«Gilets jaunes»: Policiers renvoyés en correctionnelle, «pourquoi n’entend-on jamais les donneurs d’ordre?»

ENQUETE Dans une interview au « Parisien », le procureur de la République, Rémy Heitz, a annoncé que des policiers mobilisés sur les manifestations des « gilets jaunes » seraient renvoyés en correctionnelle

Caroline Politi

Des membres des forces de l’ordre lors de l’acte 23 des gilets jaunes. — Anne-Christine POUJOULAT / AFP
  • Dans une interview au Parisien, Rémy Heitz a annoncé le renvoi de policiers mobilisés sur les manifestations des « gilets jaunes » en correctionnelle.
  • Pour l’heure, aucun policier ou gendarme n’a été mis en examen.
  • Cent soixante-quatorze enquêtes visant des policiers ou gendarmes ont été ouvertes à Paris.

Il n’a pas donné de date mais le rendez-vous est pris. Dans une interview publiée ce vendredi dans Le Parisien, le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz a annoncé que des policiers mobilisés sur des manifestations de «gilets jaunes» seraient renvoyés devant le tribunal correctionnel d’ici à la fin de l’année. « À ce stade, aucun policier ou gendarme n’a été mis en examen. Un policier a été placé en garde à vue dans une affaire où un manifestant a été blessé et hospitalisé, mais l’enquête est toujours en cours », précise toutefois le magistrat. Sur les 174 enquêtes ouvertes, 57 dossiers ont été clôturés. Parmi eux, huit ont nécessité l’ouverture d’une information judiciaire et les investigations confiées à un juge d’instruction.

L’annonce du magistrat a suscité la colère des syndicats policiers. Par son tempo d’abord. « Quand les manifestations étaient à leur paroxysme, tout le monde saluait le sang-froid des hommes sur le terrain, maintenant que le mouvement des «gilets jaunes» s’essouffle, qu’on a moins besoin des policiers, on annonce leur renvoi en correctionnelle ? », déplore Philippe Capon, secrétaire général d’Unsa-police, qui voit dans les déclarations du magistrat une annonce politique et une manière d’exister sur la scène médiatique.

« On a su utiliser nos collègues lorsqu’on en avait besoin »

« Pourquoi attendre six mois pour annoncer ces renvois si ce n’est pas pour rassurer les “gilets jaunes” ? », abonde Frédéric Lagache, délégué général d’Alliance. Dans son interview, Rémy Heitz cite notamment les violences commises au sein du fast-food Burger King des Champs-Elysées tout début décembre ou celles dénoncées par l’un des leaders du mouvement Jérôme Rodrigues le 26 janvier. « Après avoir utilisé nos collègues jusqu’à l’épuisement, on les jette en pâture alors même qu’il n’y a eu aucune mise en examen », poursuit le syndicaliste, rappelant la nécessité de respecter la présomption d’innocence.

Quid également des donneurs d’ordre. « Pourquoi ne sont-ils jamais entendus ?, interroge Linda Kebbab, déléguée nationale d’Unité SGP-police. Ce sont leurs défaillances qui conduisent des policiers pas suffisamment formés et équipés sur le terrain. Ils sont à minima complices. Pourtant même lorsqu’ils sont limogés, ils sont promus peu après », référence à l’ancien préfet de police de Paris, Michel Delpuech, nommé au Conseil d’Etat. Pour coller au mieux aux réalités du terrain, le syndicat plaide pour la création d’une juridiction spécialisée avec des magistrats spécialisés pour savoir si l’usage de la force était légitime et proportionné. « Il n’y a pas d’impunités des policiers, il n’y en a jamais eu. Si des enquêtes mettent en avant des violences, ils sont renvoyés. Mouvement des « gilets jaunes” ou non. Mais il faut prendre en compte les réalités techniques de notre métier, le contexte pour juger », abonde Linda Kebbab, déléguée nationale d’Unité SGP-police.


