La fiction dépasse la réalité – ou est-ce l’inverse ?

LR: La grande inquiétude d’un conseiller en bourse suisse… La photo de l’ancienne star US de la WWE (catch), un temps candidat à la présidentielle pour 2020.

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Chroniqueur

On connaît tous le principe du Happy End dans le cinéma américain ; quoi qu’il se passe : une invasion d’extra-terrestres, un tremblement de terre, les USA qui sont envahis par des robots qui viennent du futur, une guerre nucléaire, le pays qui est envahi par les Russes – ça c’était dans les années 80 – mais maintenant ; le pays qui est envahi par les Chinois, ou même un virus mortel qui se propage à cause d’un singe. Oui, un singe, on n’avait pas poussé la réflexion jusqu’au pangolin à cette époque. En gros, peu importe la catastrophe qui tombe sur le coin de la figure des Américains, à la fin ils pètent la gueule aux robots, mettent le virus au frigo, reconstruisent après le tremblement de terre et partent faire du surf sur la vague d’un tsunami, pendant que les extra-terrestres se barrent en courant parce qu’ils se rendent compte que le calotte glacière est en train de fondre. Bref, à la fin ; c’est les Américains qui gagnent. Ça c’était la fiction. La réalité, c’est la pandémie de COVID qui font s’effondrer des pans entiers de l’économie, le chômage qui double, des entreprises entières au bord du gouffre, des licenciements en masse, un gouvernement qui est incapable de se mettre d’accord et de bosser ensemble pour lutter contre le chaos économique lié à la pandémie, une élection présidentielle qui promet déjà d’être la plus contestée de l’histoire, un Président qui a isolé les USA comme jamais dans l’histoire des USA et pendant ce temps, le Nasdaq bat son 34ème record de l’année et le S&P500 termine sa séance du 18 août au plus haut de tous les temps et les 12 plus gros milliardaires des USA ont atteint une fortune cumulée de 1’000 milliards de dollars. Jamais dans l’histoire de la bourse américaine, la distanciation sociale entre Wall Street et Main Street n’aura été si grande.

LE Record auquel on ne croyait pas

C’est donc fait. Hier soir à 22h00, lorsque la bourse américaine a terminé sa journée, il y avait comme une odeur d’euphorie, comme une forme de joie d’avoir atteint un nouveau record historique sur le S&P500 – entre le 23 mars et hier soir, l’indice aura progressé de plus de 50%, un poil mieux que le rendement du 10 ans américain (à peine). Il est évident qu’à chaque franchissement d’un niveau historique, normalement il y a un mélange de fierté et de plaisir, puisque ce record indique en général une économie qui va bien – ou c’est que le marché est en plein délire – sauf que là tout de suite, avec ce qui vient de se passer et ce qui se passe encore, il y a quand même une forte suspicion que l’on est plutôt du côté du plein délire que de la représentation rationnelle d’une économie en pleine forme. Je ne vais pas revenir sur les chiffres, mais disons qu’après ce que l’on a vécu lors du premier semestre 2020, même le plus optimiste des traders qui se serait shooté aux amphétamines 64 fois par jour n’aurait pas pu croire – au mois de mars – que nous serions de retour au plus haut de tous les temps seulement 5 mois plus tard. Avec un taux de chômage qui dépasse toujours les 10% et des secteurs entiers qui sont complètement hors-service – pour ne pas citer l’aviation, les voyages, les hôtels, les croisières, le pétrole… Non, jamais on n’aurait pu croire ça possible.

