EXCLUSIF Sécurité sociale : vers une rechute du déficit, à plus de 5 milliards d’euros

Gerald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics et Agnes Buzyn, ministre de la Sante, pendant les debats sur le projet de financement de la Securite sociale

 LR: les régimes de base obligatoires de sécurité sociale représentent un budget total de près de 480 milliards d’euros, soit environ près d’un sixième du PIB de la France (2700 milliards d’euros en 2017), significativement plus que le budget de l’État français. Cette manne est convoitée par les industriels de la santé qui s’emploient depuis des décennies à piller la sécu, mais cela ne leur suffit pas. Avec la complicité de tous les gouvernements, ils veulent mettre la main sur les parts de marché les plus lucratives, pan par pan, les libéraux détruisent la sécurité sociale, en utilisant pour ce faire artifices. 

Alors que les prévisions initiales tablaient sur un léger excédent, les comptes de la Sécurité sociale devraient repartir fortement dans le rouge cette année et en 2020. Le gouvernement ne veut pas compenser le coût des mesures « gilets jaunes ». Les rapporteurs du budget des deux chambres sont vent debout.

Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, et Agnès Buzyn, ministre de la Santé, présenteront le projet de budget de la Sécurité sociale le 30 septembre.

Denis AllarD/REA

Dans une dizaine de jours, la Sécurité sociale accusera le choc des mesures d’urgence économique et sociale votées fin décembre pour éteindre la crise des « gilets jaunes ». Lundi 30 septembre, un nouveau budget sera présenté pour 2020, assorti d’une prévision réajustée pour l’exercice 2019. Selon nos informations, le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse devrait dépasser 5 milliards d’euros en 2019 – le chiffre exact doit encore être arrêté. Un montant bien loin des prévisions initiales, qui annonçaient un solde redevenu positif à hauteur de 100 millions d’euros. Et le déficit ne se réduirait qu’à peine en 2020, encore proche de 5 milliards d’euros.

En juin, la Commission des comptes de la Sécurité sociale avait déjà douché l’optimisme, en prévoyant la réapparition d’un déficit de 1,7 milliard d’euros en 2019 (régime général et FSV). Une rechute due aux recettes en berne : 1,4 milliard d’euros de cotisations perdues, parce que la masse salariale ne progresserait plus que de 2,9 % au lieu de 3,5 %.

Pas de compensation pour la Sécu

Selon nos informations, le gouvernement ne souhaite effectivement pas que l’Etat compense ces deux mesures à la Sécurité sociale, en application de la nouvelle doctrine sur les relations financières entre les deux pôles de la dépense publique. Il faut dire que l’Etat assume l’essentiel de la facture de 17 milliards d’euros des mesures post-grand débat. Aucune compensation n’a été inscrite dans le programme de stabilité en avril. Un débat qui a apparemment créé des tensions entre les deux ministres de tutelle de la Sécurité sociale, Gérald Darmanin aux Comptes publics, et Agnès Buzyn aux Solidarités.

Olivier Véran (LREM), le rapporteur général du budget de la Sécurité sociale, se dit « extrêmement remonté » et réclame une compensation pour les heures supplémentaires, ainsi que pour la diminution du forfait social votée dans la loi Pacte (800 millions de recettes en moins). « La Sécurité sociale a joué le jeu l’an dernier en acceptant que certains allégements de charges ne soient pas compensés par l’Etat. Mais c’était dans un contexte de retour à l’équilibre », rappelle-t-il.

Financer la dépendance

Que ces dépenses soient compensées ou pas ne change rien pour le déficit public. Mais la question est « puissamment politique », souligne le député, puisque « quand la Sécurité sociale va bien, cela permet de faire des choses ». Or il faut trouver des milliards d’euros pour financer le plan grand âge. A cet égard, le plan d’Olivier Véran consistant à retarder d’un an l’apurement de la dette de la Sécurité sociale , afin de dégager des financements immédiats, tomberait à l’eau : les ressources iraient d’abord au comblement du déficit. Quant aux économies qui se profilent sur les retraites, elles sembleront plus évidentes si les comptes virent au rouge.

La semaine prochaine, les parlementaires de la majorité, qui rencontrent le Premier ministre, devraient revenir à la charge. Olivier Véran réclamera que la non-compensation fasse l’objet d’une disposition légale, pour que les députés puissent la contester dans l’hémicycle.

Solveig Godeluck

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