«Désobéir à l’oligarchie capitaliste», par Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon

L’Humanité, 18 mai 2020

L’Humanité, avec sa plate-forme numérique l’Humanite.fr, prend l’initiative d’ouvrir ses colonnes pour repenser le monde, avec l’ambition d’être utile à chacune et chacun d’entre nous. Cette initiative aura des prolongements avec la publication d’un hors-série à la fin de l’été et l’organisation de grands débats publics permettant de prolonger ces écrits. Aujourd’hui, «Désobéir à l’oligarchie capitaliste», par Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, sociologues, anciens directeurs de recherche au CNRS.

« Mes chers compatriotes, nous aurons des jours meilleurs et nous retrouverons les jours heureux. J’en ai la conviction », a déclaré Emmanuel Macron, lors de son allocution présidentielle du 13 avril 2020. Le fondé de pouvoir de l’oligarchie qui l’a placé à l’Élysée en 2017 fait une référence explicite au programme de Conseil national de la Résistance (CNR) dit « les Jours heureux », qui posait les fondations d’un État providence au service de l’intérêt général. Mais pour quelles raisons ?

La manipulation idéologique et linguistique, les fausses promesses, voire le mensonge participent du management du « président des ultra-riches » afin que le peuple ne se rende pas compte qu’il a en réalité pour mission de fignoler la construction d’un État néolibéral au service des capitalistes. Dire blanc et faire noir présente en effet l’avantage de sidérer, de tétaniser et d’empêcher de voir que le Covid-19 est une aubaine, un virus à instrumentaliser pour accélérer la surveillance de masse et en profiter, avec l’instauration de l’état d’urgence sociale et sanitaire, pour mettre au point, en catimini, à coups d’ordonnances, un État policier au service des intérêts des plus fortunés. Enfin, la référence aux « Jours heureux » est peut-être aussi une tactique d’imposition de l’agenda des militants de gauche. Pendant que ces derniers s’occuperont de programmer la reconstruction d’un État providence au service de l’intérêt général, ils n’iront pas mettre leur nez dans les coulisses du pouvoir.

« Nous sommes désormais sous le statut de « colonisés » d’une oligarchie capitaliste mondialisée, qui nous impose ses intérêts financiers et ses traités verrouillés. »

Peu de chance en effet pour que nos propositions adviennent. Nous sommes désormais sous le statut de « colonisés » d’une oligarchie capitaliste mondialisée, qui nous impose ses intérêts financiers et ses traités verrouillés. « La stratégie du choc » liée au Covid-19 a été d’emblée mise à profit par Christine Lagarde, nouvelle directrice de la BCE, avec la fabrication de milliards d’euros pour assurer la continuité du paiement des dividendes, des plus-values et des salaires indécents des grands patrons, pour les entreprises qui en feraient la demande. Les banques centrales de la zone euro, dont la Banque de France, présidée par l’aristocrate François Villeroy de Galhau, ont l’interdiction de prêter aux États, qui doivent emprunter sur les « marchés financiers » pour investir dans les services publics de la santé ou de l’éducation et ainsi continuer à enrichir les créanciers. L’esclavagisation mise au point par les capitalistes pour maintenir leurs profits est désespérante. D’autant plus que le coronavirus est lié au dérèglement climatique.

« Le dérèglement climatique représente une double aubaine pour les capitalistes. »

La pandémie du Covid-19 doit impérativement être présentée comme un simple problème de santé afin de cacher la responsabilité des capitalistes dans le dérèglement climatique ! Cette pandémie est une des conséquences de la déforestation et du pillage de la nature, qui offrent à des virus d’origine animale la possibilité de s’introduire de manière pathogène dans l’homme. Or, les technocrates de Bruxelles et de Paris ont accepté les revendications du grand patronat de mettre entre parenthèses les engagements de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, le dérèglement climatique n’apparaissant que secondaire par rapport à l’encaissement des profits. Mais pas seulement !

Le dérèglement climatique représente une double aubaine pour les capitalistes : celle de leur permettre de rebondir avec de nouveaux marchés liés au capitalisme « vert », voitures électriques, éoliennes, isolations… Mais aussi celle de « vider » la planète du trop-plein d’humains désormais inutiles à l’heure des robots et de l’intelligence artificielle. Un holocauste climatique en quelque sorte, dont le Covid-19 ne constitue que le premier acte de l’exploitation de l’homme et de la nature animale et végétale.

« La désobéissance civile constitue un acte de résistance qui ne peut être accusé de « populisme », car les acteurs de cette désobéissance sont conscients de leur responsabilité. »

Que faire ? La désobéissance civile non violente est une forme de résistance légitime comme réponse à la violence d’un État devenu un instrument d’enrichissement et de légitimation des capitalistes au détriment des travailleurs. En ne remplissant plus leurs fonctions régaliennes de protection du peuple de France par la lutte contre le dérèglement climatique, il est légitime de désobéir à ceux qui détiennent le pouvoir politique. La désobéissance civile constitue de plus un acte de résistance qui ne peut être accusé de « populisme », car les acteurs de cette désobéissance sont conscients de leur responsabilité. Il n’y a pas de remise de soi à un quelconque leader en quête de voix pour sa carrière politique.

Dans une pétition, publiée dans le Monde du 21 février 2020, signée par près de 1 000 scientifiques de toutes les disciplines concernées par le dérèglement climatique, ceux-ci appellent « à participer aux actions de désobéissance civile menées par les mouvements écologistes (…). Nous invitons tous les citoyens, y compris nos collègues scientifiques, à se mobiliser pour exiger des actes de la part de nos dirigeants politiques et pour changer le système par le bas dès aujourd’hui ». « Le futur de notre espèce est sombre », telle est leur conclusion ! Soyons à la hauteur pour l’éclaircir.

Monique et Michel Pinçon-Charlot

                                                                                                              

Mercredi 20 mai, dans l’Humanité (et dès mardi sur l’Humanite.fr) :

Penser un monde nouveau. « Une sécurité sociale des productions », par Bernard Friot, sociologue et économiste.

Dernier ouvrage paru : Le Président des ultra-riches. Chronique du mépris de classe dans la politique d’Emmanuel Macron. Éd. La Découverte/Zones, 176 pages, 14 euros (9,99 euros en version numérique).

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