Retraites: la « clause du grand-père » donne des cheveux blancs à l’exécutif

AFP08/11/2019
Edouard Philippe, Agnès Buzyn, Sibeth NDiaye et Jean-Paul Delevoye au Conseil economique, social et environnemental, le 12 septembre 2019 à Paris ( AFP / MARTIN BUREAU )

Edouard Philippe, Agnès Buzyn, Sibeth NDiaye et Jean-Paul Delevoye au Conseil economique, social et environnemental, le 12 septembre 2019 à Paris ( AFP / MARTIN BUREAU )

Six mois après la cacophonie sur l’âge de départ, le gouvernement se divise à nouveau sur la « clause du grand-père » qui consiste à n’appliquer la réforme des retraites qu’aux futurs travailleurs, signe d’une fébrilité croissante à l’approche de la grève du 5 décembre.

Officiellement « il n’y a pas de divergence de ligne à l’intérieur du gouvernement », selon sa porte-parole Sibeth Ndiaye.

L’exécutif vient pourtant de donner un nouvelle démonstration de ses désaccords sur la réforme des retraites, après l’épisode de l’âge de départ au printemps.

Une première manche remportée par Jean-Paul Delevoye, qui avait obtenu la confirmation que l’âge légal serait maintenu à 62 ans dans le futur « système universel » promis par Emmanuel Macron en lieu et place des 42 régimes existants.

Cette fois, l’objet du cafouillage est la « clause du grand-père »: le chef de l’Etat y songe pour ménager les régimes spéciaux, notamment la SNCF et la RATP, où se profile une grève massive. Après SUD-Rail et l’Unsa ferroviaire, la CGT-Cheminots, premier syndicat de la SNCF, a appelé à son tour vendredi à un mouvement reconductible à partir du 5 décembre contre la réforme.

Mais pour M. Delevoye, le recours à la « clause du grand-père » est « impossible ! Si on (le) fait pour une profession, il faut (le) faire pour tout le monde, question d’équité, ça veut dire que l’on renonce à la réforme », a-t-il déclaré mercredi au Parisien, déclenchant l’ire de ses supérieurs.

Jean-Paul Delevoye à l’Assemblée nationale, le 29 octobre 2019 à Paris ( AFP / Francois GUILLOTT )

Le haut-commissaire a rapidement eu droit à un recadrage du Premier ministre, dont l’entourage confirme qu' »ils se sont eus au téléphone pour une mise au point, pour rediscuter la position du gouvernement ».

« Tu ne peux pas fermer des portes qui font partie de la concertation », explique un acteur proche du dossier.

Un message bien reçu par Jean-Paul Delevoye, qui a fait savoir à l’AFP qu’il « se rangera derrière la décision du président, du Premier ministre et du Parlement ».

– Relations « très tendues » –

Le président a déjà prévenu qu’il irait « au bout de cette réforme » mais aussi qu’il ferait « tout pour qu’il n’y ait pas de blocages ».

D’où l’idée de la « clause du grand-père », qui consiste à n’appliquer la réforme qu’aux jeunes qui entreront sur le marché du travail après le vote de la loi.

Graphique montrant les différents régimes de retraite en France, par nombre de retraités par caisse ( AFP / )

Graphique montrant les différents régimes de retraite en France, par nombre de retraités par caisse ( AFP / )

« Je comprends tout à fait quelqu’un qui est à EDF, à la RATP ou à la SNCF, qui a 48 ou 50 ans, et qui proteste. (…) Il est rentré avec un pacte avec la nation, on lui a dit: +vous allez travailler dans cette entreprise, voilà vos droits+. Sans doute il ne faut pas tout bousculer pour lui », avait reconnu M. Macron fin octobre.

Mais la CFDT, seule grande centrale syndicale à soutenir la réforme, émet déjà des réserves sur cette clause qui renverrait la réforme, et ses possibles avancées, aux calendes grecques.

« Si (c’est) juste (pour) les nouveaux entrants, ça veut dire que les femmes, il faut qu’elles acceptent encore pendant une quarantaine d’années d’avoir une retraite en moyenne inférieure de 30% à celle des hommes », a expliqué vendredi son secrétaire général, Laurent Berger.

M. Delevoye défend pour sa part « des chemins de convergence », profession par profession, avec des transitions étalées « sur 15 ou 30 ans ».

Mais dans la majorité, le haut-commissaire a perdu de son crédit et certains évoquent déjà ouvertement sa démission.

« Je ne vois pas comment il peut rester au gouvernement », estime un député LREM, pour qui « il y a deux lignes au gouvernement: ceux qui sont pour la clause, et ceux qui sont contre. Donc il y en a bien un qui va finir par devoir avaler une couleuvre ».

Selon un autre parlementaire, les relations entre le Premier ministre et le haut-commissaire « sont très tendues depuis quelques mois. Il y a un désaccord de fond majeur ». Et d’ajouter: « Il faut tenir Delevoye jusqu’au 5 décembre. »

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