
Gilets jaunes: «Il faut une grève générale et tout bloquer»
L’acte XV s’est déroulé sans incident à Paris, où l’affluence était supérieure à la semaine dernière.
Par une journée digne d’un joli mois de mai, des milliers de gilets jaunes ont parcouru Paris pour l’acte XV de leur mobilisation. Partie au pas de course de la place de l’Etoile à la mi-journée, la manifestation, déposée et autorisée, a déambulé à travers les beaux quartiers de la capitale dans une ambiance détendue et sous surveillance rapprochée. Les forces de l’ordre encadraient de près le cortège, devant, derrière, et aussi sur les côtés : jaune au milieu, bleu tout autour.
«Les grenades, c’est nos impôts»
En face d’eux, sur le pont qui enjambe la Seine, quelques lacrymos sont tirées. Des coups de matraques tombent sur des têtes – l’une d’elles sera ouverte et soignée par les Street Medics. «Sur le pont, c’est pas très malin», relève un manifestant, un peu inquiet de voir la foule se tasser derrière lui et la fumée des gaz s’épaissir devant. Simple péripétie : le cortège reprend sa marche dans les rues étroites du VIIe arrondissement. Les gendarmes mobiles ont néanmoins baissé leur visière, alors qu’ils ne portaient pas de casque, un peu plus tôt, devant le Café de la Paix sur la place de l’Opéra.
Quelques classiques sont entonnés par la foule. Le hit de l’été sur Benjamin Pavard est remixé en : «Emmanuel Macron, on vient te chercher chez toi !» Quelques «anti anticapitaliste» se font entendre, et même un «anti antipatriarcat». «Paris, debout, soulève-toi» alterne avec une élégante dédicace au ministre de l’Intérieur, «Castaner, nique ta mère» également proposé en version «Castaner, assassin». «Les grenades, c’est nos impôts», crie un vieil homme dans un mégaphone. «Il n’y a pas d’hélicoptère aujourd’hui», remarque un jeune face au ciel bleu parfaitement dégagé. «Il n’est là qu’en cas de débordement», professe son acolyte.
Brûler ou non la poubelle ? Le débat divise des gilets jaunes et deux k-way noirs. Ils l’auraient bien cramé ce mobilier urbain de l’avenue Bosquet. Les gilets jaunes s’opposent à l’incendie, contrariant l’échaudé. Un jeune, visage au vent, vole à son secours : «Sans eux, on n’aurait jamais parlé de vous.» «On est pacifistes», répliquent ceux qui ne veulent pas de flammes. «C’est qu’une poubelle, on s’en fout», philosophe une femme équipée d’un masque contre les gaz. Aucun black block ne s’est constitué au sein du cortège pendant les cinq heures de manifestation.
Dernière ligne droite. Au bout de l’avenue du président Wilson, le soleil tombe. Vers 17 heures, le défilé termine d’arriver au Trocadéro. Quelques bouteilles volent, des lacrymo aussi, sans empêcher un opposant gabonais de terminer son speech sur le soutien de la France aux dictatures. Les gilets jaunes se dispersent au milieu des touristes.
Près de 47 000 « gilets jaunes » ont manifesté dans toute la France
Selon le ministère de l’intérieur, les manifestations à Paris se déroulent dans le calme. Quelques heurts ont eu lieu à Clermont-Ferrand.
- A Paris, cinq rassemblements et une « marche dans les beaux quartiers »

A Paris, cinq manifestations ont été déclarées, dont trois sous la forme de rassemblements, a indiqué par communiqué la préfecture de police. Les deux défilés, baptisés sur Facebook « Tsunami jaune » et « Tous aux Champs-Elysées, on ne lâche rien », ont rassemblé 5 800 personnes selon le ministère de l’intérieur, contre 5 000 la semaine dernière.
La « marche dans les beaux quartiers » a débuté à midi sur les Champs-Elysées, point névralgique de la mobilisation parisienne chaque week-end. Quelques bombes lacrymogènes ont été tirées à l’arrivée sur l’esplanade du Trocadéro pour disperser la cortège, en fin d’après-midi.
- Au Salon de l’agriculture, visite de Macron et de certains « gilets jaunes »
Pendant que le président de la République prononçait un discours pour rassurer les agriculteurs et entamait sa visite des stands, plusieurs leaders du mouvement ont tenté, malgré l’important dispositif policier, de le rencontrer. Eric Drouet s’y est rendu dans la matinée pour tenter – en vain – d’« approcher » M. Macron, avant de repartir rapidement. Benjamin Cauchy a également annoncé son intention de le faire, mais sans dire quand il irait. Sur Facebook, Maxime Nicolle a indiqué quant à lui qu’il participerait au rassemblement à Rennes.
Alors qu’Emmanuel Macron poursuivait en début d’après-midi sa déambulation au milieu des poules, il s’est fait interpeller par un homme brandissant un gilet. « Je suis un gilet jaune tranquille, je ne suis pas méchant. Sortez un peu de votre bulle, monsieur Macron », lui a lancé le militant.
