Cher Christophe Castaner, mon Cri-cri de Forcalquier

Monsieur le ministre de l’intérieur, Cher Christophe Castaner, mon Cri-cri de Forcalquier,

Je repense à l’état de grâce dans lequel tu devais être ce 16 octobre 2018 lorsque tu es entré place Beauvau, fier comme un bar tabac, des chaussures toutes neuves et le mulet taillé de près pour passer en revue cette horde de policiers au garde à vous.

Quelle revanche sur tous ceux qui n’avaient d’autre image de toi que celle de l’ambianceur occasionnel de ces longues soirées électorales, qui animait jadis les « sections » du parti socialiste.

Que de chemin parcouru, toi que rien ne prédisposait à tutoyer les sommets de l’État, dîner avec Teddy Riner et même rouler des paloches dans les soirées endiablées du Noto et d’ailleurs.

J’imagine qu’il n’y a pas un seul jour où tu ne goûtes l’intense jubilation d’avoir, par la rencontre inopinée entre le hasard et le plus improbable concours de circonstances de l’histoire de la cinquième République, avoir été nommé : Ministre de l’intérieur.

Alors oui bien sûr, tu sais maintenant que ce métier ne se résume pas à être le chef de toutes les voitures à pimpon ou à entrer gratos dans toutes les boites de France et de Navarre.

J’imagine également que face au nombre de mains arrachés, d’yeux crevés, de crânes fracassés et maintenant la mort suite à une interpellation ; tu ne peux que constater que tout cela ne relève pas d’une disproportion des moyens employés mais plutôt d’un glissement de l’état de droit vers… le grand n’importe quoi et que, pour être plus précise ça godaille sévèrement du manche ou ça branle sérieusement du chef comme tu veux.

J’imagine aussi que tout cela ne t’amuse pas et qu’il t’arrive d’être un peu tristounet en regardant toutes ces vidéos de policiers sans matricules, cagoulés et anonymes, frappant des manifestants à terre, vociférant des insultes, jetant des pavés, crochetant une femme visiblement coopérante ou tirant une grenade lacrymogène à l’intérieur d’un appartement dont le seul « crime » de son occupant était de filmer la scène.

Dernièrement, un homme est mort suite à une interpellation dont tout prête à penser qu’elle aurait été menée de façon suffisamment violente pour provoquer la fracture du larynx de l’interpellé parce que… parce que visiblement sa plaque d’immatriculation n’était pas propre.

Saches que j’en suis désolée pour toi, même si tu ne m’en voudras pas de ne pas l’être autant que pour les victimes.

J’ai malgré tout l’impression que dans la confusion des sentiments qui t’habitent, il y a quelque chose dont tu n’as pas encore pris la mesure. Quelque chose d’essentiel, de central, de fondamental.

Un truc gros comme un éléphant au milieu de ton bureau lambrissé et que tu sembles ignorer benoîtement.

D’ailleurs lorsque je vais te le dire, tu vas certainement me répondre « ah mais oui bien sûr suis-je bête ?»…

Voilà tu es près ?

C’est à toi de siffler la fin de la récréation.

C’est dans ta fiche de poste. C’est dur je sais, mais c’est le job. Et c’est ton putain de job.

Alors, à moins de laisser s’installer un changement de régime, il est temps de faire le ménage et de prendre tes responsabilités, parce que tant que tu es en poste, personne ne le fera à ta place.

  • Sophia Aram Chroniqueuse
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