CGT 04: COVID-19 – A PARTIR DE QUEL AGE, ON LES LAISSE MOURIR

e 02/05/2020

Bonjour,

Le monde est en train de changer. C’est pourquoi nous aborderons un sujet de fond majeur la semaine prochaine. Mais avant, j’aimerais continuer sur la question des EHPAD et du traitement des personnes âgées en 2020.

Articles ou interviews suite à la diffusion de notre lettre ouverte pour alerter sur la situation des EHPAD dans la région :

>> Ci-joint l’article paru dans le quotidien national Hospimedia : « La CGT alerte sur la situation catastrophique des EHPAD en PACA »

>> Ci-joint l’article paru dans La Marseillaise : « La CGT santé et action sociale PACA interpelle le préfet de région et l’ARS »

>> Interview de DICI TV – « Covid-19 : la CGT alerte l’Ars et le préfet de région sur la situation dans les Ehpad » : https://vimeo.com/412424161

>> Le Dauphiné Libéré – « Ehpad : la CGT tire la sonnette d’alarme » :  https://www.ledauphine.com/sante/2020/04/25/hautes-alpes-haute-provence-paca-ehpad-la-cgt-tire-la-sonnette-d-alarme

>> Le Dauphiné Libéré – CGT Santé Paca : « On est une des régions de France qui a le plus d’Ehpad, on est inquiets » :https://www.ledauphine.com/sante/2020/04/25/hautes-alpes-cgt-sante-paca-on-est-une-des-regions-de-france-qui-a-le-plus-d-ehpad-on-est-inquiet?utm_source=kwanko&utm_medium=contextual%20targeting&utm_campaign=GENERIQUE&utm_content=355569

>> Ci-joint la lettre ouverte que nous avons adressée au Préfet de Région et au DG de l’ARS PACA

Ci-joint quelques articles de médias nationaux sur la question des EHPAD

>> Ci-joint un article du Canard Enchaîné – « Les vieux ont-ils été privés de Réa ? »

>> Ci-joint un article de Mediapart – « A Marseille, une maison de retraite chic où l’on meurt en nombre et en silence »

>> Ci-joint un article de Mediapart – « EHPAD : le groupe Korian fait pression sur des familles de résidents décédés »

>> Ci-joint un article de Mediapart – « Dans les EHPAD, la pénurie est aussi médicale »

>> Ci-joint un article de Mediapart – « Des entreprises françaises pointées du doigt dans le drame des maisons de retraite en Espagne »

Bon courage

Et bon week-end,

Pour la CGT,

Cédric Volait


La CGT alerte sur la situation « catastrophique » des Ehpad en Paca

Publié le 24/04/20

La CGT a adressé une lettre ouverte au préfet de région et au directeur général de l’ARS Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) pour fustiger une situation « catastrophique« . Le syndicat y explique qu' »une des spécificités de la région Paca est le taux important de personnes âgées composant sa population et de fait un nombre d’Ehpad plus élevé. » Il considère donc que « cette particularité nécessiterait de prendre des dispositions particulières pour assurer au mieux la prévention au sein de ces établissements. »

Il s’insurge tout particulièrement contre la consigne visant à limiter au maximum le transfert des résidents testés positifs au Covid-19 aux urgences : elle serait « insupportable, elle signifie la discrimination organisée de nombreux résidents exclus des lits d’hospitalisation et de réanimation alors même que leur état de santé le nécessiterait. » Il tient également à rappeler que, selon lui, « il est impératif aujourd’hui de répondre aux revendications des personnels des Ehpad, qui sont posées depuis deux ans et demi, portant sur la création de 200 000 emplois de personnels qualifiés, d’une négociation pour une réelle revalorisation salariale, la présence d’une infirmière 24h/24 et de vrais médecins prescripteurs salariés dans les Ehpad permettant un vrai suivi des résidents qui sont de plus en plus dépendants. »

Edoxie Allier



Marseille, le 21 Avril 2020

  1. Le Préfet de Région PACA
  2. le Directeur de l’ARS PACA

Objet : Lettre ouverte à l’attention du Préfet de Région et du Directeur Général de l’ARS PACA

Monsieur le Préfet, Monsieur le Directeur Général de l’ARS,

La situation de crise dans les EHPADs, la surmortalité qui se développe, est largement due au fait que le gouvernement et les ARS n’ont pas répondu aux revendications posées par les salariés, les syndicats et l’association des directeurs d’EHPAD, notamment concernant l’augmentation des effectifs, la présence d’infirmières et de médecins prescripteurs.

Lorsque les chiffres réels de la surmortalité dans les EHPADs seront connus du grand public, chacun pourra se rendre compte de la catastrophe qui s’y déroule actuellement. Vendredi 17 avril, l’APM annonçait une augmentation de la mortalité, sur l’ensemble du  pays de +58% sur la semaine du 30 mars au 5 avril. Cela ne correspond pas aux chiffres qui sont transmis par les pouvoirs publics.

Une des spécificités de la région PACA est le taux important de personnes âgées composant sa population et de fait un nombre d’EHPAD plus élevé. Cette particularité nécessiterait de prendre des dispositions particulières pour assurer aux mieux la prévention au sein de ces établissements.

La tension autour du manque de matériel de protections individuelles à disposition des salarié-es a été maximale en début d’épidémie mais reste à ce jour un problème important dans nombre d’établissements mettant ainsi en danger les personnels et les résidents. Les efforts doivent redoubler pour que des problèmes matériels ne soient pas, ne soient plus à l’origine de décès.

Par ce courrier nous tenions particulièrement à réagir à propos de la note ministérielle du 31 mars 2020 sur les « consignes et recommandations concernant l’appui des établissements de santé aux établissements hébergeant des personnes âgées  dépendant » stipulant au bas de la page 1 : « Le principe est que la prise en charge des cas suspects et confirmés ne représentant pas de critères de gravité doit être assurée en priorité au sein des EHPAD afin de ne pas saturer les établissements de santé ».

Cette consigne donnée aux établissements est insupportable, elle signifie la discrimination organisée de nombreux résidents exclus des lits d’hospitalisation et de réanimation alors même que leur état de santé le nécessiterait.

La moyenne d’âge des résidents en EHPAD est d’environ 85 ans, ils sont souvent poly- pathologiques, le seul fait d’être contaminé est d’emblée un risque maximal, devant être traité immédiatement. Le principe devrait être au contraire que ces personnes très fragiles avec covid confirmé soient très vite hospitalisées ! Les extraire des EHPAD, pour leur santé, permet également de réduire les risques de contaminer l’ensemble de l’EHPAD.

Cette même note ministérielle indique également : « la décision de transfert vers un établissement de santé ne peut être prise que par un médecin du SAMU centre 15 ». Il devient donc interdit, à toute autre médecin d’adresser les résidents à l’hôpital. C’est un médecin au téléphone qui doit prendre la décision, sans aucun contact avec les personnes. Non ! Un médecin traitant ou un médecin des urgences doit pouvoir les hospitaliser !

Enfin, le dépistage massif dans les EHPAD ne doit pas être abordé seulement en conférence de presse par le ministre de la santé mais doit devenir une réalité, une déclination concrète et massive sur le terrain, dans chaque territoire, avec un dépistage, dans l’ensemble des EHPAD, pour tous les résidents, tous les personnels, cas avérés ou pas afin d’adapter au mieux les mesures de protection.

A l’heure où nous écrivons ce courrier, les règles concernant les visites pour les résidents sont en train d’être allégées. Il est temps, vraiment temps que l’isolement de ces personnes fragiles soient pris en compte. On meurt d’isolement. Nous vous demandons de tout mettre en œuvre pour que les établissements puissent prendre les dispositions permettant le plus rapidement possible de prendre les mesures nécessaires pour que les personnes résidant en EHPAD puissent retrouver des moments de partage avec leurs proches dans les conditions les plus sûre possibles pour éviter la propagation du virus.

Nous le rappelons, il est impératif aujourd’hui de répondre aux revendications des personnels des EHPAD, qui sont posées depuis deux ans et demi, portant sur la création de 200 000 emplois, de personnels qualifiés, d’une négociation pour une réelle revalorisation salariale, la présence d’une infirmière 24h/24 et de vrais médecins prescripteurs salariés dans les EHPAD permettant un vrai suivi des résidents qui sont de plus en plus dépendants.

Certain que vous tiendrez compte de nos demandes, veuillez recevoir Monsieur le Préfet, Monsieur le Directeur Général, toute notre considération.

Pour la coordination régionale CGT Santé et Action Sociale PACA Cédric Volait

Pour le Comité Régional CGT PACA Gilles Fournel



A Marseille, une maison de retraite chic où l’on meurt en nombre et en silence

PAR JEAN-MARIE LEFORESTIER (MARSACTU) ARTICLE PUBLIÉ LE SAMEDI 18 AVRIL 2020

La Résidence du Palais, à Marseille. © Lisa Castelly/Marsactu

« La Résidence du Palais » a déclaré huit décès directement liés au virus, nombre qui apparaît sous- estimé. Une quinzaine de personnes y sont décédées ces dernières semaines et toutes n’ont pas  été  testées. Port du masque d’abord jugé anxiogène, sous- information des familles… : notre partenaire Marsactu a enquêté sur cet établissement huppé.