- Clermont-Ferrand, ville barricadée ; Bordeaux manifeste dans calme

A Clermont-Ferrand, la ville entière s’était barricadée : commerces, parcs et bâtiments publics sont fermés, tandis que les concerts et les spectacles ont été annulés. Entre 2 500, selon la préfecture, et « de 5 000 à 6 000 » personnes selon les organisateurs ont défilé dans la ville auvergnate. Dans un concert de huées, de sifflets et de pétards, aux cris de « Castaner aux fers, Macron en prison », « Fin du monde, fin du mois, même combat », la majorité des « gilets jaunes » ont convergé vers 15 h 30 place de Jaude où des poubelles ont été incendiées. Un dispositif policier exceptionnel a été mis en place, selon les autorités locales.
Des affrontements ont eu lieu dans une artère commerçante de la ville entre une trentaine de « gilets jaunes » et les CRS qui ont tiré au lanceur de balle de défense. Une personne a été blessée au pied, selon la préfecture, qui ignorait à ce stade la gravité de la blessure. Au début de l’après-midi, quinze personnes ont été interpellées dont huit placées en garde à vue.
A Bordeaux, la mobilisation, samedi après samedi, reste intacte. Plusieurs milliers de « gilets jaunes », selon la police ont défilé dans le calme. Et alors que le cortège girondin se termine régulièrement par des heurts avec les forces de l’ordre, des organisateurs ont clairement montré samedi leur volonté d’une démonstration pacifique en bloquant eux-mêmes l’accès à la place Pey-Berland, théâtre habituel de violences.
Plusieurs « gilets jaunes » ont ainsi fermé quelques instants une rue conduisant à la place de la mairie à l’aide d’une large banderole grise où s’inscrivait, en lettres jaunes, « Pas de Pey-Berland aujourd’hui », détournant ainsi le cortège. Un jeune qui s’en prenait à un abribus a été expulsé du cortège par plusieurs manifestant.
Du côté de Toulouse, plusieurs milliers de personnes, selon un journaliste de l’AFP, ont manifesté samedi. La préfecture n’a pas donné de bilan chiffré de la participation, estimant dans un communiqué que le nombre de manifestants avait connu « une baisse sensible par rapport aux semaines précédentes ».
La semaine dernière, 4 000 personnes selon la police avaient manifesté dans la Ville rose, une des places fortes de la mobilisation en France. Une semaine auparavant, elles étaient 6 000 selon la police. Samedi après-midi, après près de trois heures de défilé dans les rues de Toulouse, dans le calme et sous le soleil, les manifestants se sont rassemblés devant l’Hôtel de ville, sur la place du Capitole.
Une large banderole avait été suspendue entre deux lampadaires de l’éclairage public, sur laquelle était écrit en lettre blanches sur fond noir: « Toutes et tous mobilisons-nous conte les politiques anti-sociales de Macron ». Quelques instants plus tard, les forces de l’ordre tiraient les premières salves de grenades lacrymogènes, les manifestants s’éparpillant alors dans les rues adjacentes. La préfecture a annoncé que quatre personnes ont été interpellées.
A Rennes, près de 2 000 personnes, selon la police se sont rassemblées. Les manifestants, venus de toute la Bretagne, mais aussi des Pays de la Loire et de la Touraine répondaient à un appel à un rassemblement interrégional.
« Macron démission ! Castaner en prison ! »: drapeaux bretons, tricolores ou jaune fluo appelant à un « RIC » (référendum d’initiative citoyenne), le cortège s’est ébranlé sous le soleil depuis la place de la République à 14 heures, au son d’un « chant des partisans » à la cornemuse. La préfecture a fait état d’une « quinzaine d’interpellations, dans le cadre de contrôles et de fouilles préventives avant la manifestation ». Des armes, des couteaux, des billes de plomb ont été saisis et les personnes interpellées placées en garde à vue, a-t-elle précisé.
Sur son compte Twitter, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a déploré les heurts qui ont eu lieu dans plusieurs villes.
- Pique-nique géant à Chambord
Plusieurs leaders du mouvement, dont Priscillia Ludosky, sont à Chambord, dans le Loir-et-Cher. Ils participent dans une ambiance bon enfant au pique-nique organisé avec plus d’un millier de personnes devant le château, une manière de se moquer d’Emmanuel Macron qui y avait fêté ses 40 ans en 2017.
Principalement venus de Sologne et de Touraine, les manifestants ont mis en place, pour éviter tout débordement, un vaste réseau de « gilets blancs », chargés de surveiller le bon déroulement de l’événement organisé en coordination avec la mairie et les gestionnaires du château, mais aussi avec la gendarmerie qui a dénombré environ 1 200 personnes.
