Euthanasie… « vous me fatiguez à dire et à relayer des conneries sur les EHPAD »…

Sandro Milani

Le 04/04/2020

D’abord le fait de vivre en EHPAD est déjà depuis toujours un critère de non-réanimation. Si on vit en EHPAD c’est que l’on a atteint un niveau de dépendance chronique et de fragilité incompatibles avec une prise en charge en réanimation. La réanimation ce sont des soins très lourds, douloureux souvent, ce sont des complications quasi systématiques qui vont éprouver votre organisme et vous faire perdre du poids, du muscle, des connexions neuronales, parfois une partie de vos fonctions d’organes, avec souvent à la clé une rééducation longue et difficile demandant d’avoir des réserves ou des capacités réelles en terme d’énergie, de plasticité, de résilience, de cicatrisation…ce que n’ont pas les patients vivant dans les EHPAD. Raison pour laquelle ils sont quasi systématiquement et depuis très longtemps récusés pour la réanimation ou alors pris pour aider à passer un cap mais avec une limitation d’emblée en ce qui concerne les soins invasifs (pas d’amines, pas d’intubation, pas de dialyse).

On ne prend un patient en réanimation que si on sait que ça va lui rendre service. On n’impose pas à un patient la lourdeur et l’invasivité de soins de réanimation s’il n’a que très peu de chances d’en sortir ou que s’il en sort ce sera dans un état incompatible avec une vie digne ou une certaine qualité de vie ou alors si on sait que de toute façon son espérance de vie est très courte. On ne pratique pas des soins sans espoir de bénéfice sinon ça s’appelle de L’ACHARNEMENT THÉRAPEUTIQUE.

Le SDRA (Le syndrome de détresse respiratoire aiguë) c’est habituellement, tous patients confondus, 50% de mortalité en réanimation. Chez un patient très âgé et avec des comorbidites (comme tous les patients d’ehpad) ça doit être 100% de mortalité. Et même si un ou deux sortent de réanimation, leur mortalité à 6 mois doit être certaine (sortir de réa ne signifie pas être toujours vivant 6 mois plus tard).

Il est où le bénéfice ? C’est quoi l’utilité ici d’engager des soins invasifs et par ailleurs extrêmement coûteux ? Torturer ces pauvres vieux ?

Donc oui pour ces patients, depuis que la médecine refuse l’acharnement thérapeutique, quand on considère que le rapport bénéfice/soins actifs n’est pas bon, on pose des LATA (limitation et arrêt des thérapeutiques actives). On stoppe tous les traitements qui prolongent inutilement la vie et on privilégie les soins de confort. Contrairement à ce qu’on lit comme bêtises ici, CE N’EST PAS DE L’EUTHANASIE. C’est l’arrêt ou la limitation des traitements constituants de l’acharnement thérapeutique.

La loi Leonetti nous autorise dans ce cas depuis des années à prescrire, si l’état du patient le nécessite, des traitements visant à assurer son confort même si ces traitements ont comme effet secondaires potentiels la mort. Puisque l’on considère qu’ il n’y a pas d’espoir de guérison, c’est le confort de vie qui prime sur le temps de vie. Ainsi un patient très anxieux sera mis sous benzodiazepines même si son état fait que cela peut précipiter son décès. Si un patient est douloureux, on va lui prescrire de la morphine pour le soulager, même si cela peut précipiter sa mort par ailleurs. Ça n’a donc rien à voir avec de « l’euthanasie qui ne dit pas son nom ».

C’est quand même dingue, en temps normal on nous reproche souvent de nous « acharner » quand on réanime des patients âgés, et maintenant que la situation provoque de fait de nombreuses LATA (indépendamment du nombre de lits dispo puisque de toute façon les patients d’ehpad sont très rarement réanimatoires), on nous traite de monstres qui euthanasient les vieux.

Honnêtement, je vous le dis, en ce moment, vos posts et relais multiples de bêtises du genre me font chier.

