L’affaire Steve et les silences de l’IGPN : des secouristes décrivent une intervention policière « totalement disproportionnée »

[ad_1] 2019-08-04 09:45:00 Europe solidaire

Une équipe, présente sur les lieux au moment du drame, raconte avoir été choquée par l’atmosphère de « zone de guerre ».

« Cette nuit-là, il s’est produit une injustice. Il y a un truc qui s’est passé qui n’est pas normal. » La sentence émane de témoins-clés de la Fête de la musique à Nantes, dont le discernement tout au long de la nuit peut être considéré comme « total » puisqu’ils n’ont ingurgité « aucun alcool ni le moindre stupéfiant » : en l’espèce, il s’agit des secouristes de la protection civile qui ont pris place à bord du véhicule de premiers secours à personnes (VPSP) « Bravo », au petit matin du 22 juin.

Il était alors 4 h 13 : l’équipe de quatre personnes, toutes âgées d’une vingtaine d’années, venait d’être « déclenchée par le SAMU de Loire-Atlantique pour secourir une personne victime d’un malaise », quai Wilson, à l’endroit même où se tenait la soirée sound system qui a posé difficulté à la police.

A leur arrivée sur zone, plusieurs de ces secouristes, qui ont livré au Monde le récit des événements tout en souhaitant garder l’anonymat pour ne pas être écartés de futures missions de la protection civile, affirment que la situation était « très calme ». « Je ne suis pas quelqu’un qui se sent forcément en sécurité lorsque j’avance dans la foule, qui plus est dans la pénombre, mais là, je n’ai pas ressenti d’agressivité », avance l’un d’eux. Le constat semble unanime :

« Il y avait des gens alcoolisés et sans doute certains avaient-ils pris des substances mais rien d’effarant par rapport à ce que l’on a l’habitude de voir dans les festivals. »

Le niveau sonore craché par les enceintes disposées à moins d’une centaine de mètres n’atteignait pas non plus de record : les secouristes, rendus au chevet de la victime, indiquent avoir « pu se parler sans crier ».

Récit terrifiant

Les membres de l’escouade affirment ne pas avoir « vu de policiers à ce moment ». Mais rapidement, des odeurs de gaz lacrymogènes ont surgi, « picotant le nez et les yeux ». Un bilan médical de la personne blessée a été établi à 4 h 25. Peu de temps après, « une deuxième salve a été tirée. Cette fois, le nuage de lacrymo était très impressionnant. Et on a perdu en visibilité. Comme lorsque cela pète sur les grosses manifs dans le centre-ville de Nantes ».

Un collègue évoque « un mouvement de panique impressionnant » et développe : « On entendait des explosions. Des gens criaient et couraient, désorientés. Des voix ont dit qu’il y avait des personnes à l’eau. Certains d’entre nous se sont approchés du quai et ont aperçu des gens dériver. »

L’un des sauveteurs livre un récit terrifiant : « J’ai vu deux formes flotter. On a appelé les secours adéquats immédiatement. J’ai tenté de les suivre mais le courant était tel qu’ils sont sortis du faisceau de ma torche. Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus. » Son collègue livre son verdict :

« Je suis le dernier à cracher sur les policiers, ils font un job qui n’est pas facile. Mais selon moi, l’opération n’était pas appropriée. L’intervention me paraît totalement disproportionnée. Un tel déploiement de grenades juste pour de la musique, dans un secteur sans habitation, me paraît incroyable. D’autant que les autres années, la musique continuait après 5 heures du matin. »

La prise en charge de la personne ayant fait un malaise a été « compliquée », et même « empêchée sur place », rapporte encore l’équipe. « J’avais tellement les yeux qui pleuraient que je n’ai retrouvé mes équipiers qu’à l’ambulance », souligne un autre.

Observations amendées ou passées sous silence

La colère a éclaté à la lecture des conclusions de l’enquête administrative de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) qui estime, en l’état de ses investigations, qu’il n’existe pas de lien entre l’opération de police controversée diligentée la nuit du 21 juin, et la disparition de Steve Maia Caniço, dont le corps a été retrouvé dans la Loire lundi 29 juillet. Première contrariété : dans son rapport, la police des polices ne positionne pas correctement l’équipage de secouristes au moment de l’intervention des forces de l’ordre, puisqu’elle le situe, selon une formulation quelque peu nébuleuse, « à l’opposé du quai Wilson ».

Plus fâcheux, ces agents de la protection civile ont le sentiment que toutes leurs observations critiques ont été amendées ou passées sous silence. « Je ne sais pas quelle est la définition du mouvement de foule pour l’IGPN mais j’aimerais comprendre, s’agace l’un d’eux. Si c’est un grand nombre de personnes qui fuient rapidement un nuage de gaz lacrymogène, alors oui, il y en a eu un. »

En quittant les lieux à bord de l’ambulance, les secouristes ont encore été choqués par l’atmosphère de « zone de guerre ». « Ce qui ressemble à une grenade de désencerclement a explosé sous la voiture », raconte l’un d’eux. L’idée d’un cocktail Molotov a traversé l’esprit d’un sauveteur, qui confie : « Je m’en souviendrai toute ma vie, j’ai cru que la voiture explosait. »

Contacté, le service d’information et de communication de la police nationale (Sicop) s’en tient à cette unique réponse : « Tous les rapports transmis par la protection civile figurent dans l’enquête administrative et le premier ministre en a pris acte. Si ces personnes veulent apporter un complément, elles pourront le faire dans le cadre de l’enquête judiciaire. »

Yan Gauchard


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