Il avoue ne pas trop comprendre la frilosité de ses confrères. Et encore moins le débat sans fin autour de ce que tout le monde appelle le « protocole Raoult ». « C’est ça ou rien, de toute façon. L’autre traitement ne marche pas dans tout ce qui est viral puisqu’on donne de l’antibiothérapie banale et pas un antiviral », insiste au bout du fil ce praticien hospitalier lorrain. Il préfère garder l’anonymat tant les réactions autour du sujet sont vives et passionnées.
Mais depuis une semaine, de son propre chef, il prescrit la méthode Raoult. Soit trois comprimés par jour pendant dix jours de Plaquénil, le seul médicament dérivé de l’hydroxychloroquine vendu en France, associé à un comprimé par jour pendant cinq jours d’Azithromycine, un antibiotique. Un électrocardiogramme est pratiqué au jour 0 et un autre au jour 2.
Ni décès ni mauvaise évolution
Le bilan est plus que positif : « J’ai utilisé ce protocole sur une dizaine de patients hospitalisés, qui ont donc un Covid-19 déjà relativement inquiétant, et je n’ai eu ni décès ni aucune évolution vers un stade grave nécessitant une réanimation. » Le praticien cite notamment le cas d’une femme de 91 ans : « Tout le monde la disait perdue et elle s’est remise en trois jours. Elle est rentrée chez elle vendredi. Un autre malade de 54 ans, qui risquait la réanimation, a été transformé en moins de 24 heures. » Grâce au protocole Raoult, vraiment ? « En données observationnelles, je ne peux qu’en faire le constat. Depuis qu’on a commencé, le nombre de décès s’effondre », soupire le médecin.
« Absence de dangerosité »
Il ne connaissait pas Didier Raoult et n’est donc pas un de ses disciples. Mais il s’est renseigné : « C’est un grand de l’infectiologie mondiale. Une sommité. Son discours scientifique est implacable. » Cardiologue de formation, il connaît en revanche très bien le Plaquénil : « Il a été prescrit à un milliard de personnes. Sa seule dangerosité concerne des troubles du rythme cardiaque. Dans toute ma carrière, je n’ai jamais été embêté avec lui, même si on peut se demander si, en présence du Covid-19, il peut avoir des effets secondaires potentialisés. »
Rien ne prouve pour l’instant l’efficacité de ce traitement. « Mais rien ne prouve non plus son inefficacité. Face à l’absence de dangerosité, j’ai préféré m’y mettre plutôt que de me dire dans quinze jours que j’ai perdu beaucoup de temps », ajoute ce praticien qui, depuis le début de la crise, s’est porté volontaire pour ne s’occuper que du coronavirus.
Des journées jusqu’à 9 morts
Il regrette juste de n’avoir aucun cadre pour appliquer ce protocole : « C’est une décision personnelle. Un tiers de mes confrères y sont opposés formellement, dont les pharmaciens, qui font porter toute la responsabilité au prescripteur. Je peux les comprendre car ils ne voient que les études, et pas les malades. Moi, j’ai eu des journées jusqu’à neuf morts. Des gens qui disparaissent seuls, sans famille. Deux confrères qui y étaient opposés ont changé d’avis après s’être soignés avec cette méthode. » Il dit aussi comprendre l’opposition des réanimateurs : « À leur stade, c’est trop tard. C’est un traitement à appliquer au début de la maladie. »
Il s’étonne enfin de la manière dont est mené l’essai clinique européen Discovery : « La chloroquine est testée avec un autre antibiotique que l’azithromycine. C’est stupéfiant ! Par ailleurs, je suis surpris de voir qu’on teste encore le Kaletra, qui a fait l’objet d’une étude chinoise négative et à qui on prête des effets secondaires majeurs, notamment rénaux. » Et le praticien de prévenir : « À la fin, il y aura des règlements de compte politiques et médicaux. »
Ce que dit le décret du 26 mars
La prescription de chloroquine couplée à un antibiotique de type lopinavir/ritonavir est encadrée par un décret paru au Journal officiel le 26 mars. En dehors des essais cliniques, ce traitement ne peut être utilisé que sous la responsabilité d’un médecin dans les établissements de santé relevant du ministre de la Défense. Ce n’est pas le cas de l’hôpital dans lequel travaille le praticien lorrain qui témoigne dans nos colonnes. Hors hôpitaux, le traitement ne peut être dispensé par les pharmacies d’officine que dans le cadre d’une prescription initiale émanant exclusivement de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie ou dans le cadre d’un renouvellement de prescription émanant de tout médecin.
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