Avant de nous donner des leçons d’éthique, commencez par vous occuper de visiter vos vieux dans leur EHPAD au lieu de les abandonner, de les déposer aux urgences le vendredi soir du début de vos vacances scolaires avant de prendre la route (poke le « maintien à domicile difficile » du vendredi soir), de refuser de les amener à l’hôpital ou de venir les récupérer parce que « vous comprenez j’ai pas que ça à faire », de ne pas les accompagner en consultation alors qu’ils n’ont évidemment plus l’état cognitif qui leur permet de comprendre ce qui leur arrive.

Ce que sont devenus les EHPAD, c’est quand même le résultat d’une société qui ne veut plus mettre les moyens humains et financiers pour s’occuper de ses vieux, qui les considère comme des charges, qui les isole, qui valorise la jeunesse et l’hyper investissement au travail plutôt que le soin de son entourage, qui sous paie les auxiliaires de vie et les personnels des ehpad qui font un travail extrêmement difficile et admirable .

Au lieu d’écrire des aberrations, vous devriez profiter de ce temps à tuer pour peut être réfléchir à ce que tout ça nous apprend de notre société, et de ce que nous voudrions voir advenir comme changements.

Ce que dit la loi:

Droit à la sédation profonde

Deux textes régissent actuellement la fin de vie des Français. Leur objectif: lutter contre l’acharnement thérapeutique et soulager les malades en phase terminale. Votée à l’unanimité en 2005, la loi Leonetti leur garantit un droit d’accès aux soins palliatifs et interdit « l’obstination déraisonnable ». « Lorsqu’ils [les actes médicaux] apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris », précise le texte. 

Ce que réclame un médecin en EHPAD:

Mediapart du 03 034 2020 « Fin de vie, contention: les Ehpad en pleine crise éthique » 

Stéphanie Lévêque, médecin coordonnatrice dans trois Ehpad de Haute-Garonne, ne peut pas en dire autant, elle qui craignait déjà la semaine dernière de ne pas avoir de quoi assurer des soins palliatifs décents. « Dans un de mes Ehpad, il n’y aura bientôt plus de Valium ni de scopolamine, le médicament indiqué pour les encombrements de type bronchite. Nous allons manquer aussi de sédatifs. Je suis en train de constituer un stock à partager entre mes trois établissements pour parer au plus pressé. »

Ce médecin s’inquiète aussi de la lenteur des procédures administratives et réclame depuis trois semaines que soit appliquée la possibilité pour les professionnels en ville de se fournir en midazolam auprès des pharmacies hospitalières. Cette injection, utilisée dans le cadre de la loi Leonetti-Claeys, permet une sédation profonde pour deux indications particulières, les hémorragies massives et la détresse respiratoire aiguë.

L’obstacle est double : si les autorités de santé ont conscience qu’il faut en laisser l’accès aux praticiens des Ehpad, pour leurs patients qui ne seront pas transférés à l’hôpital faute de places, les arbitrages se font attendre au ministère de la santé afin d’éditer l’arrêté officiel. « J’espère que le temps administratif ne causera pas de mort douloureuse par des asphyxies non soulagées », souligne Stéphanie Lévêque. Par ailleurs, le midazolam faisant partie des médicaments prioritaires pour les patients ayant contracté le Covid-19 et hospitalisés en réanimation, sa « rétrocession » en ville est limitée (voir cet article sur les pénuries naissantes à l’hôpital).

LR: Le décret incriminé autorisant, jusqu’au 15 avril, la sédation de certains patients atteints du Covid-19 en très grande souffrance par le Rivotril suscite une grande émotion et beaucoup d’amalgames. Il répond peut-être à cette inquiétude d’éviter ces « grandes souffrances » à des malades en fin de vie, c’est un choix médical, comme celui de déclencher des « soins palliatifs », sauf qu’ en EHPAD c’est sans respirateur contrairement à l’hôpital. Ce choix contraint par l’absence de places en réanimation nourrit aussi cette décision, d’aller au décès programmé dans ces conditions anormales .  » « Il ne s’agit pas de démarches visant à précipiter le décès des patients mais bien de leur assurer un apaisement. » » . La distinction en cette période paroxystique est subtile.

Commentaires:

Reinette Goldberg Cependant, il y a en EHPAD des personnes qui ne sont pas en fin de vie, juste en perte d’autonomie suite à un alzheimer et qui pourraient me semble t-il être hospitalisées sans pour autant se retrouver en réa (ce qui correspondrait effectivement dans ce cas à un acharnement thérapeutique).

