« Gilets jaunes » : une « observatrice » de la LDH jugée pour « entrave à la circulation »

Mandatée par la section locale de la Ligue des droits de l’homme de Montpellier pour observer le déroulement des manifestations, Camille Halut est convoquée mardi devant le juge correctionnel.

Par  et  

Publié le 30/09/2019

Des policiers anti-émeutes lors d’une manifestation des « gilets jaunes », le 13 avril, à Toulouse. PASCAL PAVANI / AFP

La Ligue des droits de l’homme (LDH) en est convaincue, la police et la justice, exaspérées par les mises en cause des forces de l’ordre lors de manifestations des « gilets jaunes », feraient en sorte de décourager les témoins gênants. Camille Halut, mandatée pour exercer une mission d’observation par la section de Montpellier de la LDH, est convoquée mardi 1er octobre devant le tribunal de grande instance de Montpellier pour « entrave à la circulation ». Elle était dans un groupe de personnes qui a bloqué l’autoroute A709 lors d’une manifestation le samedi 6 avril. Elle portait alors une chasuble claire sur laquelle étaient inscrits en grand « Ligue des droits de l’homme ». Elle encourt une peine de deux ans d’emprisonnement et 4 500 euros d’amende. Une éventuelle sanction par le juge correctionnel n’atteindra certainement pas de tels sommets, mais la procédure peut surprendre.

« On intimide les ONG pour qu’il n’y ait plus personne qui témoigne », s’inquiète Alain Ottan, l’avocat de Mme Halut, qui sera également défendue à l’audience par Michel Tubiana, ancien président de la LDH. Selon M. Ottan, la vidéo et la police ne démontrent absolument pas une quelconque participation de Mme Halut à l’arrêt de la circulation. « Elle s’est rendue sur les voies une fois que la circulation était interrompue », affirme-t-il.

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Des agressions « qui engagent la responsabilité du préfet »

Samedi 21 septembre, Camille Halut a été de nouveau interpellée et placée en garde à vue à l’occasion d’un nouvel épisode des « gilets jaunes ». Me Ottan soupçonne la police de viser sa cliente car « ses rapports ont alimenté plusieurs signalements à l’IGPN [inspection générale de la police nationale] de violences commises par des membres des forces de l’ordre et la procédure de la Ligue des droits de l’homme contre le recours aux lanceurs de balles de défense ». Cette fois, c’est pour rébellion et refus de se soumettre à un prélèvement ADN qu’elle est poursuivie et convoquée pour être jugée le 12 décembre.

Fabrice Bélargent, le procureur de la République de Montpellier, dément tout acharnement en indiquant que « d’autres observateurs de la LDH tout aussi reconnaissables que Mme Halut participent à ces manifestations, mais c’est la seule à être interpellée ». Sur les faits du 21 septembre, il précise qu’elle « portait des lunettes et un masque dissimulant son visage, et a donné un coup de pied dans le tibia de l’agent qui l’interpellait ». Ce qu’un CRS, témoin de la scène, confirme, même s’il précise ne pas pouvoir dire si le coup était intentionnel ou pas.

La LDH affirme que Camille Halut était « en train de filmer les forces de l’ordre, à l’écart de ces dernières et des manifestants, lorsque plusieurs agents se sont dirigés vers elle de manière déterminée pour l’empêcher de continuer à exercer sa mission d’observation ».

Cette comparution devant le tribunal intervient au lendemain de nouveaux incidents survenus samedi 28 septembre, à Toulouse, entre des policiers et des observateurs citoyens, aux chasubles floquées « Ligue des droits de l’homme ». Des vidéos montrent des policiers malmenant des membres de l’observatoire local des pratiques policières – créé en 2017 par la Fondation Copernic, le syndicat des avocats de France et la LDH.

Dans un communiqué publié lundi, la Ligue des droits de l’homme estime qu’ils « ont été volontairement ciblés par des policiers qui ont multiplié les insultes, les menaces, les tirs de gaz lacrymogène et des matraquages blessant sérieusement l’un d’eux, pris en charge par les pompiers ». Elle dénonce des « agressions inacceptables » qui « engagent directement la responsabilité du préfet et du directeur départemental de la sécurité publique de la Haute-Garonne ».

L’association a indiqué avoir saisi les ministres de l’intérieur et de la justice pour que cessent ces « tentatives d’intimidations et ces harcèlements policiers et judiciaires ».

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