Plus de 300 journalistes dénoncent les violences policières dans une tribune

TRIBUNE Ils signent une tribune sur le site de Franceinfo et demandent au gouvernement de prendre les mesures nécessaires

20 Minutes avec AFP – Publié le 01/05/19

Le journaliste Gaspard Glanz, arrêté par la police lors de l'Acte 23 des Gilets Jaunes à Paris le 20 avril 2019.

Le journaliste Gaspard Glanz, arrêté par la police lors de l’Acte 23 des Gilets Jaunes à Paris le 20 avril 2019. — Alfred Photo/SIPA

Plus de 300 médias et journalistes de terrain, dont le reporter d’images Gaspard Glanz, ont publié mercredi une tribune sur le site de Franceinfo pour protester contre « les multiples violences d’Etat » dont ils estiment faire l’objet.

« Depuis trois ans maintenant, nous assistons à une volonté délibérée de nous empêcher de travailler, de documenter, de témoigner de ce qui se passe pendant les manifestations », écrivent ces journalistes, indépendants ou intégrés à une rédaction, en ce jour de 1er mai sous haute tension.

Plusieurs journalistes interpellés et placés en garde à vue

« Il n’y a pas eu de manifestations ou de rassemblements ces derniers mois sans qu’un ou une journaliste n’ait été violenté physiquement ou verbalement par les forces de l’ordre, poursuivent-ils. Plus récemment, un cap répressif a été franchi. Plusieurs confrères ont été interpellés et placés en garde à vue pour « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations », alors même que nous nous déclarons comme journalistes ».

Les signataires appellent donc le gouvernement à prendre « les mesures nécessaires pour que les forces de l’ordre cessent » de les « harceler » et les laissent travailler « librement ». Ils soulignent aussi qu’une majorité d’entre eux sont « indépendants et précaires » et que la carte de presse « est devenue extrêmement compliquée à obtenir ». « Or, les forces de l’ordre demandent systématiquement la détention d’une carte de presse pour nous permettre de travailler », une « exigence abusive » déplorent les signataires.

La question de la carte de presse

Ils demandent de ce fait à la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) de leur attribuer une carte de presse. La Commission marquerait de la sorte « sa solidarité avec les plus précaires d’entre nous et ferait un geste politique fort en faveur de la liberté de la presse en France », selon eux.

Parmi les médias signataires, figurent TaranisNews, le site d’information de Gaspard Glanz, mais aussi le Bondy Blog, VICE France, les Rue89 de Bordeaux, Lyon et Strasbourg, des collectifs de photographes comme Tendance Floue, l’agence d’images Pictorium.


«Gilets jaunes» : Un colonel de gendarmerie reconnaît des violences policières lors d’une intervention

MANIFESTATION Un signalement a été fait auprès de l’IGPN

Nicolas Raffin

Des forces de l'ordre déployées devant l'arche de la Défense, près de Paris, le 6 avril 2019.
Des forces de l’ordre déployées devant l’arche de la Défense, près de Paris, le 6 avril 2019. — J.E.E/SIPA

La scène avait été filmée et largement commentée sur les réseaux sociaux. Le 1er décembre 2018, en marge d’une manifestation de « gilets jaunes », plusieurs personnes avaient été matraquées alors qu’elles se trouvaient à l’intérieur d’un Burger King situé avenue de Wagram à Paris.

Un photographe interrogé par Libération avait raconté la scène quelques jours après : « Les manifestants ont visiblement forcé l’entrée, parce que le Burger King était fermé, et que la porte était endommagée quand on est entrés. On rentre dans le Burger King avec une quinzaine de gilets jaunes, tout le monde suffoque, moi je vomis quasiment, tellement l’air était chargé en gaz lacrymogène ».

Ce lundi, un extrait d’un documentaire diffusé par BFMTV apporte un nouvel éclairage sur cet épisode. Selon plusieurs témoignages de CRS, le commandant de l’escadron était convaincu que des casseurs se trouvaient à l’intérieur du fast-food. Mais face aux images du matraquage par les CRS, un autre gradé, le colonel de gendarmerie Di Méo se montre très critique. « C’est de la violence policière » reconnait-il.

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