A Paris, tensions entre la police et les gilets jaunes en marge du défilé du 14 Juillet

Par Marine Caturla — 
Sur les Champs-Elysées, dimanche. Photo Cyril Zannettacci.
Plusieurs groupes de manifestants ont réussi à atteindre les Champs-Elysées où se tenait le défilé militaire. En fin d’après-midi, la préfecture de police faisait état de 175 interpellations.

Les gilets jaunes avaient promis de faire de ce week-end du 14 Juillet la date de leur retour sur le devant de la scène. Depuis quelques jours, les services de renseignement scrutaient, inquiets, les appels sur les différents groupes Facebook. Samedi, l’acte 35 des gilets jaunes a rassemblé quelques centaines de motivés à Paris, avec parfois divers incidents ici ou là dans la capitale. Mais c’est ce dimanche qui était prioritairement visé, avec l’objectif de perturber les abords du défilé militaire. Plusieurs scénarios étaient envisagés : hurler le nouveau slogan anti-pouvoir – «On veut du homard», en référence aux dîners privés organisés à l’Assemblée par François de Rugy – ou profiter de l’exposition d’Emmanuel Macron lors de la parade sur les Champs-Elysées pour «lui tourner le dos».

Dès l’aurore, un petit groupe de gilets jaunes arrivé de Seine-et-Marne se réunit autour d’un café, gare de Lyon. Parmi eux, Damien, 30 ans ne passe pas inaperçu. Cet ancien pompier, aujourd’hui cadre bénévole au sein de l’association APF France Handicap, dirige ses troupes avec enthousiasme. Clairement, ils sont venus pour «fêter la révolution». Présents dans les rues, depuis le 17 novembre, ils ne se connaissaient pas avant les manifestations. C’est grâce à leur amitié couleur jaune qu’ils trouvent la force de poursuivre la mobilisation. «Moi je suis à découvert tous les mois, mais ce n’est pas seulement ce qui me motive. Je n’en peux plus de voir des gens étouffer sous les dettes», raconte Stéphane, 46 ans agent d’entretien à Le-Mée-sur-Seine. Pour franchir les nombreux barrages de police, et atteindre le saint-des-saints des Champs-Elysées, le mot d’ordre est passé : il faut se faire discret. La joyeuse bande l’a bien compris. Pour les hommes, le dress-code c’est bermuda, casquette et lunettes de soleil. Bien entourée, la seule femme du groupe prend régulièrement le bras que Damien lui tend pour l’aider à avancer.

«On ne sait pas pourquoi on paye nos impôts»

A 9 heures, les rires de les camarades fluorescents finissent par s’estomper lorsque Damien apprend à ses camarades l’arrestation des figures du mouvement : Maxime Nicolle, Eric Drouet et Jérôme Rodrigues ont été embarqués, signe que les forces de l’ordre n’entendent pas laisser aux contestataires l’opportunité de se rassembler. Particulièrement musclée, leur interpellation a été filmée et immédiatement relayée sur les réseaux. Deux heures plus tard, Me Arié Alimi, l’avocat de Jérôme Rodrigues évoque sur Twitter une «interpellation en tant qu’opposant politique». Chez la bande à Damien, l’inquiétude se lit désormais sur les visages. Sorti de la ligne 1, le groupe fait face à l’Arc de triomphe. Entre eux, les pronostics vont bon train. Combien seront-ils à avoir répondu à l’appel ? Ouf, ils sont une centaine de personnes constate Damien, comme pour revigorer la troupe.

A ses côtés, Adrien, 35 ans, autoentrepreneur attire les regards. Son énervement est communicatif : «Ça fait treize ou quatorze manifestations que je fais et je suis toujours autant motivé parce que le gouvernement se gave de pognon. On ne sait pas pourquoi on paye nos impôts !» Une colère partagée par tous ces trentenaires, qui chaque week-end sacrifient leur vie personnelle. Certains, justement, sont venus en famille. C’est le cas de Stéphanie et Aurélie. Les deux sœurs se sont levées à 6h15 ce matin, pour faire entendre leur voix. Avec elles, Thomas, qui a rencontré Damien lors des réunions d’organisation des manifestations à Melun. Ensemble, ils ont déjà été arrêtés par la police : «Ça faisait deux mois qu’on démontait les barrières de sécurité de l’hôpital de Melun, puis un jour ils en ont eu marre et on a fini au commissariat», raconte Thomas, déterminé.

A 10 heures, la bande se présente au croisement de la rue Galilée et de la rue Vernet (dans le VIIIe arrondissement parisien) dans le but d’accéder aux Champs-Elysées. Au pied de l’hôtel Amarante, tous décident de ranger les drapeaux customisés «GJ 77». C’est l’heure de montrer patte blanche. Les bouteilles d’eaux et les briquets sont réquisitionnés avant de pouvoir accéder aux deux sas d’inspection. De longues minutes passent sans qu’ils puissent progresser. La foule se fait de plus en plus compacte. Au milieu, des enfants agitent le drapeau tricolore alors que dans le ciel, le ballet des avions commence. Le bruit des sabots des chevaux de la Garde républicaine se mêle aux protestations de Damien qui ne comprend pas pourquoi les policiers l’empêchent d’avancer.

Gaz lacrymogènes tirés en grande quantité

Peu à peu, de premiers incidents fleurissent. Des ballons de baudruche jaunes sont crevés par des policiers. Quant au Président de la République, bête noire du mouvement, il est copieusement hué. Sur Twitter, un commissaire est filmé en train de perdre ses nerfs devant une foule criant «Où est Steve», en référence au jeune Nantais disparu lors de la Fête de la musique après une violente charge policière. Damien et ses acolytes, eux, ne franchissent pas les obstacles. Echaudés, ils refluent vers la place du Trocadéro où un autre groupe de gilets jaunes a prévu de se rassembler. En descendant la rue François Ier, le dispositif de sécurité est impressionnant. Plus de 4 000 membres des forces de l’ordre sont présents dans la capitale en ce jour symbolique.

Malgré cette cuirasse, la situation a commencé à dégénérer à la mi-journée. Quelque peu relâché après le défilé, le dispositif a été surpris par des groupes de manifestants décidés à en découdre. «Ceux qui ont voulu empêcher ce défilé devraient avoir un peu honte», a déclaré, avant les incidents, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner. Depuis 13 heures, des gaz lacrymogènes sont tirés en grande quantité pour protéger l’Arc de triomphe. En fin d’après-midi, la préfecture de police faisait état de 175 interpellations. Jérôme Rodriguez et Maxime Nicolle avaient, eux, été relâchés.

Marine Caturla

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