Et pourtant, si l’on s’en tient aux faits, hier soir le S&P500 a donc terminé sa séance quelques points plus hauts qu’il ne l’avait fait le 20 février de cette année, alors que la pandémie, les chauves-souris et les pangolins n’étaient encore que des brèves de comptoir. C’est donc fantastique, ce n’est que du bonheur, les plans de soutien, les injections de liquidités et les taux à zéro ont fait leur office. Bon, visiblement ça n’a pas encore fonctionné dans l’économie réelle, mais Wall Street a bien pris de l’avance et il ne reste plus qu’à que ça redémarre pour de vrai dans la réalité. Mais en attendant, on prend de l’avance. Hier c’est les chiffres des nouvelles constructions de maisons qui ont permis au marché de battre des records. Encore une fois l’effet de base aura fait son office et les analystes ont été surpris parce c’était moins pire que prévu et surtout meilleur que lorsque nous étions en confinement et que l’économie était complètement arrêtée. Surprenant, non ? Enfin, toujours est-il que ça aura suffi pour déclencher un nouveau rallye dans la tech avec des hausses de 4% chez Amazon, de 0.8% chez Apple ou encore de près de 3% en ce qui concerne Google qui se rapproche également de ses plus hauts historiques. Sans compter Tesla qui, bien sûr prend encore 3% hier et se rapproche des 2’000$ l’action. Quoi qu’il en soit, la journée n’était pas « explosive »,, mais suffisante pour faire le job. Et puis Amazon termine tout de même au plus haut de tous les temps aussi et Jeff Bezos peut retourner compter ses billets dans sa salle de jeu de 7’000 mètres carrés.

Le cours boursier d’Amazon

Chart d’Amazon . Source : Tradingview.com

 

Le dollar en chute libre

Pendant que les traders américains oubliaient les gestes barrière et faisaient fi de la distanciation sociale pour fêter les records, en Europe c’était plutôt la soupe à la grimace. Entre les tensions politiques Sino-Américaines exacerbées par les nouvelles sanctions américaines contre Huawei, sanctions qui sont qualifiées « d’arrêt de mort » par certains (tensions et sanctions dont se foutent totalement les investisseurs américains – faut-il le préciser), entre ça et l’Euro/Dollar qui continue de monter, puisque ce dernier est sorti de son range latéral par le haut et semble vouloir aller en direction des 1.20, les marchés européens semblaient en plein marasme.

On a l’impression de vivre dans deux scénarios différents selon le côté de l’Atlantique où l’on se trouve. Aux USA on anticipe (trop peut-être), un futur brillant et formidable et eu Europe, on se ronge les ongles, on déprime, on parle masque 24 heures sur 24 et reconfinement toutes les 5 minutes. Les pays du vieux-continent n’arrêtent pas de se « quarantainiser » parmi et on en oublie le fait qu’il faut prévoir l’après pandémie, le jour où l’on pourra revivre normalement. Bref, alors que Wall Street caracole de record en record, le reste du monde semble un peu perdu sur le chemin à suivre dans les mois qui viennent. Mais entre vous et moi, ce matin on s’en fout, on tient notre record et il n’y a que ça qui compte !!!

L’Asie est contente mais pas trop

Actuellement, l’Asie fête le record américain, mais avec parcimonie et de façon homéopathique – un peu à l’image du record d’hier soir, d’ailleurs – le Japon est péniblement en hausse, pendant que Hong Kong fait de même. Du côté de la Chine, comme d’habitude, on n’aime pas trop monter « parce que » les Américains montent. Alors dans le doute et pour marquer leur différence, les Chinois sont en baisse de 0.3% ce matin et refusent de faire péter les feux d’artifices pour Wall Street.

