Les services d’urgences se coordonnent pour étendre leur grève avant une manifestation nationale le 6 juin

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Plus de 150 délégués, venus de toute la France, des services d’urgences en grève, se sont réunis à la Bourse du travail de Paris samedi 25 mai pour organiser la suite d’un mouvement entamé deux mois plus tôt à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Revendications communes, structuration du mouvement, état des lieux et dates des prochaines mobilisations étaient au programme.

C’est la grève qui monte, qui monte, qui monte ! Le 18 mars, les urgences de l’hôpital Saint-Antoine à Paris lancent le mouvement. Un mois plus tard, une quinzaine d’unités de l’AP-HP sont en grève. Depuis, la mobilisation a fait tache d’huile dans toute la France, passant d’une trentaine de services d’urgences hospitalières en lutte la première semaine du mois de mai, à 65 répertoriés par le collectif Inter-Urgences ce week-end. La grève déborde même sur d’autres unités comme à Valence ou Bourges où elle touche l’ensemble de l’hôpital.

« La situation est très tendue. Le système est en train de craquer un peu partout », assure Christophe Prudhomme pour expliquer l’extension progressive du mouvement. Pour ce médecin du Samu, responsable national CGT, la ministre de la Santé « ignore les problèmes » alors que les trois principales revendications « ne peuvent se débloquer qu’au ministère ». Les demandes des personnels en grève depuis deux mois ont été adoptées par l’ensemble des délégués de la trentaine d’établissements représentés à la réunion nationale, organisée hier par le collectif Inter-Urgences : plus d’effectifs, l’arrêt des fermetures de lits et une augmentation de 300 €, reconnaissant la spécificité du travail aux urgences.

Pourtant, Agnès Buzyn refuse toujours d’ouvrir des négociations malgré les sollicitations des grévistes et des syndicats. « S’il n’y a pas d’avancées, il va y avoir une fuite des personnels alors qu’il est déjà difficile de les recruter et de les maintenir en poste », prévient Christophe Prudhomme. « Buzyn refuse de se pencher sur les urgences. Elle part du principe que c’est un problème de sécurisation de locaux, mais pas de condition de travail », renchérit Candice Lafarge du Collectif Inter-Urgences. Pendant ce temps-là, les discussions avec les Agences régionales de santé (ARS) patinent, ces dernières n’étant pas habilitées à prendre des décisions sur certaines des revendications des grévistes.

Une association nationale pour peser dans la lutte et les négociations

Pourtant, le mouvement dans les services d’urgence va continuer à s’étendre certifie Candice Lafarge : « nous avons tous les mêmes problèmes, cela fait toujours peur de se lancer, mais avec le collectif, cela fait moins peur ». Des préavis de grève ont déjà été déposés dans certains établissements et les discussions se poursuivent avec les personnels, assure de son côté Christophe Prudhomme de la CGT. Pour structurer le mouvement, le collectif Inter-Urgences, né dans les services de l’AP-HP, va se constituer en association nationale, avec des représentants dans tous les services d’urgences en lutte. C’est une des décisions de l’assemblée générale nationale de ce week-end.

D’ici mercredi, les 65 services en grève pourront adopter la motion déjà validée samedi par les délégués présents à la Bourse du travail. Ce jour-là, les statuts et la composition du bureau seront officialisés. Outre la création d’un outil de coordination pour étendre le mouvement au-delà des 10 % de services d’urgences touchés à ce jour, cette association a pour but de créer une structure juridique permettant de négocier avec le ministère. Jusque là, le collectif Inter-Urgences participait aux négociations à l’AP-HP, parce qu’associé et imposé à la direction des hôpitaux de Paris par les trois syndicats ayant déposé des préavis de grève (CGT, FO, SUD).

Ainsi, syndicats et collectif fonctionnent pour l’essentiel en bonne intelligence, personne ne pouvant estimer ne pas avoir besoin des autres dans le rapport de force engagé. Pour augmenter la pression, les délégués réunis à Paris ce week-end ont fixé une journée de mobilisation nationale pour les urgences : ce sera le 6 juin, devant le ministère de la Santé. En plus de ce rendez-vous, la CGT programme un rassemblement au même endroit, le 11 juin, ce coup-ci, pour l’ensemble des services hospitaliers en lutte. « Il est déjà compliqué d’effectuer le travail de mobilisation pour les urgences », admet Candice Lafarge pour expliquer l’absence d’un appel général à la grève pour tous les services, à l’issue de la réunion de samedi, centrée sur les personnels des urgences. « Libre aux autres services de le faire », précise-t-elle sans aucune hostilité.

L’été sera chaud dans les services d’urgences !

Si une telle proposition n’est pas encore à l’ordre du jour, la contestation dans le secteur hospitalier est loin de s’éteindre. « Il n’y a pas de trêve estivale aux urgences. C’est la période où il y a les crises les plus graves », rappelle Christophe Prudhomme. Déjà le 18 mai à Aulnay-sous-Bois, un des plus grand service d’urgence a été contraint de délester des patients vers d’autres hôpitaux, faute d’un nombre suffisant de médecins. Trois jours plus tard, le président de Samu-Urgences de France a écrit à la ministre de la Santé pour lui signifier que les « structures de médecine d’urgence (service des urgences, Samu-Centre 15, Smur) sont à un point de rupture jamais atteint ». En conséquence, il a appelé « l’ensemble des personnels à arrêter symboliquement le travail le mardi 28 mai à midi, pendant 5 minutes, et à se regrouper devant leur service ».

Autre signe de la colère qui couve partout dans le monde hospitalier, les membres du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’AP-HP ont décerné à son directeur Martin Hirsch en fin de semaine dernière le « Trophée du meilleur destructeur de l’hôpital public ». Pour autant, malgré ce climat de défiance qui se généralise, certains CHU importants comme ceux de Toulouse et Lille, qui ont déjà connu des mouvements il y a quelques mois, n’ont pas réussi à repartir en grève ce coup-ci, même s’ils étaient représentés samedi à Paris.

Photographie : Julien Baguette

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