que nous devons changer de République», s’est insurgée pour sa part Nicole Belloubet, en évoquant le risque que le RIC soit utilisé par «une minorité active» pour «mettre à l’agenda politique l’abrogation d’une loi qui pourtant peut offrir de nouveaux droits». Pour autant, le pays ne doit pas «rester en apnée démocratique» entre deux élections, a nuancé la ministre de la Justice. Avant de renvoyer au volet «démocratie et citoyenneté» du grand débat. Moyen, selon elle, de «trouver» des solutions au service de l’«oxygénation démocratique tout au long d’un mandat».

Également opposé au RIC, le premier ministre, Édouard Philippe, s’est déjà dit favorable à une simplification du référendum d’initiative partagé (RIP), comme une majorité des contributeurs en ligne du grand débat. Prévue par la réforme de la Constitution de 2008 et applicable depuis 2015, cette consultation peut se tenir à la demande de 20% des députés et sénateurs (185 élus) et de 10% des électeurs (4,5 millions d’électeurs). Deux filtres contraignants – «c’est ceinture et bretelles», selon le premier ministre – qui expliquent qu’un tel scrutin n’a jamais été provoqué.

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