Avec plus de 3 400 morts, le pays est passé jeudi devant la Chine. Alors que l’épidémie se propage rapidement , le confinement pourrait être durci et prorogé.
La colonne de véhicules militaires s’est ébranlée dans la nuit depuis Bergame. A bord, des dizaines de cercueils de victimes du coronavirus que les autorités ont dû transférer dans d’autres villes, les services de crémation de la ville lombarde étant saturées. En moins d’un mois depuis le début de l’épidémie de coronavirus, l’Italie a connu plus de morts (3 405, selon le bilan établi jeudi) que la Chine avec, mercredi, le sombre record de 475 décès en une seule journée (contre 427 jeudi). A tel point que dans le Corriere della Sera, le président du Conseil, Giuseppe Conte, a admis jeudi que la fin du confinement, prévue au 3 avril, serait reportée : «Il est clair que les mesures que nous avons prises, tant en ce qui concerne les activités économiques et individuelles qu’en ce qui concerne l’école, ne pourront être que prorogées.» Car les seuls signes apparemment encourageants – à savoir le nombre de personnes guéries qui avoisine le chiffre de 1 100 et une augmentation des contaminations légèrement moins rapide qu’au cours des jours précédents – ne sont pas suffisants pour dire que l’épidémie est sur le point d’être enrayée.
«Au bord de l’implosion»
«La seule certitude, c’est que les chiffres de la Lombardie ne veulent plus rien dire. La situation est hors de contrôle», estime même Enrico Bucci, biologiste à l’université de Philadelphie selon qui le nombre de contaminés est beaucoup plus élevé que les quelque 17 713 cas recensés mercredi soir par le ministère de la Santé. «Les hôpitaux sont au bord de l’implosion, ils renvoient chez elles beaucoup de personnes présentant des symptômes sans leur faire les tests. Le nombre de cas positifs est donc largement sous-estimé.»
La Lombardie reste de loin la région la plus touchée par le Covid-19 avec près de 2 000 décès. Après Codogno, foyer initial de l’infection (où après l’isolement total de la commune pendant quatorze jours, on n’a plus enregistré de nouveau cas depuis le 10 mars), les communes de Bergame et maintenant de Brescia sont les plus martyrisées par le virus. «450 personnes sont mortes depuis le début de l’épidémie, essentiellement en l’espace de dix jours», se désespère Emilio Del Bono, le maire de Brescia. Pour l’heure, personne ne parvient à expliquer pourquoi certaines cités sont plus frappées que d’autres et pour quelles raisons (malgré les corrections à apporter en fonction du nombre de contaminés) le taux de mortalité en Lombardie s’élève à 11 % : soit deux fois plus que la moyenne nationale déjà exceptionnelle par rapport aux autres situations dans le monde. Sur place, l’inquiétude grandit, surtout depuis mardi, quand deux employés des postes, âgés de 59 et 63 ans, sont morts, victimes du virus. Le lendemain, c’est un médecin de famille de Lodi, âgé de 57 ans, qui est décédé. «C’est faux de dire que le virus ne tue que les vieux et les malades, mon père n’était ni l’un, ni l’autre», a confié Roberta Zaninoni, une fille d’une autre victime de 72 ans, qui a ajouté avec effroi : «Les gens meurent comme des chiens, comme des cochons.»
Environ 53 000 verbalisations
Face au désastre, les autorités lombardes s’apprêtent à ouvrir un hôpital d’urgence avec 400 lits en soins intensifs dans un pavillon de l’ancienne foire de Milan et demandent des nouvelles mesures de restrictions. D’autant que sur la base des téléphones portables, elles ont constaté que 40 % des habitants ne respectaient pas complètement les consignes de confinement. «D’un côté, je vois des gens qui sortent se balader et de l’autre des personnes qui n’arrivent plus à respirer, basta !» s’est indigné le président de la région Lombardie, Attilio Fontana, qui souhaite notamment l’interdiction de sortir pour faire du sport.
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«Nous prendrons de nouvelles dispositions si les consignes ne sont pas respectées», a averti la ministre de l’Intérieur, Luciana Lamorgese, qui envisage en particulier de réduire ultérieurement les horaires d’ouverture des supermarchés durant le week-end. Jusqu’à présent, environ 53 000 personnes ont été verbalisées pour non-respect du confinement. «Somme toute, ce qui est le plus surprenant, c’est que 95 % des personnes contrôlées respectent les règles, relativise néanmoins le quotidien La Stampa. Imaginez comment serait le pays si les lois étaient respectées par plus de 95 % des citoyens et si 95 % des contribuables payaient leurs impôts ?»
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