Aux dires de certains, ce serait l’établissement  le plus chic de Marseille. En plein cœur du sixième arrondissement, à deux pas du tribunal, se dresse derrière une façade imposante la Résidence du Palais. Soixante et onze chambres individuelles y accueillent des anciens de la bourgeoisie marseillaise, juges, avocats ou encore médecins.

Leurs familles paient entre 3 000  et  5  000  euros par mois  pour  les  y  loger  dans  des  conditions  très confortables. Mais le virus ne regarde pas les portefeuilles. Vendredi 10 avril, une pensionnaire, Clodette, s’en est allée. La vieille dame, nonagénaire, aura passé ses derniers jours dans la Résidence du Palais. Elle est une des dernières victimes d’une série de décès qui frappe cet Ehpad, en pleine crise sanitaire du coronavirus.

Dans une situation partout complexe, cet établissement pour personnes âgées est parmi les plus touchés du département, un « Ehpad cluster ». Dans ses remontées obligatoires à l’agence régionale de santé (ARS), la Résidence du Palais a déclaré huit décès directement liés au virus depuis le 27 mars. Dans le même temps, le département des Bouches-du- Rhône comptabilise 105 décès de résidents d’Ehpad au 15 avril, une statistique qui donne une tendance

fiable mais qui, comme le reconnaît l’ARS, n’est peut-être pas le fruit « de remontées complètement exhaustives ».

La situation semble plus grave que les huit cas déclarés. Selon plusieurs membres de l’équipe de l’établissement, qui souhaitent rester anonymes, on recensait à la fin de la semaine dernière une quinzaine de résidents morts sur la période.

La façade de la Résidence du Palais, juste à côté du tribunal de Marseille. © Lisa Castelly/Marsactu

Marsactu s’est procuré une liste recensant ces décès. Nous avons confronté cette liste aux avis de décès publiés dans la presse ou en ligne. Nous avons pu    en retrouver quatorze. Une bonne partie figure sur  le site d’Espace funéraire, une entreprise de pompes funèbres. Plusieurs sources nous permettent d’affirmer qu’il s’agit du partenaire habituel de la Résidence du Palais.

Après avoir démenti ce chiffre dans une première réponse, la Résidence du Palais refuse désormais de le commenter. Mais elle rétorque : « Si les gens meurent dans les Ehpad, c’est parce que le 15 [le SAMU – ndlr] fait du filtrage à l’âge et c’est là-dessus qu’il faudrait enquêter. » Une priorisation peut exister, confirme une source proche du dossier. Mais elle est à minimiser de manière importante à Marseille car, insiste l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (APHM), « nous ne sommes pas à saturation dans les services de réanimation et les unités Covid et il n’y a donc pas de raison de refuser qui que ce soit ».

« Malheureusement, la liste devrait encore s’allonger, témoigne-t-on en interne. On est aujourd’hui à environ deux tiers des résidents qui sont positifs au Covid-19. » Pour une autre personne au sein de l’équipe, la différence entre le nombre de décès déclarés à l’ARS et le nombre global a une explication toute trouvée :

« La direction ne déclare que ceux qui étaient testés positifs.  Or,  beaucoup  sont  décédés  avant  que  ne soient faits les tests. Donc ils trouvent une autre raison pour celles et ceux qui sont dans ce cas. Pourtant, ce n’était pas des personnes mourantes : elles avaient encore de longs mois, voire des années devant elles. »

Une proche d’un résident décédé, dont le résultat positif du test est arrivé après sa mort, a été témoin d’une scène pour le moins inhabituelle : « Le représentant des pompes funèbres s’est plus ou moins engueulé avec eux, parce qu’au moment de la mort, la maison de retraite restait évasive sur la cause. » Dans la période, un protocole spécifique après le décès doit en effet être mis en place : la toilette mortuaire est notamment interdite.

Cette situation est un cruel révélateur du drame qui se joue dans les Ehpad, une fois que le virus a traversé les murs. Et des questions se font jour sur la réaction de l’établissement à l’épidémie. Est-ce simplement de la malchance, le fruit de l’impréparation globale ou certaines mesures de sécurité y ont-elles été négligées ?

Les visites extérieures ont été interdites à partir du 6 mars à la Résidence du Palais. © Lisa Castelly/Marsactu

L’établissement assure qu’il a fait preuve d’une gestion scrupuleuse dans une réponse écrite à nos questions. « La directrice et son équipe ont mis en place un confinement individuel en chambre de tous les résidents le 23 mars, dès l’apparition de premiers symptômes, en amont de la recommandation du gouvernement du 28 mars dernier, explique le groupe Domusvi, propriétaire de l’établissement. Depuis le début de l’épidémie, l’ensemble des résidents et des collaborateurs ont été testés. Cela a permis dès le   29 mars de mettre en œuvre une sectorisation des résidents positifs au Covid-19. »

Avant d’être débordé, le premier étage de la résidence a en effet été transformé en étage Covid, conformément aux recommandations du ministère de la santé. Précédemment, dès le 6 mars, les

visites avaient été restreintes avant d’être totalement interdites le 9 mars, soit deux jours avant la consigne officielle. Mais certaines familles ont tout de même pu bénéficier de dérogations par la suite.

Des membres de l’équipe s’interrogent quant à eux sur d’autres mesures. Avec les familles, ce sont ces hommes et ces femmes qui sont le plus susceptibles d’avoir fait entrer le coronavirus dans les murs, ce qui a d’ailleurs poussé certains établissements, comme celui du Roucas-Blanc (du même groupe Domusvi), à loger sur place leur personnel.

Port du masque prohibé, familles maintenues dans l’ignorance

Jusqu’au premier cas positif pourtant, le port du masque avait été écarté à la Résidence du Palais. Selon nos informations, ce matériel était jugé  anxiogène par la direction. « Rien n’a été mis en place, on n’avait ni masques ni gants. Ça a été catastrophique », assure une membre expérimentée de l’équipe. Le personnel qui aurait pu venir avec son propre matériel de protection a été invité à ne pas le faire.

Un stock de masques, assurent plusieurs sources, était pourtant disponible dans l’établissement. Toujours par écrit, le groupe Domusvi le confirme à demi- mots : « Concernant le matériel de protection, nous avons  reçu  au  début  de  l’épidémie  du  matériel  de personnes tierces qui ne correspondait pas aux normes sanitaires. Nous avons donc privilégié les dotations de l’ARS et celles provenant de la direction médicale du groupe. » Le groupe aurait donc préféré dans un premier temps ne pas donner de masques à son personnel plutôt que de lui fournir des protections imparfaites.

Dans  une  nouvelle  réponse,  le  groupe  ajoute avoir

« scrupuleusement respecté la doctrine de l’ARS en termes de masque jusqu’au 23 mars. Nos équipes ont porté un masque chirurgical uniquement en présence de résidents avec des symptômes ». Le 20 mars, pourtant, une lettre signée par des représentants des Ephad de toute la France demandait au ministre de  la  santé  d’équiper  tous  les  soignants  de  leurs établissements. L’urgence était donc bien connue dans la profession et, comme partout, il fallait faire avec des stocks limités.

Aujourd’hui, une partie du personnel est elle aussi contaminée. Un nombre plus important  encore  est en arrêt maladie, « au moins  la  moitié  »,  assure  une source. « Nous ne pouvons  vous  transmettre  des informations concernant l’état de santé de nos collaborateurs », écarte le groupe Domusvi face à notre demande d’un point sur l’état de santé collectif et non individuel. Comme dans beaucoup d’autres endroits actuellement, des étudiants aides-soignants ou infirmiers sont au quotidien dans l’établissement pour assurer la continuité du service.

Désormais, assure Domusvi, « les stocks en équipement de protection (masques chirurgicaux, masques FFP2, blouses et charlottes) sont suffisants au sein de l’établissement pour permettre à l’équipe de travailler conformément aux recommandations ». « Ils sont tous habillés comme des cosmonautes », confirme une proche d’un défunt qui, le jour de sa mort, s’est rendue dans l’établissement.

La Résidence du Palais et ses pensionnaires se battent donc contre la maladie. Mais ils le font dans la plus grande discrétion. Les familles sont maintenues dans l’ignorance de ces décès et de la gravité de la situation. La directrice de l’Ehpad, qui leur écrit des mails régulièrement, n’a donné que peu de précisions. Le 2 avril, elle a seulement indiqué qu’« en dépit de nos efforts conjugués, plusieurs résidents pris en charge ont fait état de symptômes de type fièvre, puis ont été testés positifs au Covid-19 ». Elle mentionne aussi   la création d’une équipe et d’un étage dédié. Samedi 10 avril, elle n’en dit pas beaucoup plus mais précise que l’établissement s’inscrit dans le « vaste plan » de dépistage dans les Ehpad souhaité par le ministère de la santé.