Vé Mu Je vous remercie beaucoup. Mais, est-ce que ce ne sont pas des médecins qui ont exprimé la peur ou la douleur d’avoir des choix à faire entre les malades, de devoir sauver les plus sauvables et renoncer à certains autres. qui ont parlé de médecine de guerre. c’est d’avoir lu cela concernant d’abord il est vrai des médecins italiens qui m’a moi-même effrayée, attristée.

Sophie-Danièle Godo avez vous une maman en ephad ? pas tellement dépendante, en bonne santé, mais qui s’est simplement fait virer d’un appartement et n’a pas eu la force d’en relouer un autre à 89 ans. Tous les vieux comme vous les appelez gentiment ne sont pas à l’article de la mort

Roza Chanina

Bonjour, pourriez-vous nous expliquer ce fameux décret ? : « II.-Par dérogation à l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, la spécialité pharmaceutique Rivotril ® sous forme injectable peut faire l’objet d’une dispensation, jusqu’au 15 avril 2020, par les pharmacies d’officine en vue de la prise en charge des patients atteints ou susceptibles d’être atteints par le virus SARS-CoV-2 dont l’état clinique le justifie sur présentation d’une ordonnance médicale portant la mention “ Prescription Hors AMM dans le cadre du covid-19 ”.
« Lorsqu’il prescrit la spécialité pharmaceutique mentionnée au premier alinéa en dehors du cadre de leur autorisation de mise sur le marché, le médecin se conforme aux protocoles exceptionnels et transitoires relatifs, d’une part, à la prise en charge de la dyspnée et, d’autre part, à la prise en charge palliative de la détresse respiratoire, établis par la société française d’accompagnement et de soins palliatifs et mis en ligne sur son site.
« La spécialité mentionnée au premier alinéa est prise en charge par les organismes d’assurance maladie dans les conditions du droit commun avec suppression de la participation de l’assuré prévue au R. 160-8 du code de la sécurité sociale. » https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do…

 

Willy dans l’ordre:

1) a 100% d’accord avec l’article; le seul reproche que l’on puisse faire a l’article est que l’auteur est manifestement exaspérée et un peu « carré » dans ses expressions :
a) oui on ne prend pas en réanimation non seulement les patients qui ne vont pas passer le cap de la réa avec de bonnes chances de succès mais aussi le cap de la rééducation derrière. quand on a fait une réanimation, anesthésie, chirurgie sur une pathologie urinaire relativement mineure et que le patient va mourir en maison de retraite dans un lit au bout de 3 mois, la médecine est clairement en échec: le patient a souffert, psychologiquement, pendant une très longue agonie. c’est pour cela qu’il y a une loi sur l’acharnement thérapeutique.

b) lorsqu’il y a décision de limitation thérapeutique en réanimation, la décision est collégiale à l’intérieur du service, infirmières et aide soignantes comprises d’une part; d’autre part on demande en général l’avis et la signature d’un médecin d’un autre service, par exemple l’avis d’un neurologue en cas d’accident vasculaire cérébral ou l’avis et la signature d’un médecin de médecine palliative. les juges ont décide, avec raison, pour une fois, qu’un seul médecin n’avait pas droit de vie ou de mort.

c) il y a une différence (subtile) entre donner une dose « bolus » d’une drogue qui va provoquer la mort cad qu’il y a intention de provoquer la mort en contradiction avec le serment Hippocrate et la juridiction pénale d’une part et d’autre part augmenter les doses de sédation (benzodiazepine, opiacés-morphinique) qui vont provoquer un arrêt circulatoire ou respiratoire. Dans un cas on veut tuer, ce qui est interdit. dans l’autre cas on veut soulager ce qui non seulement normal mais thérapeutique.

2) le rivotril est une benzodiazepine (valium-diazepam; midazolam-hypnovel, etc…) utilisé pour le traitement de l’état de mal épileptique. A défaut de midazolam ou de diazepam non disponibles, on donne une autre benzodiazepine pour la sédation terminale.

salutations mr

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