Une poignée de gilets jaunes irréductibles veulent relancer les blocages pour faire perdurer un mouvement à bout de souffle. Entre baroud d’honneur et nouvelle ère… le pari est risqué.
Des gilets jaunes apportent leur soutien aux employés en grève de Castorama à Englos, dans les Hauts-de-France (Image d’illustration).
POLITIQUE – C’est l’appel du 22 juin. La mobilisation des gilets jaunes a beau s’effriter de samedi en samedi, le noyau dur de cette contestation continue de rameuter les foules pour relancer un mouvement désormais à bout de souffle. Mission compliquée d’autant qu’au sein même de cette poignée d’irréductibles, deux lignes s’opposent désormais. La première consiste à poursuivre les manifestations hebdomadaires déclarées et encadrées quand la seconde prône un “retour aux sources” et aux blocages.
Et c’est ce mode d’action plus radical qui a été choisi par les figures du mouvement pour ce samedi 22 juin. Une date programmée depuis plusieurs semaines par des gilets jaunes qui s’agacent de plus en plus des cortèges classiques. Éric Drouet a été l’un des premiers à s’élever contre les “manifs à la con (…) qui ne servent à rien.” Le créateur de la page “La France en colère !!!” et initiateur des blocages du 17 novembre veut donc remettre ça en ce printemps.
Pour lui comme pour nombre de ses acolytes médiatisés (de Maxime Nicolle à Jérôme Rodrigues), cette journée doit être le point de départ d’un “nouveau mouvement”. Et il se doit d’être basé sur les fondements du début de la mobilisation des gilets jaunes. À savoir mettre en place des blocages de raffineries, entreprises, grandes surfaces ou administrations partout sur le territoire. Une nouvelle doctrine qui apparaît plus que jamais comme l’une des dernières chances pour ces gilets jaunes d’attirer la lumière et donc de faire entendre leurs revendications.
Grosse mobilisation sur les réseaux sociaux
Car les gilets jaunes (certains du moins) sont bien conscients que leur heure est peut-être passée et que l’attention médiatique sur leur mouvement n’a plus aucune commune mesure avec les débuts. “Ça n’a pas été relayé par les médias”, constatait Éric Drouet jeudi dans une de ses traditionnelles vidéos diffusées en direct sur Facebook, tout en estimant que la presse ne couvrait pas cet appel au blocage par “craintes.”
Pour recréer de l’allant autour de cette contestation historique née il y a plus de sept mois désormais, plusieurs leaders non-officiels ont donc coché la case du 22 juin dans leur calendrier. Un rendez-vous qui se veut dans la même veine que le 17 novembre, le 1er décembre ou encore le 16 mars. Toutes ces journées avaient été programmées bien en amont pour permettre au maximum de gilets jaunes de s’organiser. Même recette pour cet acte 32 puisque la date du 22 juin tourne sur les réseaux sociaux depuis le début du mois. C’est Éric Drouet qui en a publiquement fait état le premier, le 3 juin dernier en publiant plusieurs visuels appelant aux blocages.
Et contre toute attente, le phénomène a rapidement pris. Alors que l’activité sur les pages Facebook dédiées à la fronde -véritable espace de discussion de travail et de mobilisation du mouvement- s’appauvrit depuis plusieurs mois, la nouvelle perspective d’un grand soir semble redonner du poil de la bête à certains contestataires.
Les appels à la mobilisation pullulent désormais au sein de ces espaces virtuels. “Certains disent ‘les gilets jaunes c’est fini’ je crois qu’ils n’ont pas compris qui nous sommes. Le 22 juin en masse, force et honneur”, veut croire un internaute sur la page “La France en colère – Carte des rassemblements.” D’autres prédisent plus simplement: “Le 22 juin, tout sera bloqué.”
Attention au flop
Autre signe de ce regain de forme: les vidéos promotionnelles de l’événement façon bande annonce de film d’action à petit budget. À l’image des publications écrites, ces mini-films comme celui que vous pouvez voir ci-dessous sont légion sur les pages Facebook. “Pour nos blessés, pour nos mutilés, pour nos morts, pour nos familles et pour notre dignité, on ne doit rien lâcher!”, est-il écrit en conclusion du clip. De quoi donner le ton.
Seulement ce n’est pas la première fois que les gilets jaunes jouent la partition du grand soir. Si certaines dates resteront dans l’histoire du mouvement, d’autres ont été le théâtre d’échecs cuisants. Entre les appels au blocage de Rungis, le référendum des précepteurs, les manifs de nuit ou encore la mobilisation des gitans… nombreuses actions prévues et évoquées sur les réseaux sociaux n’ont pas réussi à passer le cap du virtuel au réel et de l’incantation à l’action.
D’autant que les organisateurs sont conscients qu’ils ne pourront pas jouir de la même liberté que le 17 novembre dernier. Peu d’événements précis sont ainsi visibles sur les réseaux sociaux pour cette journée. Les organisateurs expliquent que les choses se passent en interne et appellent les gilets jaunes à scruter les pages Facebook régionales de la mobilisation dès le samedi matin pour voir les lieux ciblés. Une organisation peu optimale pour motiver, mobiliser et au final réunir le plus grand monde.
Même Éric Drouet se montre prudent quant à son propre appel. “Je pense que ça va mettre du temps à démarrer. Je pense que le 22 juin ne sera pas la journée la plus forte”, prévenait-il dans une vidéo publiée sur Facebook à J-2 de l’événement. Le tout est pour lui de faire infuser l’idée que seuls les blocages sont utiles aux revendications des gilets jaunes. Son but affiché? Installer un nouveau “rapport de force avec le gouvernement” avant l’été. Sans ça la mobilisation continuera sans doute de s’éteindre à petit feu.
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