Aucune information sur la situation sanitaire précise n’est donnée. Une seule porte est ouverte. « Je centralise ces informations afin qu’elles ne soient pas erronées et une remontée d’informations quotidienne est faite aux ARS », explique la directrice. Dans leur ensemble, les familles que nous avons interrogées

entre le 10 et le 14 avril ignoraient tout du drame se jouant derrière les portes closes de la Résidence du Palais.

La fille d’une résidente nous explique : « Les infos que j’ai eues, ce sont des infos sur le cas précis de ma mère mais très peu sur la situation générale. » Un autre parent l’assure : « Il n’y a aucune transparence , aucun semblant de communication. On obtient des informations au compte-gouttes pour nos proches et on n’a rien sur le point de vue général. »

Le conseiller municipal Patrick Mennucci est le fils de Clodette, décédée le 10 avril. Sa tante, la jumelle de sa mère, est aussi une pensionnaire de la Résidence du Palais. L’ancien député (PS) témoigne lui aussi d’informations parcellaires : « On a eu une discussion avec la directrice sur la situation générale. Elle m’a répondu qu’elle n’était pas habilitée à me donner des statistiques. »

Sur le cas même de ses proches, il a peiné à avoir  des éléments d’information, explique-t-il :  «  Tous les jours, on m’a dit que ma mère allait bien avant qu’on me dise vendredi qu’elle était morte. On ne m’a jamais dit qu’elle avait un problème respiratoire. Il semblerait qu’elle ait été mise sous oxygène et on ne me l’a pas dit non plus. Pour ma tante, on m’a   dit dimanche 12 avril au matin qu’elle avait “juste quelques problèmes pour respirer”. J’ai demandé à ce qu’elle soit hospitalisée, on m’a répondu que ce n’était pas possible et qu’on n’hospitalisait pas les personnes en Ehpad. Ce n’est que quand j’ai fait parvenir une lettre d’avocat que ça a commencé à bouger. Ils ont fini par appeler le médecin répartiteur qui a dit non, puis a rappelé pour dire oui. Sans que j’intervienne, elle est désormais à l’IHU. »

Contactée sur la situation générale de l’établissement, l’agence régionale de santé indique que « début mars, un courrier a été envoyé aux Ehpad pour dire qu’il fallait donner les informations sur la situation aux familles ». Une recommandation que la Résidence du Palais a soigneusement ignorée. Ce n’est finalement que le mercredi 15 avril dans l’après-midi que la directrice de l’établissement a informé les familles  de la gravité de la situation. Ce message intervient dix-neuf jours après le premier décès. Il survient aussi plusieurs jours après avoir reçu les questions de Marsactu sur cette non-communication aux familles et alors que les relations publiques du groupe Domusvi et de l’établissement étaient informées de la publication imminente de cet article. « En dépit de nos efforts conjugués nous avons été durement touchés par cette épidémie et nous déplorons le décès de plusieurs résidents que nous avons, avec l’accord de leur famille, accompagnés jusqu’au bout », annonce la directrice.

Le 15 avril au soir, Domusvi se voulait rassurant concernant l’évolution de la situation dans cet établissement. « Cela fait maintenant plusieurs jours qu’aucun nouveau cas n’est apparu et que certains résidents touchés par le virus ont maintenant été testés négatifs, ce qui va leur permettre de quitter le secteur COVID et regagner leur chambre »,indique-t- on à Marsactu.

En interne, certains tentent d’expliquer ce silence  trop longtemps maintenu : « Ces résidences tiennent à leur réputation. La hiérarchie de Domusvi a dit clairement qu’il fallait que cette histoire s’ébruite le moins possible », raconte une première source. Une seconde affirme qu’elle ne devait « pas en parler non plus aux résidents qui ont toute leur tête et qui ont   du réseau » de peur que la situation ne s’ébruite. Un communicant spécialisé dans ce domaine commente :

« Depuis l’Ehpad de Mougins et la mise à l’index du groupe Korian, les groupes n’ont qu’une peur, c’est d’être accusés d’avoir failli. »

Boite noire

Marsactu est un journal en ligne produisant enquêtes et informations sur l’agglomération de Marseille. Mediapart et l’équipe de Marsactu ont décidé de développer un partenariat éditorial.Pour en savoir plus, lire ici nos explications.


Ehpad: le groupe Korian fait pression sur des familles de résidents décédés

PAR HÉLÈNE CONSTANTY

ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 30 AVRIL 2020

Visé par plusieurs plaintes de familles de résidents morts du Covid-19 dans ses Ehpad, Korian lance une contre-offensive destinée à faire taire toute critique.

Après  le  deuil,  des  familles  de  victimes  passent  à l’attaque contre le premier opérateur français de maisons de retraite médicalisées, où le Covid-19 a fait des ravages, provoquant la mort de 606 personnes. À ce jour, au moins quatorze plaintes ont été déposées par des parents de personnes âgées mortes après avoir contracté le virus dans des établissements Korian.

Dix plaintes ont été enregistrées par le parquet de Grasse pour les décès survenus dans l’Ehpad La Riviera de Mougins, dans les Alpes-Maritimes, le plus touché, où 37 personnes ont été emportées par le virus. Les tests réalisés le  6  avril  à  Mougins  sur les 73 survivants sont accablants : 23 personnes sont indemnes, soit seulement un cinquième de l’effectif initial. 31 sont positives et les tests réalisés sur les   19 autres n’ont pas été concluants, en raison de la difficulté de les pratiquer sur des personnes âgées, souvent malades ou démentes.

La dernière plainte en date a été déposée par Antonino Sinicropi, dont la mère Yvette, âgée de 85 ans, est décédée le 26 mars à Mougins. La famille avait commencé à s’inquiéter deux jours plus tôt, lorsque le frère d’Antonino avait téléphoné pour prendre des nouvelles. Une infirmière lui avait répondu que sa mère mangeait peu et dormait beaucoup. Le 26 mars au matin, l’établissement a contacté l’époux d’Yvette pour lui dire qu’elle ne se sentait pas bien et lui demander quelle entreprise de pompes funèbres il fallait solliciter. Deux heures plus tard, la famille était prévenue du décès.

« Mon client déplore que Korian ne lui ait donné aucune information sur le réel état de santé de sa mère, ni sur les causes et les circonstances de son décès. Il semblerait qu’aucun dépistage du Covid-19 n’ait été réalisé. C’est par les pompes funèbres que la famille a appris que le certificat de décès mentionnait “suspicion de Covid-19” », précise Fabien Arakelian, l’avocat d’Antonino Sinicropi et de plusieurs autres proches de victimes.

Dans les doléances des personnes endeuillées, l’absence d’information sur l’état de santé des malades revient comme une antienne. Josy B, dont le père, âgé de 93 ans, a été l’une des premières victimes du Covid-19 à Mougins, reproche à la direction de ne pas l’avoir alertée à temps. « Le 16 mars, j’ai appelé pour avoir des nouvelles de mon père, que je voyais chaque semaine avant l’interdiction des visites. On m’a dit qu’il était tombé, qu’il s’était ouvert le front et avait un peu de fièvre, sans me dire que, la veille, un premier résident était mort du Covid-19. Le lendemain, mon père est tombé dans le coma et a été transporté à l’hôpital de Cannes. C’est là qu’il a été testé positif. Il est mort cinq jours plus tard. Lorsque j’ai téléphoné à la maison de retraite, le 23 avril, pour les informer du décès de mon père, j’ai demandé s’il y avait d’autres malades. On m’a répondu que non », déplore Josy B, qui s’apprête à porter plainte à son tour.

Le père de Josy B, 93 ans, ici photograpié dans la cour de La Riviera de Mougins, est l’une des premières victimes du Covid-19 à l’Ehpad. © DR

Le parquet de Grasse a ouvert une enquête préliminaire des chefs d’homicides involontaires  et  d’omission de porter secours à des personnes en péril, dès la réception de la première plainte, le 2 avril. Trois services d’enquête de la gendarmerie ont été saisis : la brigade de recherche de Cannes, la section de recherche de Marseille, et l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). Leur mission ? Identifier les violations éventuelles des obligations de sécurité et de prudence, établir l’éventuelle relation avec les décès constatés.

«  Il  n’y  a  eu  aucune  violation  des  obligations  de sécurité et de prudence qui s’imposaient à l’établissement La Riviera, ainsi que le démontrera l’enquête préliminaire. Bien au contraire, tout  ce  qui pouvait être fait  a  été  mis  en  œuvre  grâce  à la mobilisation et au dévouement du personnel de l’établissement », répond Korian.

