Le sentiment de pauvreté s’est fortement accentué en 2018 en France

A couple of minors sit on the ground during the French red cross' food distribution for homeless people on the evening of December 22, 2016 in the streets of Tours, central France. (Photo by GUILLAUME SOUVANT / AFP)

Quelque 18 % de Français ont déclaré se sentir pauvres l’an dernier, contre 13 % les années précédentes, montre le baromètre annuel de la DREES. La hausse est particulièrement marquée chez les ouvriers, selon cette enquête menée précisément au moment de l’émergence du mouvement des « gilets jaunes ».

De toutes les catégories socioprofessionnelles, seule celle des ouvriers montre une accentuation spectaculaire du sentiment de pauvreté : 29 % d’entre eux se sentaient pauvres l’an passé contre 18 % en 2017

AFP – lesechos.fr – Par Sophie Amsili

Publié le 06/09/2019

Est-ce l’effet d’une crise momentanée ou l’amorce d’une tendance de fond ? Le sentiment de pauvreté s’est nettement aggravé fin 2018, dans le baromètre annuel de la Direction statistique du ministère des Solidarités (Drees). Quelque 18 % de Français ont déclaré se sentir pauvres l’an dernier, montre cette enquête mise en avant vendredi dans le cadre d’ une vaste étude sur les prestations sociales .

La proportion était restée stable autour de 13 % depuis que cette question a été intégrée au baromètre en 2015. Et restait ainsi proche du taux de pauvreté calculé par l’Insee – la part de Français dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian – qui s’élevait à  14 % en 2017, une proportion assez stable depuis plusieurs années.

Hausse marquée chez les ouvriers

« La hausse n’est pas identique dans toutes les couches de la population », souligne Adrien Papuchon, chef du pôle études sur la redistribution à la Drees et auteur du baromètre. De toutes les catégories socioprofessionnelles, seule celle des ouvriers montre une accentuation spectaculaire du sentiment de pauvreté : 29 % d’entre eux ont déclaré se considérer comme pauvres, contre 18 % un an plus tôt.

Employés et agriculteurs restent nombreux à se considérer pauvres (respectivement 20 % et 14 % d’entre eux), à l’inverse des professions intermédiaires (7 %) et des professions libérales et cadres supérieurs (2 %). Des proportions qui ont peu évolué sur un an.

Pris sous l’angle du niveau de vie, le même décrochage apparaît : la perception des 20 % de ménages les moins aisés s’est fortement dégradée, avec 44 % d’entre eux s’estimant pauvres fin 2018, contre 33 % à un an plus tôt. A l’inverse, la perception des 40 % les plus aisés est restée inchangée.

En pleine crise des « gilets jaunes »

Comment expliquer une dégradation aussi brutale et limitée à la proportion la moins favorisée de la population ? Les dates précises de l’enquête interpellent : la Drees a interrogé un échantillon représentatif de la population de 3.000 personnes entre le 15 octobre et le 1er décembre 2018. Soit précisément pendant l’émergence du mouvement des « gilets jaunes », dont  l’« acte I » date du 17 novembre .

Le lien entre l’explosion de ce mouvement de contestation pour le pouvoir d’achat et la hausse du sentiment de pauvreté reste toutefois difficile à déterminer, souligne Adrien Papuchon. « On ne peut ni dire avec certitude que le mouvement a entraîné cette hausse, ni conclure l’inverse. Il faudra attendre le prochain baromètre pour savoir s’il s’agit d’un pic ou d’un phénomène qui dure », conclut-il.

Sophie Amsili

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