Un an après le début du mouvement des « gilets jaunes », David Le Bars, secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale, défend une police du « vivre ensemble » qu’il faut « protéger. »
« Plus rien ne sera comme avant dans les relations des policiers vis à vis d’une certaine partie de la population, regrette David Le Bars. Des parties de la société sont en passe de se fracturer. Il va falloir imaginer qu’on a besoin d’une police pour tous vivre ensemble. Il faut la protéger, cette police. »
franceinfo : Comment avez vécu et ressenti personnellement cette année de mouvement des « gilets jaunes » ?
David Le Bars : Il faut être lucide et admettre que plus rien ne sera comme avant dans les relations des policiers vis à vis d’une certaine partie de la population. Cela fait un an qu’on est engagé dans un mouvement très dur pour les forces de l’ordre, avec des gens qui ont fait en sorte, face à nous, de casser, de détruire, de tenter de pénétrer dans des bâtiments publics, avec toutes les images que vous connaissez. Il y aussi ceux qui soufflent sur les braises de prétendues violences que causerait la police, en oubliant que les violences côté policiers, c’est l’usage de la force, mais que les violences, ce sont aussi celles et ceux qui les ont commises au sein de certaines manifestations.
Est-ce que vous faites la part des choses entre les manifestants pacifiques et les plus violents ?
Bien sûr. Je dis même, avec d’autres, que dans les rangs de la police on a des « gilets jaunes ». On a des policiers que je défends, et dont je parle dans mon livre, qui sont des gens qu’on paye un salaire relativement modeste. On leur demande tout. On leur demande de faire face à toutes les menaces. Ils sont aujourd’hui dans une situation professionnelle difficile. Beaucoup de choses ont changé. Et ce qu’on voit, nous, en tant que policiers, et ce qui nous inquiète, c’est ce danger à vouloir laisser se faire des scissions entre différentes parties de la population et qui menaceront le vivre ensemble. On n’est pas là pour juger de la pertinence d’un mouvement social en France. Il y a une liberté de manifester et le travail du policier, c’est de faire en sorte que les manifestations se passent bien. Ce qui est dommage, c’est que ceux qui sont à l’origine des violences, ceux qui la cautionnent dans les médias et certains dans la classe politique, discréditent aussi ceux qui ont des réelles raisons de manifester. Il faut donc qu’on reste, nous, lucides sur le fait qu’en face de nous, il n’y a pas que des gens qui nous en veulent.
Quels ont été les pires moments de cette année en termes de maintien de l’ordre ?
Le pire moment dans la vie d’un policier, c’est ces samedis où ils ont entendu ces « suicidez-vous ». Il n’y a pas pire pour un homme ou une femme d’entendre quelqu’un qui vous dit de vous suicider.
Il y a eu les attentats de 2015, puis cette crise des « gilets jaunes » et les violences qui l’ont parfois accompagnée. Il y a eu début l’attaque à la préfecture de police de Paris. La profession a manifesté début octobre pour la première fois en vingt ans. La police est-elle malade ?
Elle est malade parce qu’elle est maltraitée par son propre pays. On est dans un cycle où, depuis dix, vingt ou trente ans, la police nationale est relativement maltraitée, dans ses moyens, dans sa considération. C’est tout un ensemble de choses qui n’ont pas été prises en considération. On lui demande toujours plus. Et aujourd’hui, pour qu’on continue de vivre tous ensemble, alors que des parties de la société sont en passe de se fracturer, il va falloir imaginer qu’on a besoin d’une police pour tous vivre ensemble. Il faut la protéger, cette police.
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