Peu connu du grand public, l’OCLAESP dispose d’une expertise pointue. Il a participé aux  investigations sur les plus grands scandales sanitaires de ces dernières années : viande de cheval dans les lasagnes de Spanghero, lait contaminé aux salmonelles de Lactalis, prothèses mammaires de PIP, Mediator de Servier…

Ses enquêteurs connaissent déjà le groupe Korian. Depuis mars 2019, ils sont chargés d’une enquête pour homicides involontaires et blessures involontaires, sous l’autorité  de  deux  juges  toulousains,  ouverte à la suite d’une intoxication alimentaire mortelle survenue dans l’Ehpad La Chêneraie, à Lherm (Haute- Garonne), géré par Korian. Dans la nuit du 31 mars 2019, aussitôt après leur dîner, un tiers des résidents s’étaient retrouvés à l’hôpital, pris de vomissements et de diarrhées. Cinq en sont morts.

Le choc avait été brutal, provoquant la visite, dès     le lendemain, de la ministre de la santé Agnès Buzyn, et l’ouverture immédiate d’une enquête judiciaire. « Les premières expertises demandées par les juges Benoit Couzinet et Fabien Terrier, co- saisis de l’instruction judiciaire, ont mis en évidence de nombreux  manquements  aux  règles  d’hygiène  et de sécurité, estime Nicolas Raynaud de Lage, l’avocat de plusieurs familles de victimes. Les gestes d’hygiène élémentaires n’étaient pas respectés dans les cuisines, où un matériel défectueux ne permettait pas de respecter la  chaîne  du  chaud.  Mais  une fois les manquements listés, reste à pointer les responsabilités. »

Korian réfute, là encore, avoir commis une quelconque faute : « Aucun manquement à la loi  ou  au règlement ne peut être reproché à l’établissement La Chêneraie. » Un an après le drame, les familles sont encore dans le flou le plus total. « Les morts sont

morts, les malades sont guéris, personne n’est mis   en examen… Nous attendons toujours les résultats d’expertises complémentaires. C’est trop lent. Les familles se sentent laissées-pour-compte », déplore l’avocat.

Les familles des victimes du Covid-19 qui ont porté plainte ces derniers jours doivent s’attendre, elles aussi, à un long parcours du combattant, d’autant que la crise sanitaire provoque des retards considérables de la machine judiciaire.

Dans les Hauts-de-Seine, où l’Ehpad Bel-Air de Korian à Clamart a également été contaminé, deux familles ont adressé des plaintes au parquet de Nanterre. Mais celui-ci se montre plus lent à la détente qu’à Grasse et n’a encore ouvert aucune enquête.

« Le service du courrier est à l’arrêt. Nous n’avons enregistré qu’une seule plainte concernant un décès à la maison de retraite de Chaville, qui nous est parvenue par Chronopost. Mais que les familles se rassurent : les délais de prescription de l’action publique ont été prolongés en raison de la crise sanitaire », indique un porte-parole du parquet.

Concernant son établissement Bel-Air, Korian affirme qu’« au regard de l’ensemble des mesures mises en œuvre au sein de l’établissement de Clamart, tant en prévention qu’en réaction à la crise sanitaire, aucune faute ou négligence ne saurait nous être reprochée. Nous nous tenons naturellement à la disposition de  la justice dans l’éventualité où une enquête serait ouverte sur ces plaintes ».

En attendant que la justice donne suite à leurs plaintes, les familles endeuillées de la région parisienne doivent faire face à un autre stress : les pressions dont elles sont l’objet de la part du groupe Korian. Car depuis l’onde de choc provoquée par les premiers articles de presse consacrés à l’hécatombe dans ses maisons de retraite, le groupe a engagé une contre-offensive méthodique, destinée à faire taire les critiques et redresser une image abîmée. Un impératif pour une entreprise cotée en bourse, dont le cours a perdu 30 % de sa valeur depuis le début de la crise… Le groupe, très rentable et en forte croissance, a réalisé en 2019 un bénéfice net de 136 millions d’euros, en progression de 10,4 % sur l’année précédente, pour un chiffre d’affaires de 3,612 milliards.

Des syndicats divisés en interne

Son conseil d’administration avait prévu de proposer à ses actionnaires, lors de la prochaine assemblée générale, le versement d’un dividende de 0,66 euro par action, en hausse de 10 % par rapport à 2018. Les principaux bénéficiaires devaient être les deux plus gros actionnaires de Korian : Predica, la filiale d’assurance-vie du Crédit agricole, et le groupe de protection sociale Malakoff Médéric, détenteurs à eux deux d’un tiers du capital. Mercredi 29 avril, dans    la soirée, Korian s’est décidé à y renoncer, « afin    de pouvoir mobiliser tous les moyens de l’entreprise au bénéfice de nos parties prenantes », d’après un communiqué.

Pour l’aider à gérer sa communication de crise, Korian a recours, depuis 2019, aux services de l’agence de communication Havas, en la personne de Vincent Deshayes, directeur au sein du pôle influence de Havas après avoir exercé pendant six années comme conseiller en communication, d’abord à l’Élysée  sous la présidence de François Hollande, puis dans plusieurs cabinets ministériels.

Après des semaines d’une communication  limitée  au strict minimum,  le  groupe  a  ouvert  ses  portes  à quelques médias soigneusement sélectionnés, pour une visite très cadrée. Le 9 avril, France 3 Côte d’Azur, Nice Matin et Libération ont été invités à venir faire un reportage à l’Ehpad La Riviera de Mougins. Les journalistes ont pu parler brièvement avec des résidents bien portants et des membres du personnel et poser leurs questions à Marion Artz, la directrice de la formation de Korian, qui avait pris les rênes    de l’établissement pendant le congé pour maladie du directeur touché par le virus dès la mi-mars, Michaël Montagné. Celui-ci, de retour à son poste,  n’avait pas l’autorisation de répondre aux « questions sur la polémique », comme l’a relaté Libération.

Dans la foulée de cette opération portes ouvertes, Sophie Boissard, la directrice générale de Korian, a annoncé le 27 avril que le groupe ferait désormais

montre de transparence, en rendant publiques les statistiques sur les décès liés au Covid-19 dans ses 308 Ehpad. À quoi elle s’est empressée d’ajouter, dans Le Parisien :« Notre groupe est l’objet d’attaques inqualifiables qui ont choqué toute l’entreprise. Je ne laisserai pas salir notre entreprise et nos personnels qui sont de vrais héros. »

Ce ne sont pas de vains mots. Le 20 avril, Korian a annoncé son intention de porter plainte en diffamation contre Libération, suite à l’enquête parue ce jour-là sous le titre « Dans les Ehpad Korian “engloutis par la vague” du Covid 19 ».

En outre, selon nos informations, deux proches de  personnes décédées à l’Ehpad Bel-Air de  Clamart ont reçu des courriers menaçants de la part d’un cabinet d’avocats parisien missionné par la directrice de l’établissement, pour s’être permis de critiquer publiquement la manière dont Korian avait géré l’épidémie… Dans l’un de ces courriers, que Mediapart a pu consulter, l’avocat de Korian reproche au membre de la famille d’avoir diffusé « un courriel auprès de l’ARS ainsi qu’auprès de nombreuses personnes extérieures au groupe, dont des journalistes, dans une volonté manifeste de le rendre public et de nuire […] Cette situation inédite m’oblige à vous mettre en demeure de cesser de telles pratiques et de cesser de proférer de telles accusations portant atteinte à la réputation du groupe ».

Dans l’autre, l’avocat développe le même argumentaire : « Les propos que vous tenez publiquement portent atteinte à l’honneur et à la considération de l’établissement Bel-Air, de ses salariés et de son encadrement. Si le groupe peut mettre les propos que vous tenez sur le compte d’une émotion en raison de la situation particulière que nous vivons actuellement, elle ne peut admettre que vous diffamiez publiquement le groupe alors que ce dernier est pleinement mobilisé pour lutter contre cette pandémie. »

Le   groupe   Korian   justifie   ainsi   ces   courriers  :

«  Il  importe  de  laisser  faire  la   justice   et   ne pas sombrer dans une guerre médiatique et des polémiques qui ne peuvent qu’être préjudiciables à la sérénité de la procédure judiciaire. » Ces pressions risquent évidemment d’atteindre le but inverse de celui recherché et suscitent l’indignation de leurs destinataires. « Ils essayent de nous faire taire, de nous intimider. Comment un mastodonte tel que Korian peut-il se comporter ainsi vis-à-vis de familles endeuillées, confinées et isolées ? », dit l’un d’eux, qui souhaite conserver l’anonymat, compte tenu du contexte litigieux.

De nombreux membres du personnel de Korian craignent désormais de s’exprimer, d’autant qu’une fracture s’est dessinée entre leurs représentants. Tandis que l’UNSA, le syndicat majoritaire, affiche ouvertement son soutien à la direction, un front CGT- SUD-FO fait entendre de vives critiques. « Korian est dans le viseur médiatique pour sa supposée gestion catastrophique de la crise sanitaire […] L’UNSA Korian dénonce l’acharnement et le traitement particulièrement à charge contre elle qui jette le discrédit sur ses personnels. Le doute s’insinue, la calomnie fait ses choux gras… », écrit l’UNSA dans un communiqué diffusé le 24 avril.

