47,1 millions d’électeurs français étaient appelés aux urnes ce dimanche pour élire nos 79 eurodéputés au Parlement européen, dont cinq qui attendront que le Brexit soit effectif pour siéger. Si 34 listes étaient sur les rangs – davantage une preuve d’éclatement de la vie politique, notamment à gauche, que de bonne santé de notre démocratie – seules six d’entre elles auront bien des eurodéputés élus. Alors que les appels au vote utile, chacun affirmant l’être, se sont multipliés à l’approche du vote, c’est le premier enseignement majeur de ce scrutin : la mobilisation est en forte hausse avec, 51,3% de participation, la plus importante depuis 1984. Un sursaut dont chacun peut se satisfaire mais dont toutes les listes n’ont pas profité, à commencer par celle de LREM-Modem et celle du LR. Principaux gagnants : l’extrême droite et les écologistes.
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Alors qu’Emmanuel Macron avait fait de la première place un enjeu politique majeur, espérant polariser le scrutin à son profit, le chef de l’Etat a raté son pari. La liste Renaissance conduite par la fort décriée Nathalie Loiseau n’arrive qu’en seconde place, malgré un score de 22,1% (selon les premières estimations Ipsos pour France Télévisions) qui n’a rien de déshonorant pour un pouvoir en place. A titre de comparaison, la liste PS-PRG avait plafonné à 13,98% en 2014, mais en 2009 celle de l’UMP alliée à l’UDI avait, elle, atteint 27,88%. On rappellera aussi que cette fois ces européennes étaient le premier scrutin intermédiaire du quinquennat. En 2014, les municipales avaient déjà eu lieu.
Forte hausse de la participation
Plus que le score, c’est l’ordre d’arrivée des «progressistes» et des «nationalistes» que le chef de l’Etat a mis en avant comme boussole du scrutin. Beaucoup ont pointé le risque de cette stratégie du barrage. Verdict : deux ans après l’élection d’Emmanuel Macron, le Rassemblement national de Marine Le Pen obtient de nouveau la première place des élections européennes, comme en 2014 sous François Hollande. Avec un score à peine inférieur à celui qui était le sien il y a cinq ans, 23,3% des voix contre 24,86%, dans un contexte de forte hausse de la participation (51,3% contre 42,43%), la liste conduite par Jordan Bardella a rassemblé au moins autant d’électeurs qu’en 2014. Il devrait obtenir le même nombre d’eurodéputés (24). Victorieuse de ce scrutin proportionnel à un tour, Marine Le Pen, qui restait sur une veste au second tour de la présidentielle, peut de nouveau se proclamer à la tête du «premier parti de France». Cette élection vient confirmer que l’extrême droite ne pâtit plus de la surmobilisation pour un scrutin.
Grosse surprise de cette élection, la liste emmenée par François-Xavier Bellamy, avec seulement 8,4% des voix, se voit devancée par celle de Yannick Jadot (EE-LV), à 13,1%. Egalement dans l’opposition lors des européennes de 2014, la liste UMP avait alors récolté 20,81% des suffrages. Loin du refrain de campagne sur un «effet Bellamy», ce score, qui n’est pas celui d’un parti potentiellement finaliste d’une présidentielle, engage la responsabilité du patron de LR, Laurent Wauquiez, qui avait refusé de conduire la liste.
Vote utile écolo
Dans le trio de tête, la liste écolo fait nettement mieux que ce que les sondages anticipaient. En deçà de leur score canon des européennes de 2009 – 16,28% –, EE-LV retrouve un score à deux chiffres (13,1%), contre 8,95% il y a cinq ans. Cela suffit à les placer en tête de la gauche – même si EE-LV comme La France insoumise affirment se situer au-delà de la dualité gauche-droite. Loin des 22% obtenus par les Grünen en Allemagne, Jadot a toutefois profité lui aussi en France d’un vote utile écolo, dans un contexte où la cause climatique progresse mois après mois dans l’opinion. L’analyse des résultats permettra de dire s’il a siphonné l’électorat Macron ou pioché dans le vivier, plus maigre, de Raphaël Glucksmann ou de Benoît Hamon.
