Afin de faire la lumière sur ce qu’il s’est passé le samedi 3 août, à Nantes, Bruno Kaïk et son avocat, Me David Libeskind, ont tenu une conférence de presse, ce lundi 12 août, à la Maison du peuple. Le Rochelais de 51 ans a été interpellé par les policiers, au cours de la manifestation du 3 août. Il en porte encore aujourd’hui les stigmates et compte porter plainte auprès de l’IGPN (inspection générale de la police nationale).
Presse Océan : Que faisiez-vous à Nantes ?
Bruno Kaïk : « Avec mon fils, nous étions à Pornic à 13 h, bien loin de la manifestation. Nous étions en train de parler des derniers événements sur Nantes, dont le triste décès de Steve. Je me suis dit qu’il serait de bon aloi que nous participions au rassemblement pour faire partie des voix qui s’élevaient contre les violences policières. À notre arrivée, à 15 h 45, nous nous sommes rendu compte très vite que les agissements de la police transformaient une marche pacifique qui se voulait blanche en marche noire. »
Comment s’est passé le défilé ?
« Mon fils et moi-même avons été très rapidement la cible de violences policières. Nous transmettrons certains documents qui attestent que contrairement aux allégations de la police et au communiqué du Sicop (Service d’information et de communication de la police), l’interpellation a fait suite à une série de harcèlements de la police tout au long de la manifestation. Voyant les dérives policières, je me suis extrait du rassemblement. En faisant ça, je me suis rapproché des forces de l’ordre. J’ai constaté qu’un policier de la Bac (Brigade anti-criminalité) me mettait en joue avec un LBD 40.
Je constate que mes interpellations et le fait de le héler ne le gênent pas dans ses agissements et qu’il continue de me mettre en joue. Je décide d’allumer mon téléphone et de m’approcher en lui demandant de sourire parce qu’il était filmé. À ce moment-là, il s’est approché encore plus. J’étais à peine à quelques mètres de lui, j’avais une arme létale pointée sur mon visage. Il a pris appui sur une rambarde, je suppose pour ajuster son tir. En pareil cas, votre vie défile devant vos yeux et la crainte que vous avez, c’est que son esprit dérape et son doigt en fasse autant. C’est là que les policiers ont tenté de m’interpeller une première fois, mais celle-ci a échoué. C’est donc parce que je les filmais qu’ils ont tenté de m’interpeller, et pas à cause d’un jet de bouteille. »
Pourtant, vous avez bien jeté une bouteille en verre sur les forces de l’ordre ?
« C’est l’arbre qui cache la forêt. C’est un geste que je reconnais. Mais, c’est la conséquence des jets de lacrymogènes pendant une heure et demie et du LBD. Vers 17 h, j’ai ramassé la bouteille et je l’ai lancé de manière bien dérisoire vers les forces de l’ordre, sans avoir aucune intention de blesser. D’ailleurs, comment blesser, à une trentaine de mètres, des personnes lourdement armées et protégées ? Peu après, Ils ont réussi à m’interpeller en mettant au sol. Quatre policiers m’ont alors emmené à l’arrière d’une fourgonnette. L’un d’eux m’a tenu étranglé au sol pendant une quinzaine de minutes environ. On m’a raconté que je suis resté inconscient entre cinq et six minutes. Ensuite, après six heures d’hospitalisation, ils m’ont gardé en garde à vue pendant vingt-quatre heures. »
Êtes-vous connu des forces de police ?
« J’ai déjà participé à des rassemblements pacifiques. Je n’ai jamais eu affaire à la police. D’ailleurs, ce jour-là, je considérais que je participais à un simple rassemblement de citoyens dans un cadre pacifique, dans une démarche tout à fait saine d’élever des voix contre les violences policières. Pourtant, ce que j’ai vécu à Nantes, ce week-end-là, ce sont des scènes de guerre civile déclenchées délibérément par les forces du désordre. »
Dans plusieurs vidéos, on vous voit discuter avec les forces de l’ordre juste avant l’interpellation, que leur dites-vous ?
« Effectivement, on me voit en train de communiquer. Je leur demande d’arrêter de lancer des grenades de désencerclement et des lacrymogènes. Un homme était en train de faire un malaise cardiaque. C’est à ce moment-là qu’ils m’interpellent, alors que je ne représente aucun danger. »
Quelles séquelles avez-vous une semaine après ?
« J’ai une attelle au poignet droit et je garde encore des marques au cou. J’ai dû voir un ORL puisque j’ai des difficultés à déglutir et respirer. »
Comptez-vous porter plainte ?
« J’ai contacté l’IGPN le vendredi 9 août, je compte porter plainte pour « violences policières aggravées » et « tentative d’homicide ». »
« Son certificat médical ne mentionne pas la trace de strangulations »
La police confirme que Bruno Kaïk a été interpellé, le 3 août, pour « violences avec arme contre une personne de l’autorité publique ». Pour eux, le jet de bouteille a motivé l’interpellation. Sur l’évanouissement du Rochelais, les forces de l’ordre l’attribuent « aux lacrymogènes » et rappellent qu’en garde à vue, il a confirmé « faire des crises d’angoisses en cas de stress ».
Par contre, concernant les blessures, la capitaine Anne-Sophie Rouland, en charge de la communication à la direction départementale de la sécurité publique, revient sur l’étranglement pendant une quinzaine de minutes dont Bruno Kaïk affirme avoir été victime. « Son certificat médical, avant l’entrée en garde à vue et après son hospitalisation, ne mentionne pas la trace de strangulations. il n’en a pas parlé au médecin », indique-t-elle. Y figurent plutôt des traces d’éraflures sur le coccyx et l’épaule.
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