La CGT, particulièrement active depuis le début de  la crise sanitaire, notamment par l’intermédiaire du blog « Le Fruit des amandiers », se sent mise en cause. « Dès la mi-mars, nous avons donné la parole à des salariés qui réclamaient des masques et des tests de dépistage. Et maintenant, on nous accuse de dénigrer les salariés ! Mais c’est la direction que nous critiquons, en utilisant notre droit d’expression, pas les salariés qui sont en première ligne face au virus. Ce que nous mettons en cause, c’est la logique mercantile de cette entreprise cotée en bourse qui sacrifie les salariés sur l’autel de la rentabilité », proteste Albert Papadacci, délégué syndical central CGT Korian.

Pendant que les syndicats s’écharpent, d’autres familles de victimes mettent la dernière main à leur plainte. En espérant que le groupe Korian leur rende un jour des comptes sur la manière dont leurs proches ont succombé au virus.


Dans les Ehpad, la pénurie est aussi médicale

PAR MATHILDE GOANEC ET PASCALE PASCARIELLO ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 30 AVRIL 2020

 

Le manque de  médecins  présents  dans  les  Ehpad  a participé à la catastrophe. En Île-de-France notamment, l’agence régionale de santé a mis trop de temps à en prendre la mesure. Pour réagir surtout.

Lorsque Sophie*, médecin en  Seine-Saint-Denis,  est rentrée chez  elle  le  26  mars,  elle  a  couché  par écrit son récit, envoyé par courriel dès le lendemain à l’agence régionale de santé (ARS) d’Île- de-France. Le directeur de l’Ehpad Les Intemporelles, à Aubervilliers, propriété du groupe DomusVi, venait de la chasser sans ménagement de l’établissement où résident une quarantaine de ses patients, en pleine crise sanitaire.

Dans un Ehpad de Marchiennes (Hauts-de-France), le 27 mars 2020. © AFP.

Son tort ? Avoir conseillé à une aide-soignante, ayant des symptômes de Covid-19,  de  rentrer  chez  elle, et demandé le confinement dans sa chambre d’un résident qui présentait lui aussi des signes d’infection.

Deux jours plus tard, Sophie revient dans l’Ehpad, appelé par un infirmier de l’établissement au chevet de son patient dont l’état se dégrade. Même traitement de la direction, qui la chasse et en appelle même à la police. Pourtant, les médecins ne se bousculent pas aux Intemporelles à cette époque. La médecin coordonnatrice, l’infirmière coordonnatrice, un infirmier et une aide-soignante sont chez eux, en arrêt maladie.

Dans son deuxième courrier à l’ARS, le 28 mars, Sophie  conclut  par  ses  mots  :  «  Le  directeur,   en m’interdisant l’entrée, interdit aux résidents le recours à leur médecin traitant, il les met en danger. »

À l’intérieur des Intemporelles, les problèmes et bientôt les décès vont s’accumuler, dix à ce jour  selon nos informations, un chiffre que n’a confirmé ni DomusVi ni l’ARS. Parmi eux, le patient de Sophie. « Il est resté plusieurs jours sans voir de médecin, sans s’alimenter, avec des escarres, et sans être testé rapidement, témoigne Ouzna Seker, aide- soignante, déléguée syndicale CGT aux Intemporelles. La direction a finalement réussi à faire venir un médecin de ville, qui est venu en urgence. Ce résident était positif au Covid et il est mort. Cette histoire nous a tous beaucoup choqués. »

La pénurie médicale  est  telle  que  des  certificats  de décès, faute de  professionnels  présents  sur  place, ont parfois été signés à distance par la  médecin coordonnatrice, après un examen clinique des résidents par les soignants. Selon Ouzna Seker, « un jour, nous avons eu un décès le matin, et nous avons attendu jusqu’à 17 heures l’arrivée de l’infirmière pour qu’elle puisse faire l’examen de constatation, et envoyer ces informations au médecin ».

Cette pratique, si elle a pu être un temps envisagée par les autorités sanitaires, ne relève pourtant d’aucun cadre législatif officiel, comme l’ont précisé à Mediapart diverses organisations professionnelles du domaine médical.

Pour éviter les absences, la direction a même organisé une garderie pour les enfants dans l’établissement.

« Dans une pièce au rez-de-chaussée, où la gouvernante et le directeur rentraient. Ça a duré au moins deux semaines après le 17 mars », rapporte Ouzna Seker.

Dans l’unité fermée de l’Ehpad, où les patients déambulent, le directeur adopte aussi, selon la déléguée syndicale, une stratégie radicale : « Il a demandé à l’agent d’entretien de changer les serrures des portes de chambre pour pouvoir les enfermer de l’extérieur. » La médecin coordonnatrice, ainsi que l’ARS, informé de cette décision, auraient tous deux dit leur désaccord. « Il a alors commencé à casser lui- même une porte de chambre », raconte Ouzna.

Un salarié, qui souhaite rester anonyme, confirme l’altercation et que les poignées intérieures des portes de certaines chambres ont bel et bien été supprimées :

« Il disait que c’était pour le confinement, pour que les gens n’aient pas la liberté de sortir n’importe comment. Je ne sais pas si c’était mauvais ou pas. »

Le directeur a finalement été mis à pied le 10 avril par la direction régionale du groupe DomusVi, informé de la situation. L’inspection du travail a également adressé un courrier au groupe et à l’ARS. Sophie   n’a jamais eu de réponse à son alerte faite auprès    de l’agence régionale de santé d’Île-de-France. Nos nombreuses questions, au groupe DomusVi comme à l’ARS, sont elles aussi restées sans réponse.

Gabriel Weisser pleure, de tristesse et rage, lorsqu’il raconte de son côté les conditions du décès de sa mère, résidente d’un Ehpad dans le Haut-Rhin. Depuis plusieurs semaines, il espérait que Denise, 83 ans, passerait entre les gouttes, isolée dans sa chambre à cause d’une pathologie psychique depuis Noël 2019. Mais le 15 avril, au téléphone, le médecin de l’établissement lui annonce que sa mère, auscultée tôt le matin même, présente des symptômes inquiétants et vient d’être mise sous respirateur.

Malgré la sidération, Gabriel Weisser demande le taux d’oxygénation de sa mère, qui s’élève alors à    85 %, selon la réponse du médecin. « Elle n’était peut-être pas éligible à une réanimation mais une hospitalisation avec une médicamentation aurait pu être envisagée. Mais non, elle a été mise directe en soins palliatifs dans l’Ehpad. » Denise Weisser est morte le soir même.

Le fils de Denise assure « n’avoir pas de colère » contre ce médecin, saluant même le dévouement des équipes de la maison de retraite où sa mère a passé les treize dernières années de sa vie : « Le médecin de l’Ehpad a réagi comme on lui a dit de réagir. Ce n’est pas un problème de personne, mais d’équipements, de personnels, de consignes, qui ont conduit à sacrifier certains malades. »

Son courroux vise surtout  les  autorités  de  tutelle, et il a décidé de rendre public l’affaire (lire sur le club de Mediapart tout son témoignage), racontant

dans les médias locaux ce décès tragique, intervenu dans une région lourdement touchée par le Covid-19. L’homme envisage également de s’associer à des plaintes collectives contre le ministre de la santé et l’ancien directeur de l’ARS Grand Est, limogé le 8 avril.

Depuis cette exposition médiatique, l’établissement a déclaré avoir bénéficié du renfort de deux infirmières d’une clinique voisine, et appelé des aides-soignants et des agents des services hospitaliers pour épauler les équipes de l’Ehpad. « Dans cette nuit absolue depuis le 15 avril, il y a eu un éclairage, les choses ont commencé à bouger. Mais ma mère a été trahie par la République, qui ne lui a pas laissé la chance d’accéder aux soins auxquels elle avait droit. »

Ces deux situations soulèvent la même question : les Ehpad étaient-ils taillés pour faire face à cette crise sanitaire sans précédent ? Ont-ils été suffisamment épaulés ? Suffisamment contrôlés par les autorités de santé ? « Le Covid est arrivé le plus souvent dans  des établissements déjà en grande difficulté », rapporte un médecin, ancien praticien hospitalier de l’ouest de la France, qui intervient dans des maisons de retraite publiques.

Un médecin qui rappelle dans le même temps la complexité de l’exercice : « Nous, les médecins, ne sommes pas des salauds, on  ne  laisse  pas  crever les gens les bras croisés. Mais nous nous sommes aussi posé la question de l’intérêt d’envoyer des patients polypathologiques, très dépendants, n’ayant pour certains plus aucune relation au monde, sur des plateaux techniques, et de faire ainsi entrer le loup dans la bergerie par ces allers-retours entre l’hôpital et l’Ehpad. »

Des directeurs d’Ehpad ont interdit aux médecins traitants d’intervenir

Selon cette autre médecin, réquisitionnée pour venir en renfort dans un Ehpad associatif des Hauts-de- France il y a  trois  semaines,  le  Covid-19  a  fait des ravages chez les résidents là où les équipes, a fortiori médicales, ont été décimées. Rien que pour le dimanche de Pâques, dans cette maison de retraite, trois personnes sont décédées coup sur coup.