On l’imaginait en baston avec les écolos pour la quatrième place, la liste de Manon Aubry (LFI) finit cinquième, au même niveau que la liste Place publique-PS selon les premières estimations Ipsos. Avec 6,6%, les insoumis sont eux bien loin de leurs ambitions initiales, ce que tous les sondages annonçaient. Le mode de scrutin et les enjeux des européennes n’ont rien à voir avec ceux de la présidentielle et ces 6,6% paraissent bien peu comparés aux 19,58% du candidat Mélenchon au premier tour en 2017. Ou même comparés aux 11% des législatives de 2017, la jauge que les leaders de LFI avaient pris soin de fixer comme score de référence.
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Ultime liste à envoyer des élus au Parlement européen (le seuil est à 5% des suffrages exprimés), celle conduite par Raphaël Glucksmann, au nom de Place publique et du Parti socialiste, embryon de rassemblement de gauche. Elle a finalement attiré 6,6% des suffrages. Un score fort modeste à l’échelle de l’histoire du parti à la rose mais un ouf de soulagement au regard des circonstances, en particulier la mortifère multiplication des listes de gauche dans cette élection. Alors que Glucksmann rêvait pour ce scrutin d’une union beaucoup plus large qu’avec le seul PS, le soutien des nombreux éléphants sortis du bois avec plus ou moins d’entrain n’aura pas pesé lourd dans les urnes. Un détail : Claire Nouvian, figure de la campagne côté Place publique, n’était pas en position éligible. Un autre : en faisant jeu égal avec LFI dans une élection à forte participation, la liste PS-Place publique a forcément un sourire en coin.
Mordre la poussière
Deux ans après son échec à la présidentielle, Benoît Hamon (3,3%) sauve lui aussi les meubles sur le plan financier (au-dessus des 3% ouvrant la voie à un remboursement des frais de campagne), mais mord la poussière politiquement. Son avenir politique est forcément sur la table. Le leader de Génération·s, qui a rompu avec le PS, n’a pas réussi à nouer les alliances qu’il espérait pour ce scrutin.
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La liste du souverainiste de droite Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) obtient, lui, 3,4%, contre 3,8% en 2014. Alors que les sondages l’ont un temps annoncé au-dessus des 6%, l’ancien allié de Marine Le Pen au deuxième tour de la présidentielle de 2017 finit loin de ses ambitions.
Isolé et peu audible, il le paye cash. Si sa campagne a redonné de la voix au Parti communiste français, la liste conduite par Ian Brossat restera, elle aussi, aux portes du Parlement européen, à 2,3% le PCF ne sera pas remboursé. Paradoxalement, avec un nouveau patron depuis peu, Fabien Roussel, et un peu d’air électoral, la place du Colonel-Fabien a presque retrouvé un espace politique.
Sous la barre des 3%, Jean-Christophe Lagarde, le patron de l’UDI, voit la liste de son parti plafonner à 2,6%. Une dégringolade. En 2014, l’UDI et le Modem, alors alliés, avaient obtenu 9,94% des voix. Il se retrouve dans la catégorie des candidats du Frexit, François Asselineau (UPR) et Florian Philippot (Les Patriotes) : le premier a rassemblé 1,2% des suffrages tandis que l’ancien frontiste obtient lui 0,7%. Egalement privée d’élus comme de remboursement de ses frais de campagne, la liste anticapitaliste de Nathalie Arthaud (LO, soutenue par le NPA) est restée sous les 1%, à 0,8%, bien loin des 4,88% d’Olivier Besancenot (NPA) en 2009.
Le parti animaliste obtient, lui, 2,2% des voix. Signe que l’écologie a mobilisé ce dimanche, la liste Urgence écologie de Dominique Bourgatteint un inattendu 1,8%
Les listes gilets jaunes, par exemple celle conduite par Francis Lalanne, achèvent, elles, cette élection avec un score proche de zéro.
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