Il y a un an, les marchés d’actions mondiaux connaissaient une chute brutale, un mini-krach et le pire mois de décembre du Dow Jones depuis 1931. « Apocalypse Dow » avait ironisé le chef stratégiste d’une grande banque américaine. Aujourd’hui, la question n’est plus « y aura-t-il une crise financière » mais « quand« . C’est ce qu’il ressort d’une étude réalisée par la société de gestion Natixis Investment Managers auprès de 500 investisseurs institutionnels, fonds de pension, publics ou privés, fonds souverains et autres compagnies d’assurance d’une trentaine de pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique.
L’écrasante majorité d’entre eux s’attend à une crise financière mondiale dans les années à venir. Ils sont seulement 6% à ne pas penser qu’il y aura une autre crise après celle de 2008-2009. Ces grands investisseurs, qui représentent plus de 15.000 milliards de dollars d’actifs sous gestion, sont 83% à anticiper une nouvelle crise dans les cinq ans à venir. Le gros des bataillons perçoit une menace plus pressante : ils sont 58% à la redouter sous un à trois ans.
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Correction inévitable en 2020 ?
Alors que les grands indices ont enregistré une progression quasi continue depuis le début de l’année (+20% pour le Dow, +30% pour le Nasdaq, +24% pour le CAC 40 et le Dax à Francfort), ils ne sont que 4% à ne pas croire à une correction de marché en 2020. Ils sont 48% à penser que ce sont les marchés d’actions qui connaîtront une telle correction l’an prochain et 46% à anticiper une chute de la valeur des crypto-actifs.
Le Bitcoin, le plus connu des crypto-actifs et la plus forte capitalisation de ce jeune marché (135 milliards de dollars), a presque doublé cette année, passant de moins de 4.000 à 7.500 dollars, dépassant même les 10.000 dollars cet été.
« Il semble que la pensée des institutionnels se prête à la physique newtonienne. Les investisseurs croient que ce qui monte va inévitablement baisser » observe Natixis IM.
L’un des points saillants de l’étude est l’inquiétude généralisée des institutionnels du monde entier à l’égard du niveau record de la dette publique : 89% s’en disent préoccupés. Quand il s’agit des risques pesant directement sur leur portefeuille d’actifs en 2020, ils identifient les tensions commerciales (73%), le ralentissement de la croissance et l’environnement de taux bas : 6 institutionnels sur 10 pensent que cela impactera la performance de leurs investissements. Les bulles sur certains actifs (immobilier, private equity, etc) aussi.
Les risques cachés des fonds indiciels
Plus de la moitié de ces investisseurs de long terme s’attendent à une plus forte volatilité l’an prochain : dans cet environnement, ils privilégient la gestion « active » (choix de catégories d’actifs, de types de valeurs, de secteurs, de régions, etc), à 70%, et diminuent l’allocation dévolue à la gestion passive (qui réplique les indices).
« 74% des institutionnels estiment que les investisseurs individuels ont un faux sentiment de sécurité à propos des fonds indiciels » relève l’étude.
Les encours en gestion passive ont bondi depuis la crise financière, passant de 1.000 milliards en décembre 2009 à 6.000 milliards de dollars dix ans plus tard selon une récente étude d’EPFR/Informa. L’essentiel reste concentré sur le marché américain (4.200 milliards des encours sont domiciliés aux Etats-Unis) où les BlackRock et autres Vanguard ont séduit grands et petits investisseurs, avec des frais de gestion très bas.
Les institutionnels interrogés par Natixis IM (lui-même spécialiste de la gestion active) « voient des risques importants dans les flux démesurés vers des investissements : 64% disent qu’ils amplifient la volatilité, 54% pensent que le marché ignore les fondamentaux et 57% craignent que le phénomène ait concentré le contrôle entre les mains d’un trop petit nombre d’actionnaires« .
Certains investisseurs estiment que la gestion passive peut rendre les marchés plus irrationnels, à la hausse comme à la baisse, plus sujets à des effets moutonniers d’achats aveugles ou de ventes massives de panique.
Plus généralement, les institutionnels s’inquiètent des réactions des investisseurs individuels : ils sont 75% à penser que les craintes de récession pourraient amener des petits porteurs à liquider prématurément leurs actifs, 78% à dire que « les particuliers ne comprennent pas leur propre tolérance au risque » et 77% à considérer qu’ils ont « des attentes irréalistes de rendement. »
Malgré leurs craintes d’une correction voire d’une crise financière mondiale, les investisseurs institutionnels interrogés n’ont pas l’intention à ce stade de changer de façon significative la répartition de leurs actifs, restant très investis en produits de taux (38,7% en 2020 contre 39,1% en 2019) et en actions (35,8% contre 36,5%), en augmentant un peu la part des actifs alternatifs (dette privée, infrastructures, immobilier, private equity, etc).
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