« Quand je suis arrivée, raconte-t-elle,  presque  toute la direction était en arrêt maladie, les vacataires étaient omniprésents. On s’est retrouvé avec des infirmiers scolaires venus en renfort, qui ne connaissaient pas du tout les résidents. Or l’absence du personnel habituel peut avoir de gros dommages collatéraux. »

Dans cette maison de retraite gérée par un acteur associatif, le médecin coordonnateur (dont le rôle est d’assurer l’encadrement médical de l’équipe soignante et de conseiller sur le plan gériatrique la direction), est en temps « très partiel », avec parallèlement un cabinet en ville. Sur les sept infirmières titulaires,  six ont été malades. Les médecins traitants, pendant plusieurs semaines, ne sont plus venus. « L’Ehpad    a reçu des directives incompréhensibles, de ne plus laisser rentrer les médecins traitants dans les murs, car ils étaient potentiellement source de Covid. Mais gérer seul 135 résidents, c’est impossible ! »

« L’épisode actuel de pandémie déroge à beaucoup de règles. J’ai ainsi appris que des médecins coordonnateurs travaillent à distance en télétravail, s’insurge Philippe Marissal, médecin intervenant dans une maison de retraite publique, trésorier du premier syndicat des médecins généralistes en France, et président de la Fédération des soins primaires. J’ai appris aussi que des directeurs ne souhaitaient pas voir venir les médecins traitants extérieurs, voire même leur interdisaient l’accès à l’Ehpad… »

Le ministère  de  la  santé  a  effectivement  décidé  de renforcer momentanément le rôle du médecin coordonnateur (lire cette fiche, reprise par de nombreuses ARS), afin de limiter les va-et-vient dans les établissements, l’autorisant à « assurer la prise  en  charge  des  patients  non  graves  à  l’Ehpad  »  et l’orientation des cas sévères et critiques vers le système hospitalier. Sans jamais demander cependant explicitement aux médecins de ville de ne plus rentrer dans les maisons de retraite.

Cette orientation a laissé le champ libre aux directions d’établissement pour que certains médecins coordonnateurs, même malades, même à temps partiel, restent « seuls intervenants et maîtres à bord », déplore Philippe Marissal.

Les médecins coordonnateurs, dont certains ont la charge de plusieurs établissements à la fois (comme nous l’avons raconté dans ce papier), ont eux dit leur sentiment d’être montés au front « sans armes ni munitions » : « Nous n’avons aucun matériel et nous ne sommes pas formés à la médecine de catastrophe », regrettait le 27 mars le docteur Nathalie Maubourguet, présidente de la FFAMCO (Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en Ehpad), dans cet article d’Actu.fr. Certaines ARS, comme dans les Hauts-de-France, ont cependant expliqué avoir financé l’augmentation  du  temps  de  travail  de médecins coordonnateurs, jusque-là embauchés à temps partiel.

À cette difficulté s’est ajoutée celle d’un virus dont les symptômes ont été difficiles à appréhender, surtout chez la population âgée, ce que confirment plusieurs des médecins que nous avons interrogés. Là où le virus s’est introduit en premier, le manque de protections initiales s’est ajouté à l’inconnu sur le plan clinique.

« Des établissements ont essuyé les  plâtres,  avec  des symptômes que personne n’a d’abord reliés au Covid comme des chutes, des diarrhées », explique la professionnelle dans les Hauts-de-France.

« La gériatrie est une médecine de suivi, renchérit son collègue dans le Grand Ouest. Or on a pratiqué dans certains endroits une médecine de pompier. Une pneumopathie, sur une personne âgée, peut se développer sans toux ni fièvre, donc c’est difficile     à détecter surtout lorsqu’on ne connaît pas les patients. »

Difficile à entendre pour les familles qui, pour nombre d’entre elles, ont été tenues éloignées de l’information. Ainsi, Philippe, dont la mère de 86 ans est tombée malade dans un Ehpad associatif en Ardèche, et qui se souvient étonné de la réponse qui lui est faite, le 22 mars, lorsqu’il se rend compte au téléphone que sa mère s’essouffle, avec une toux terrible : « On évite de faire rentrer les médecins dans l’établissement, m’a dit l’infirmière. » Sa mère sera finalement suivie à distance par un médecin de ville, avant d’être hospitalisée puis testée positive au Covid, début avril.

« Je reste extrêmement choquée par ce que j’ai vu dans certains Ehpad, confie Laetitia  (leprénom  a  été modifié), médecin libérale depuis vingt ans. Son activité ayant baissé avec la crise, il était « impensable de ne pas venir en aide ».  À  partir  du  22  avril,  elle est appelée en tant qu’infirmière pour intervenir dans les Ehpad, et en particulier dans l’un des établissements parisiens du groupe DomusVi. « C’est une catastrophe, se souvient-elle. J’y ai travaillé deux jours, de 8 heures à 20 heures. »

Dans le bâtiment où Laetitia est chargée de dispenser les soins et de distribuer les médicaments, elle constate que « les 70 résidents ont été testés mais qu’ils soient contaminés ou pas, ils sont mélangés à tous les étages, dans des chambres mitoyennes ».

La suite du bilan est tout aussi effarante. « Trois infirmières sur quatre  étaient  en  arrêt  de  travail  et donc les intérimaires se relayaient. Ce problème d’effectifs et de changement continuel du personnel fait que les prescriptions n’étaient pas toujours bien suivies. Une résidente avait des antibiotiques qu’elle ne devait pas avoir par exemple. Il y a avait également un problème de matériel. Faute de pansements, certaines escarres n’étaient pas soignées. Nous avons dû confectionner des pansements de fortune. »

« Restés confinés depuis des semaines dans leur chambre », certains résidents « deviennent anxieux  et leurs fonctions cognitives dégringolent. Certains ont été mis en “prévention”, avant d’avoir été testés sous antibiotique, ce qui n’a pas amélioré leur état », déplore Laetitia qui n’a eu « aucune information sur le nombre de décès. C’est une opacité qui interpelle ».

Que savaient les ARS de tels désordres, dans les régions les plus touchées ? Là encore, hormis dans les Hauts-de-France, qui ont affirmé à Mediapart avoir mobilisé la réserve sanitaire dans la région pour les Ehpad « dès la mi-mars », nous n’avons guère eu     de réponses. En Île-de-France, alors que les Ehpad manquaient d’effectif et de compétence pour répondre

à l’épidémie (malgré un communiqué très rassurant le 6 avril sur son site), l’agence régionale de santé     a même tardé à accepter l’aide d’équipes mobiles composées de médecins et d’infirmières.

Informé de cette situation aberrante, dès le 7 avril, le professeur François Boué, chef du service de médecine interne et d’immunologie de l’hôpital Antoine-Béclère à Clamart alerte, par courriel, le Directeur général de la santé (DGS), Jérôme Salomon : « Il y a un réel manque de personnel dans les Ehpad. Il est un peu difficile de savoir qui pilote réellement ça en Île-de-France, même si nous sommes en relation quotidienne avec l’ARS qui nous demande ce que l’on fait et quand en retour je leur demande ce que eux font : blanc… il y a eu un clair retard à l’allumage à ce sujet. »

Son constat ne s’arrête pas là : « Nous avons des médecins généralistes qui proposent à l’ARS de monter des équipes mobiles avec des infirmières pour intervenir dans des Ehpad. Réponse de l’ARS : ce n’est pas encore dans la “doctrine”. »

Ce n’est pas le DGS mais le directeur général de l’ARS Île-de-France, Aurélien Rousseau, qui répond au professeur Boué et cela dix jours plus tard. Il se veut très rassurant : « Près de 2 millions de masques ont été distribués aux Ehpad de la région. » Sur le plan des ressources humaines, « des moyens exceptionnels sont mis à la disposition des Ehpad ». En résumé, tout va bien et pour conclure : « L’agence régionale de santé Île-de-France est, elle, mobilisée, sans discontinuer depuis le premier jour pour enrayer la progression du Covid-19, tout particulièrement chez les personnes âgées qui en sont les premières victimes. »

L’ARS constate des déclarations biaisées des Ehpad

Évacuation d’un corps dans un Ehpad de Mulhouse, le 5 avril 2020. © SEBASTIEN BOZON / AFP

Pourtant, les faits viennent contredire ce bel exercice de communication. Alors qu’à la  date  du  3  avril, on  déplore  déjà   plus   de   1   400   morts   dans  les Ephad, l’ARS Île-de-France refuse l’offre de médecins généralistes d’intervenir en binôme  avec les infirmières au sein des Ephad. Le 6 avril, « on m’a répondu que ce n’était pas dans le “cahier des charges” de l’ARS », déclare Pierre (le prénom a été modifié), médecin en région parisienne.

