Quelque 18 % de Français ont déclaré se sentir pauvres l’an dernier, contre 13 % les années précédentes, montre le baromètre annuel de la DREES. La hausse est particulièrement marquée chez les ouvriers, selon cette enquête menée précisément au moment de l’émergence du mouvement des « gilets jaunes ».
De toutes les catégories socioprofessionnelles, seule celle des ouvriers montre une accentuation spectaculaire du sentiment de pauvreté : 29 % d’entre eux se sentaient pauvres l’an passé contre 18 % en 2017
AFP – lesechos.fr – Par Sophie Amsili
Est-ce l’effet d’une crise momentanée ou l’amorce d’une tendance de fond ? Le sentiment de pauvreté s’est nettement aggravé fin 2018, dans le baromètre annuel de la Direction statistique du ministère des Solidarités (Drees). Quelque 18 % de Français ont déclaré se sentir pauvres l’an dernier, montre cette enquête mise en avant vendredi dans le cadre d’ une vaste étude sur les prestations sociales .
La proportion était restée stable autour de 13 % depuis que cette question a été intégrée au baromètre en 2015. Et restait ainsi proche du taux de pauvreté calculé par l’Insee – la part de Français dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian – qui s’élevait à 14 % en 2017, une proportion assez stable depuis plusieurs années.
Hausse marquée chez les ouvriers
« La hausse n’est pas identique dans toutes les couches de la population », souligne Adrien Papuchon, chef du pôle études sur la redistribution à la Drees et auteur du baromètre. De toutes les catégories socioprofessionnelles, seule celle des ouvriers montre une accentuation spectaculaire du sentiment de pauvreté : 29 % d’entre eux ont déclaré se considérer comme pauvres, contre 18 % un an plus tôt.
Employés et agriculteurs restent nombreux à se considérer pauvres (respectivement 20 % et 14 % d’entre eux), à l’inverse des professions intermédiaires (7 %) et des professions libérales et cadres supérieurs (2 %). Des proportions qui ont peu évolué sur un an.
Pris sous l’angle du niveau de vie, le même décrochage apparaît : la perception des 20 % de ménages les moins aisés s’est fortement dégradée, avec 44 % d’entre eux s’estimant pauvres fin 2018, contre 33 % à un an plus tôt. A l’inverse, la perception des 40 % les plus aisés est restée inchangée.
En pleine crise des « gilets jaunes »
Comment expliquer une dégradation aussi brutale et limitée à la proportion la moins favorisée de la population ? Les dates précises de l’enquête interpellent : la Drees a interrogé un échantillon représentatif de la population de 3.000 personnes entre le 15 octobre et le 1er décembre 2018. Soit précisément pendant l’émergence du mouvement des « gilets jaunes », dont l’« acte I » date du 17 novembre .
Le lien entre l’explosion de ce mouvement de contestation pour le pouvoir d’achat et la hausse du sentiment de pauvreté reste toutefois difficile à déterminer, souligne Adrien Papuchon. « On ne peut ni dire avec certitude que le mouvement a entraîné cette hausse, ni conclure l’inverse. Il faudra attendre le prochain baromètre pour savoir s’il s’agit d’un pic ou d’un phénomène qui dure », conclut-il.
Sophie Amsili
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