Pendant ce temps, l’or est à 2’000$ et semble indifférent au comportement du dollar – ce qui est assez étonnant pour être signalé. Il est vrai que le record du S&P500 en association avec le Nasdaq empêche le métal jaune de profiter de toute la quintessence de la baisse du dollar. Le pétrole a tenté de casser les 43$ hier mais il a échoué. Selon les experts, les dernières décisions de l’OPEP n’ont pas satisfait les traders, d’où l’échec de la cassure haussière. Mais je reste convaincu que ça doit finir par démarrer et qu’un matin on va se retrouver avec un baril bien plus haut que là où nous sommes aujourd’hui.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, tout le monde semble concentré sur les discours prononcés durant la convention démocrate. Tous ces discours qui encensent Biden comme Président. Biden est LE MEC qui a sorti les USA de la récession la dernière fois. Bon, ok, il bossait pour Obama, mais si Obama n’avait pas été là, c’est lui qui aurait sorti les USA de la récession, c’est aussi lui qui aurait eu le prix Nobel de la paix, d’ailleurs il le mérite à 50%. Hier soir Clinton a affirmé que Biden est LA solution contre le chaos créé par Trump, qu’il a une vraie vision pour l’emploi – lui qui est censé être à la retraite depuis 10 ans – que Biden va résoudre le problème du réchauffement climatique, de l’emploi, des relations avec la Chine et peut-être même trouver un remède contre le cancer. Les Démocrates ont également critiqué Trump sur son bilan au niveau de l’emploi en citant les 10% de chômage actuel – en oubliant de préciser qu’AVANT la pandémie, le taux était 3 fois plus faible. Et puis on fait parler des gens qui sont hyper-crédibles comme soutien : sa femme, la femme de John McCain (aujourd’hui décédé, mais ennemi juré de Trump)… Bref, sans vouloir prendre parti – parce qu’honnêtement je m’en fous, en tant que « chroniqueur », dans les deux cas ça sera facile d’écrire sur l’un ou l’autre, ils sont source inépuisable de conneries en tous genres – mais disons que la convention démocrate sent l’eau de rose et le bonbon à la fraise et suis sidéré que l’on puisse donner le moindre crédit à ce qui est raconté là-bas alors que ça pue l’hypocrisie et le désespoir de ne pas avoir un « vrai candidat ». Pendant ce temps, les jeunes Américains se sentent frustrés parce qu’ils ne peuvent pas s’identifier à l’un ou l’autre des candidats. Tu m’étonnes, ils ont tous les deux l’âge de leurs arrière-grands-parents et mis à part un qui utilise Twitter – à l’excès – on imagine assez mal Joe Biden s’immiscer dans la polémique autour de cet idiot de 6ix9ine pour se rapprocher des jeunes. En résumé, on n’a pas fini de rire avec cette campagne présidentielle au scénario à peu près aussi fouillé et original que la dernière saison de Santa Barbara.

Autrement on notera que Monsieur Draghi-Whatever-It-Takes est en tournée et que lors de son premier discours depuis qu’il n’est plus patron de la BCE ; il a déclaré que l’Europe devait utiliser intelligemment sa dette si elle voulait remonter la pente et qu’il fallait investir dans les jeunes, la recherche et l’innovation. C’est étonnant comme on peut donner des leçons lorsque l’on n’est plus en poste. C’est un peu comme si François Hollande venait expliquer à Macron comment il faut faire pour générer du charisme autour de sa personne. Et puis il y a le fait que tout le monde trouve super qu’Oracle rachète Tik-Tok, que les chiffres des milliardaires aux USA donnent le tournis et que lorsque l’on entend Trond Grande, le patron du fonds souverain norvégien, on se dit que certains chiffres donnent le vertige. Le plus gros fonds du monde a perdu 21 milliards cette année et Grande s’attend à pas mal de turbulences cet automne et se demande si le recovery sera en V ou en W. 21 milliards, c’est énorme, mais au cœur de la crise, on parlait de 153 milliards. Actuellement le fonds détient des positions dans 9’200 sociétés et cela représente un capital de 214’000$ par Norvégien. La masse sous gestion est de 1’150 milliards de dollars, ce qui relativise tout de même un peu la perte de 21 milliards.

Pour le moment, les futures sont dans le coma et on a l’impression que tout est calme. Presque trop calme. On attend les Minutes du FOMC Meeting ce soir et les chiffres économiques japonais étaient mauvais ce matin, mais ça n’intéresse absolument personne.

Bref, nous sommes au plus haut de tous les temps. Alors moi je vous dis à demain pour de nouveaux records !

Thomas Veillet

Investir.ch

« I did not have sexual relations with that woman”

 

Bill Clinton

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