Ce n’est que le 15 avril, face à l’insistance de plusieurs médecins hospitaliers auprès de la direction de l’ARS, que le soutien de ces équipes mobiles est finalement accepté. Pierre n’en revient toujours pas. « En pleine crise, il était urgent de venir en aide au personnel de ces établissements, qui, pour certains, n’avaient plus de médecins, eux-mêmes contaminés par le virus », explique-t-il.

Très tôt, ce médecin se pose la question des « modalités d’action sur  le  terrain.  N’ayant  plus  de patients se déplaçant à mon cabinet, j’ai appelé des services d’urgence de certains hôpitaux mais ils avaient déjà beaucoup de volontaires ».

Le  17  mars,   au   cours   d’une   réunion   en   région  parisienne  avec  des   médecins   des  services gériatriques, des épidémiologistes et des infectiologues, le problème des Ephad est abordé.

« Nous avons alors réfléchi au dispositif le plus adapté pour répondre à ce qui s’annonçait comme un drame sanitaire. Nous nous sommes organisés entre volontaires. » Les équipes mobiles représentent une quarantaine de médecins et infirmières.

Une fois ces équipes mobiles préparées, « les multiples relances auprès de l’ARS ont été chronophages »,  regrette Pierre qui reste encore « effaré par le refus de cette autorité, censée anticiper et gérer les crises sanitaires ». L’ARS ne leur donne aucune liste d’Ehpad leur permettant d’agir vite. « Nous avons alors constitué notre propre réseau. Nous avons appelé plus de 80 établissements. Et finalement, c’est l’ARS qui nous a demandé de lui faire un retour sur les Ehpad, alors que sa mission est de veiller au bon fonctionnement de ces établissements. »

Le refus initial de l’ARS, ses lenteurs à concéder un timide accord sans pour autant soutenir les médecins volontaires, leur a rendu la tâche difficile, voire inutile.

« Nous sommes arrivés trop tard, à un moment où il y avait déjà six à vingt décès par Ephad. L’urgence était réelle », déplore Pierre.

Le médecin généraliste rappelle également les injonctions contradictoires reçues par les Ehpad.

« Dans un premier temps, les tests des résidents étaient rationnés à trois, faute de tests en nombre suffisant et on leur demandait d’envoyer le moins de personnes possible dans les hôpitaux pour préserver les lits de réanimation, a-t-il pu constater. C’est passé par des protocoles incohérents où l’on mettait, sans même les avoir testés, des résidents sous antibiotiques ou sous perfusion. Certains, confinés dans leur chambre, sont décédés par manque de soins ou à la suite de soins inadaptés. »

Et lorsque les campagnes de tests ont commencé,

« les morts étaient déjà nombreux, dans certains établissements il n’y avait même plus de médecins coordinateurs, eux-mêmes contaminés », rappelle Pierre.

C’est le cas, d’un des Ehpad du groupe Korian dans lequel le médecin généraliste est intervenu. « Il était pourtant de standing mais c’est souvent ces groupes qui ont eu le plus grand manque d’effectif. Et c’est rare qu’ils répondent positivement à nos appels, dit-il. Sur 43 Ehpad que nous avons contactés, seuls trois nous ont demandé de l’aide. Pourtant, et alors que certains nous disaient “tout va bien”, nous savions qu’il y avait des morts ou des besoins d’effectif pour les soins. »

Contacté par Mediapart, le professeur François Boué, de l’hôpital Antoine-Béclère, dans le sud de la région parisienne, ne décolère pas : « Non seulement l’ARS ne s’est pas appuyée sur ces équipes mobiles de médecins de villes et infirmières volontaires, mais elle a demandé aux médecins et infirmières des hôpitaux des expertises coordonnées par un gériatre auprès des Ehpad jugés en grande difficulté, alors que nous étions, nous-mêmes, en flux tendu. »

C’est bien plus tard et seulement à partir de la deuxième quinzaine d’avril, que l’ARS sollicite un certain nombre de services hospitaliers de gériatrie, pour qu’ils coordonnent des équipes de médecins généralistes, d’infirmières hygiénistes et les envoient dans les Ehpad listés comme prioritaires par l’agence sanitaire.

Mais là encore, une fois passé le diagnostic, quels furent les moyens de contrôle de la tutelle sanitaire ? Mediapart a pu se procurer un document de travail interne à l’ARS Île-de-France, daté du 15 avril, et intitulé « Stratégie de soutien hospitalier pour les Ehpad franciliens ». Il est question des modalités de

« détection des Ehpad à soutenir et de la priorisation des interventions ». L’ARS reconnaît que la fragilité de certains Ehpad « était préexistante à l’épidémie  de Covid-19 […] [qui] a probablement déstabilisé un équilibre déjà précaire ».

Afin de définir les « Ehpad à risque », elle se base sur deux données : le taux de mortalité qui, s’il est supérieur de 10 % comparé à celui de 2019, doit être considéré comme un seuil. Et le « taux d’attaque virale » qui est le nombre de cas confirmés ou suspects de contaminés Covid-19 par rapport au nombre de résidents au 1er janvier 2020.

À cela s’ajoutent les « facteurs favorisant » la propagation de l’épidémie, comme les « difficultés de ressources humaines (taux d’absentéisme) » ou « le déficit managérial ».

Mais ainsi que le note l’ARS, concernant les taux de mortalité, « certaines situations [sont] potentiellement difficiles à détecter (biais de déclarations) ». L’agence sanitaire a, donc, déjà connaissance de l’absence de transparence de certains établissements, sur le nombre

de décès transmis. Malgré cette  opacité,  l’agence  ne préconise pas d’inspection, comme, pourtant, le prévoit la mission de son pôle médico-social.

Document de travail interne de l’Agence régionale de santé Ile-de-France, « Stratégie de soutien hospitalier pour les Ehpad franciliens », 15 avril 2020. © ARS Ile-de-France.

En revanche, elle conseille de relever d’autres données, symptomatiques, selon elle, d’une « situation anormale » : le « taux d’hospitalisation anormalement bas en cette période épidémique », « l’absence de réponse aux questionnaires de l’ARS », ou encore « le signalement [fait] par équipes mobiles de gériatrie ».

« L’ARS se base sur des informations qu’elle reconnaît elle-même comme tronquées, explique un professeur en gériatrie qui a préféré garder l’anonymat. Les directions des Ehpad disent souvent que tout va bien. Mais au lieu de se déplacer, l’ARS reste derrière des chiffres qui ne veulent rien dire. »

Pour exemple, il rappelle que le taux d’hospitalisation n’est pas un bon indicateur. Ce taux est resté bas durant des semaines du fait des directives du ministère de la santé qui, le 19 mars, dans une note révélée par Le Canard enchaîné, suggérait de limiter l’admission en réanimation des personnes les plus âgées.

Le professeur François Boué de l’hôpital Antoine- Béclère se rappelle avoir reçu une liste d’Ehpad  jugés prioritaires selon l’ARS, soit « quatre sur une quarantaine d’établissements. Non seulement le faible nombre interpelle. Mais aucun des quatre n’était pertinent. D’autres Ehpad étaient dans une situation bien plus préoccupante. Mais ces informations, contrairement à l’ARS qui se contente de déclaration des directions, nous les  avons  eues  directement, par des alertes des personnels soignants de ces établissements ».

« Ce n’est pas notre rôle d’aller inspecter les Ehpad, précise-t-il. C’est compliqué d’arriver comme des carabiniers. Non seulement, nous n’avons pas les moyens humains pour le faire mais en plus, c’est à  l’ARS de remplir cette tâche. »

« Finalement, c’est souvent nous qui avons informé l’ARS de situations d’urgence que les médecins coordinateurs des établissements nous faisaient remonter », confie François Boué.

Il déplore, également, que les renforts soient arrivés trop tard : « Le personnel soignant comme les résidents avaient été contaminés, et réaliser les tests massifs après la bataille n’a pas servi à grand-chose. »

« On tremble pour nos parents »

On ne peut que s’interroger sur les positions pour    le moins surprenantes de l’ARS, sur ses absences d’inspection à l’intérieur des Ehpad, ou sur le transfert de ses propres missions vers d’autres acteurs. Ultime précaution, l’ARS a pris soin, dans ses recommandations rendues publiques le 17 avril, de faire disparaître tout élément suggérant qu’elle avait bien eu connaissance du manque de transparence sur les décès. Nulle trace des « biais de déclaration » des décès de la part des Ehpad.

La transparence n’est pas non plus toujours de mise auprès des familles. Ambroise Védrines a perdu sa grand-mère, dans un Ehpad de Seine-Saint-Denis.

« Le directeur lui-même a avoué qu’il avait perdu    le contrôle de la situation, avec plus de la moitié du personnel en arrêt, beaucoup d’intérimaires. Cela a manifestement secoué très fort, précise-t-il. Mais ma grand-mère est partie sans souffrir, dans la dignité, grâce à l’intervention d’un médecin de ville. »

Ce qui choque par contre Ambroise, « c’est qu’il n’y ait pas eu de tests, et pas moyen d’aller plus vite pour déceler ce qui n’allait pas », dans une toute petite structure quasiment dépourvue de moyens médicaux.

