Dans la mégapole, devenue l’épicentre de l’épidémie aux Etats-Unis, salariés licenciés en masse et patrons comptent sur la solidarité pour s’en sortir après la fermeture de tous les commerces dimanche.
Max Katzenberg a dû, en quelques heures, licencier ses 60 employés. «C’est un désastre», lâche ce propriétaire de deux restaurants branchés de Brooklyn, Olmsted et Maison Yaki, aux tables d’habitude réservées plusieurs semaines à l’avance. Mais il n’a eu d’autre choix, les fermetures étant imposées par les mesures de «distanciation sociale» pour tenter d’endiguer la propagation du Covid-19. Les restaurants new-yorkais peuvent rester ouverts a minima pour la vente à emporter mais Katzenberg y a renoncé : «On aurait gardé 10 % de nos équipes, en mettant en danger leur santé, tout ça pour générer des revenus très modestes : ça n’avait aucun sens.» A New York, les allocations chômage sont de 504 dollars maximum par semaine, soit en deçà du salaire minimum de l’Etat, et elles sont versées jusqu’à six mois selon certains critères. «Ça ne couvre même pas un loyer. C’est fait pour vous pousser à retrouver un travail au plus vite, ce qui est totalement impossible dans la situation actuelle où tout est à l’arrêt», regrette le restaurateur, qui soupire : «Les Etats-Unis ont tout faux dans leur façon de traiter les travailleurs.»
«Ouragan»
La ville de New York a mis en place des programmes pour soutenir les petites entreprises affectées par la lutte contre le coronavirus (indemnités, prêts à taux zéro…). Mais aucun n’était adapté aux établissements de Max Katzenberg. Comme de nombreux restaurateurs, propriétaires de clubs ou de bars de la ville, il a dû se tourner vers la générosité des clients, en créant une page de financement participatif GoFundMe pour ses ex-employés. «Pour l’instant, on ne voit rien venir de la part de la ville ou de l’Etat afin de nous aider, mais on comprend bien que la priorité, c’est l’urgence sanitaire», note-t-il. La situation est particulièrement critique à New York, devenu l’épicentre de l’épidémie aux Etats-Unis, avec 15 600 cas identifiés dans la ville et 192 morts.
«On ferme comme tout le monde, explique Kareem, patron d’un magasin d’électroménager à Greenpoint, dans le nord de Brooklyn. C’est comme avant un ouragan, sauf que c’est dans le monde entier et qu’on n’a aucune visibilité sur la suite.» La papeterie d’en face reste ouverte – elle sert aussi de relais UPS. La discussion s’engage entre le gérant et une cliente venue récupérer un colis : «Je suis freelance dans l’événementiel, autant dire que je n’ai plus de boulot.» Les 15 employées du salon de manucure de Yung Sook, payées à l’heure, ont été renvoyées chez elles. La propriétaire dit qu’elle n’est «pas inquiète pour [sa] santé mais pour l’économie». Yung Sook a pourtant «l’habitude des catastrophes» : elle avait ouvert son premier commerce à Manhattan «deux semaines avant le début de la crise financière de 2008».
«Précaires»
Les associations locales tentent tant bien que mal de pallier les failles béantes du système américain. «En dehors des problématiques, réelles, de contamination, les gens de tous les milieux souffrent de la crise actuelle, insiste Dana Rachlin, fondatrice de NYC Together, une organisation d’insertion dans le quartier défavorisé de Brownsville. Mais pour les populations déjà marginalisées et précaires, ce sera encore plus dur.» LaToya Meaders, qui dirige une cantine communautaire installée dans le même quartier, a vu des nouveaux venus faire la queue pour bénéficier des repas gratuits ces derniers jours. «Cette crise est inédite, s’inquiète-t-elle. Comme on dit, on espère le meilleur mais on se prépare au pire. Et je pense qu’on n’a encore rien vu.»
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