- Blocage de la plate-forme Amazon de Toulouse
Une centaine de personnes, dont des « gilets jaunes » et des membres d’Attac, ont bloqué samedi matin la plate-forme Amazon de Toulouse, qui a été fermée, empêchant toute livraison. Parmi les tracts distribués, celui qui disait :
« Emmanuel Macron veut faire payer la transition écologique par les plus pauvres. Pourquoi ne pas faire payer les gros pollueurs qui doivent déjà de l’argent à la société ? »
Les manifestants dénonçaient aussi « l’exploitation » par Amazon« des salariés », « la pollution de l’environnement » et fustigaient le montant « dérisoire » des impôts payés par le géant américain de la distribution en ligne en Europe et en France, une « fraude fiscale »selon eux.
Le leader grenoblois des « gilets jaunes », Julien Terrier, et un autre membre actif du mouvement ont été placés en garde à vue, samedi matin 23 février, a-t-on appris auprès du parquet de Grenoble. Les deux hommes sont « dans les locaux de la gendarmerie dans le cadre d’une enquête de flagrance », a précisé le procureur de la République. L’enquête a été ouverte pour « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences ou dégradations » et « organisation d’une manifestation sur la voie publique sans déclaration préalable ».
Julien Terrier et Jérôme Bouzendorffer avaient appelé cette semaine à une opération péage gratuit à Voreppe (Isère), sur l’autoroute A48, à l’occasion de l’acte XV du mouvement national des « gilets jaunes », alors que ce week-end de chassé-croisé des 23 et 24 février s’annonce très chargé sur les routes. Le 8 décembre, Julien Terrier avait déjà été placé en garde à vue à Grenoble. Il lui était reproché d’avoir organisé une manifestation illégale.
DIRECT. « Gilets jaunes » : 46 600 manifestants en France dont 5 800 à Paris, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur
Quelque 2 500 « gilets jaunes » ont notamment défilé samedi, dans le cadre d’un rassemblement régional, à Clermont-Ferrand, où des heurts se sont produits avec les forces de l’ordre.

Les week-ends se suivent et se ressemblent. Les « gilets jaunes » se sont mobilisés de nouveau, samedi 23 février, pour leur quinzième samedi d’action d’affilée. Des rassemblements se sont déroulés à Paris, mais aussi à Clermont-Ferrand, Bordeaux, Lille ou Toulouse. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, ils étaient 46 600 manifestants, dont 5 800 à Paris.
Des heurts à Clermont-Ferrand. Quelque 2 500 « gilets jaunes », selon la préfecture, ont défilé à Clermont-Ferrand, barricadée pour l’occasion dans la crainte de la présence de casseurs parmi les manifestants dont certains se sont heurtés aux forces de l’ordre en milieu d’après-midi.
Macron au Salon de l’agriculture. Comme chaque semaine, plusieurs événements Facebook appellent les « gilets jaunes » à se réunir à Paris. Cinq manifestations ont été déclarées, précise la préfecture de police. En plus des Champs-Elysées et de la place de la République, le Salon de l’agriculture est aussi évoqué : le chef de l’Etat y passe la journée. Eric Drouet, leader des « gilets jaunes », y a été aperçu samedi matin. « On voulait voir si on pouvait s’approcher du président, voir ce qu’il a à dire », a affirmé le chauffeur routier à des journalistes de l’AFP.
Pas de livraison Amazon à Toulouse. Une centaine de personnes, dont des « gilets jaunes », ont bloqué la plateforme Amazon de la ville. Elles ont distribué aux automobilistes des tracts sur lesquels on peut lire : « Amazon détruit les emplois et la planète ».
Des actions en région. La capitale n’est pas le seul théâtre de mobilisation. Des événements sont aussi prévus à Clermont-Ferrand, Bordeaux, Lille ou Toulouse. A Chambord, des « gilets jaunes » appellent à un pique-nique géant : c’est dans cette ville du Loir-et-Cher qu’Emmanuel Macron avait fêté son anniversaire en décembre 2017.
• Le Salon de l’agriculture a ouvert ses portes à Paris, ce matin. « Nous pouvons faire du vignoble français le premier vignoble sans glyphosate du monde », a déclaré Emmanuel Macron, dans un discours consacré notamment à la politique européenne agricole. Le chef de l’Etat déambule désormais dans le salon à la rencontre des agriculteurs.
• Des milliers de manifestants se sont rassemblés, un peu partout en France, pour le quinzième samedi de mobilisation. Des tensions avec les forces de l’ordre sont signalées à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).
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(JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)
Les policiers des renseignements territoriaux (ex-RG) sont en première ligne face au mouvement. Présents sur les ronds-points, dans les manifestations et dans les réunions du « grand débat national », ils jouent parfois un rôle de médiateur sur le terrain.
(MICHEL STOUPAK / NURPHOTO / AFP)
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Ingrid Levavasseur, l’une des figures des « gilets jaunes » revient sur l’évolution du mouvement et les violences qu’elle a dû affronter, dans un entretien au Parisien.
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