Après un échec pour les élections européennes, cette ex-figure des gilets jaunes se présente à Louviers.
POLITIQUE – “Attends Jean-Louis, elle a déjà été faite celle-là.” Quand Le HuffPost contacte Ingrid Levavasseur, elle est en train de prêcher la bonne parole dans les rues de Louviers (Eure). Appliquée pour cette toute première expérience électorale, ce n’est pas une demande d’interview qui la fera dévier de sa mission du jour: distribuer les tracts de sa liste “Changer Louviers.”
L’infirmière de 32 ans, ancienne figure du mouvement des gilets jaunes aux 140 plateaux télé franchit le pas: elle se présente dans cette ville de 20.000 habitants située au sud de Rouen. Elle est même en deuxième position de la liste soutenue par les écolos, la France insoumise et le Parti communiste.
Le grand soir donc pour Ingrid Levavasseur qui avait échoué à structurer un mouvement en vue des élections européennes. La figure emblématique des gilets jaunes, devenue paria du mouvement, se confie au HuffPost sur une course électorale “extraordinaire”, qui, à en juger par son enthousiasme, ne devrait pas être la dernière.
Le HuffPost: Comment vivez-vous cette première expérience politique?
Ingrid Levavasseur:C’est génial, c’est hyper enrichissant, hyper intéressant. On apprend beaucoup sur le terrain, au contact des gens… ce qui rend l’expérience humainement très gratifiante. On se rend compte à quel point les gens ont besoin de changement, ont besoin d’être entendus, d’être représentés et surtout à quel point ils ont envie d’une politique différente de ce qui leur a été proposé ces dernières années.
IL: L’importance de se remettre en question déjà. On avait par exemple formulé des propositions avec certains Louvériens et au final, on s’est rendu compte qu’elles n’étaient pas forcément adaptées. On s’est remis au travail, on a remis notre projet à la page et les gens ont adoré. Ils ont vu qu’on avait été capable en quelque mois de garder le fond et de changer la forme pour que ça corresponde vraiment aux attentes. Ça compte énormément aux yeux des gens de voir qu’on est capable de les écouter et au final de se remettre en question.
HP: On vous parle souvent des gilets jaunes lors de vos déplacements?
IL: Tous les jours… on me rappelle mon engagement tous les jours. Les gens au début ne savent pas trop qui je suis, mais quand je prononce mon nom ils savent tout de suite que j’étais ’gilet jaune.’ Il existe parfois de l’hostilité quand je rencontre des commerçants qui me houspillent sur leurs pertes financières pendant le mouvement… Les gens aiment en rajouter sur les méchants gilets jaunes, mais quand je leur explique qu’ils ont du personnel, qu’ils le paient au SMIC et que c’est galère pour eux, ils reconnaissent souvent qu’il y a un problème. J’arrive toujours un peu à inverser la tendance.”
HP: Reprenez-vous des thèmes chers aux gilets jaunes pour votre campagne?
IL: Ou bien sûr. On veut davantage de démocratie participative déjà, qu’on fasse participer les citoyens. Nous proposons des référendums sur tous les projets à plus d’un million d’euros. Ce qui arrive très régulièrement dans une ville de 20.000 habitants. Après, en termes d’environnement, on arrête de bétonner, on arrête de bitumer, on arrête les grandes infrastructures, on rénove, on revoit l’isolement pour que les enfants n’aient plus froid dans les écoles… quand on fait un rond-point à 2 millions et demi et qu’on n’est pas capable de chauffer les classes, il y a un problème.
J’ai appris de mes erreurs, les élections européennes c’était trop vite, trop tôt.Ingrid Levavasseur, ancienne gilet jaune candidate aux municipales
HP: C’est le mouvement des gilets jaunes qui vous a donné envie de faire de la politique?
IL: J’ai toujours été au service des autres. Toute ma vie j’ai été au contact des gens. J’ai été serveuse, vendeuse, commerciale… j’ai toujours cherché ma voie auprès des gens en tant qu’aide-soignante ou sapeur-pompier. Je me sens à l’aise dans mes bottes dans ce nouveau rôle.
Avant les gilets jaunes, je ne me rendais pas compte que j’avais cette appétence. J’étais écœurée de ce que je pouvais voir, ça me donnait tout sauf envie de faire de la politique. C’est le mouvement et les rencontres que j’ai pu faire qui m’ont donné envie de franchir le cap.
HP: Aimeriez-vous gommer votre appartenance passée aux gilets jaunes pour faire campagne?
IL: Je ne dis pas que j’aimerais gommer, ça fait partie de mon identité. Maintenant il faut construire et les gens savent qu’aujourd’hui je construis. Au départ j’étais insultée, huée, et maintenant les gens ont compris que je n’étais pas une usurpatrice de mouvement. Et ceux qui n’ont pas compris le feront avec le temps.
HP: Et après? Etes-vous prête à mener d’autres combats politiques?
IL: Déjà, on va commencer par là. Je vous dirais dans quinze jours ce que sera la suite. Il faut y aller petit à petit. J’ai appris de mes erreurs, les élections européennes c’était trop vite, trop tôt.
On aurait dû s’organiser à ce moment-là, ça aurait été un truc de dingue. C’est dommage mais certains n’étaient pas prêts. Aujourd’hui, la tendance est en train de s’inverser. Pour beaucoup, on ne devait pas faire de politique mais maintenant qu’on se présente, ils se rendent compte que nous voulons faire des choses bien.
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