Dès le 13 avril, alors qu’il apprend que sa grand- mère est malade, il lance des messages de détresse sur Twitter, cherchant à rentrer en contact avec l’ARS Île- de-France, impossible à joindre par téléphone : « Ils ont répondu dans un langage semi-administratif et politique, que des tests allaient arriver… Mais nous avions besoin alors de réponses concrètes. »

Echange de tweets entre le petit-fils d’une résidente d’un Ehpad d’Ile-de-France et l’ARS Ile-de-France

Même canal de discussion et même type de réponse, alors qu’Ambroise Védrines informe l’ARS du décès de sa grand-mère, qui a péri comme une dizaine d’autres résidents dans un établissement d’environ 80 personnes, depuis le début de l’épidémie.

Ailleurs, près de Nancy, c’est ce proche qui, le 6 avril, demande à l’ARS du Grand Est si des tests sont prévus dans l’Ehpad où résident ses deux parents et où un premier décès vient d’avoir lieu. L’établissement se situe non loin de l’Ehpad de Bouxières-aux-Dames où douze résidents sont morts, et le tiers du personnel est testé positif au Covid.

« Le vendredi, j’appelle l’ARS, mais ils sont très durs à joindre, raconte ce proche. Puis j’essaye le samedi matin. Mais c’est le week-end de Pâques et personne ne va nous répondre. Je n’ai finalement l’ARS au bout du fil que le mardi matin et encore, je tombe vraisemblablement sur une plateforme d’appels. On me dit que les mesures ont été mal comprises, et que c’est aux Ehpad de se rapprocher des laboratoires pour mener ses tests… Pendant tout ce temps, on tremble pour nos parents. » Les tests seront finalement effectués plus d’une semaine après, à l’issue de plusieurs échanges d’informations contradictoires et sous la pression des familles.

Les agences de santé, surtout dans les régions où l’épidémie s’est propagée massivement, comme le Grand Est ou l’Île-de-France, ont eu, sans nul doute, fort à faire pour gérer une crise sanitaire sans équivalent. Cette administration décentralisée, bras armé du ministère, a d’ailleurs subi comme les autres une réduction de ses effectifs ces dernières années, tout en devenant l’interlocuteur unique sur le sanitaire pour tout le médical et le médico-social, à l’hôpital et en ville.

Les ARS ont également mené, dans cette crise du coronavirus, leurs actions au gré des directives, très changeantes, du gouvernement, sur les masques, les tests, les règles de confinement…

Elles doivent enfin piloter un véritable paquebot, l’accueil des personnes âgées réparties au sein de 7 000 lieux de vie de France, dans un secteur géré à la    fois par des acteurs publics, associatifs ou privés. Les décisions sont donc loin de s’appliquer partout de la même manière.

Mais ces errements dans les consignes et cette incapacité à répondre alimentent les inquiétudes sur la capacité, voire la volonté de ces mêmes ARS à avoir une vision claire de ce qui se passe derrière les portes fermées des établissements. Dans un point de situation de la préfecture de police de Paris, en date du 9 avril, auquel Mediapart a eu accès, il est par exemple relaté que l’ARS d’Île-de-France indique avoir rappelé les consignes concernant le remplissage des enquêtes et déclarations aux Ehpad. « À ce jour, 62 % des Ehpad ont répondu à l’enquête », souligne le document. Quid des 38 % restants ?

Interrogée sur la viabilité de leurs remontées chiffrées, l’ARS Île-de-France, mais également les ARS Grand Est et Rhône, gros foyers épidémiques, n’ont pas répondu à nos questions. Selon l’ARS Hauts-de- France, également interrogée, la  mise  en  place  de la plateforme Noozavoo (voir notre article sur les chiffres des décès en Ehpad) par Santé publique France a permis « d’avoir une image proche de la réalité des établissements », même s’il peut subsister « quelques écarts sur la manière de déclarer certains décès et leur imputation ou non au Covid-19 » ou à cause « des délais de transmission ».

Michel Parigot, président de l’association Coronavictimes, s’inquiète néanmoins de « l’organisation du silence » qui a longtemps prévalu, favorisé par l’absence de visites des familles dans  les Ehpad, jusqu’à  très  récemment.  «  L’absence  de  transparence  vient  probablement  du  fait  qu’il est difficile  d’assumer  une  situation  que  l’on  a  été incapable de gérer correctement, relève ce militant infatigable, notamment auprès des victimes de l’amiante. On ne peut pas faire porter la responsabilité sur chacun des Ehpad. Or tout le jeu du gouvernement, c’est justement de se reposer sur les autres pour ses erreurs. »

L’association, très remontée sur la perte de chance des personnes âgées, notamment dans son accès au milieu hospitalier, a déposé le 2 avril un référé  liberté concernant le droit des malades atteints par le Covid-19, qui portait notamment sur le droit d’accès aux soins hospitaliers et à la réanimation, le droit à une fin de vie digne et sans souffrance et le droit d’accès à la cause du décès pour les familles. Il concernait plus particulièrement les résidents des Ehpad et les personnes malades laissées à domicile. Une demande rejetée, le 15 avril, par le Conseil d’État.

Boite noire

Nous avons envoyé une série de questions au groupe Domusvi qui ne nous a pas répondu. Nous avons également questionné l’ARS Ile-de-France,  Rhône  et Grand Est, seule l’ARS Hauts-de-France nous a répondu par mail (voir dans l’onglet prolonger sa réponse in extenso).

Les prénoms avec * ont été modifiés.

Prolonger

Les réponses de l’ARS Hauts-de-France à nos questions.

Comment s’est organisé le renfort médical et qui en est le pilote, notamment dans les établissements privés, au cours de cette crise ? Est ce que l’ARS Hauts-de-France a les moyens de s’assurer que chacun des établissements dispose d’un médecin coordonnateur, sachant que nombre d’entre eux sont malades, et que les médecins traitants ne viennent parfois plus ?

Dès les premières semaines de la mobilisation, l’un des enjeux de la réponse sanitaire a consisté à organiser dans les établissements de santé ou médico-sociaux le déploiement de renforts en personnels lorsque cela était nécessaire. L’ARS réalise chaque semaine une enquête auprès des 580 établissements publics et privés de la région pour identifier leurs besoins de renforts médicaux ou para-médicaux.

  • L’ARS a mobilisée dès la mi-mars la réserve sanitaire, pilotée par Santé publique France, pour venir renforcer les Ehpad. Ces renforts ont permis, en particulier dans l’Oise, de répondre aux besoins urgents d’établissements confrontés à la fois à l’épidémie et aux absences de personnel. A titre d’exemple les EHPAD et USLD de Crépy en Vallois ont bénéficié du concours de 3 médecins, 6 infirmières, 16 aides-soignantes et 2 psychologues et 4 personnels administratifs sur la période du 14 au 29 mars.
  • Pour les accompagner dans  la  gestion  de  la crise, l’Agence régionale de santé Hauts-de-France a  conçu  et  diffusé  le  21  mars  aux  EHPAD    de  la  région  un  guide   pratique   rassemblant les recommandations de  gestion  de  l’épidémie  de Coronavirus covid-19, notamment  sur  le  champ RH : organisation territoriale, coordination gériatrique avec le secteur hospitalier, gestion interne des ressources humaines…
  • Le 26 mars, pour venir en aide aux Ehpad, l’ARS a renforcé le dispositif d’accompagnement déjà  mis en place et a  pris  11  mesures  nouvelles pour accentuer la présence médicale auprès des résidents, soutenir les professionnels de santé et les personnels des Ehpad, améliorer  le  parcours de soins des personnes âgées prises en L’ARS finance notamment le renforcement du temps médical dans ces structures, et a fortement déployé les solutions de téléconsultations.
  • L’ARS et la start-up medGO ont lancé le 7/04 dans la région renfort-covid.fr, une plateforme digitale qui permet à des étudiants, professionnels de santé, médico-sociaux et retraités volontaires de venir massivement et rapidement en renfort des établissements de santé et médico-sociaux. Ce dispositif a fait l’objet d’une communication par mail et par téléphone à l’ensemble des Ehpad de la région afin de les inciter à y renseigner leurs besoins éventuels.
  • 72 Ehpad de la région ont bénéficié d’au moins un renfort via ce dispositif.
  • Sur la semaine dernière – du 20 au 26 avril –

45 volontaires ont été mis en relations avec un établissement médico-social.

  • Parallèlement, une « cellule de renfort  RH  »  a  été constituée sein de l’ARS HDF : à partir de la base ministérielle Symbiose, nous contactons des volontaires pour combler les besoins non pourvus à l’hôpital et dans les établissements médico- Nous évaluons par téléphone le profil, les disponibilités et le périmètre d’intervention avant une éventuelle mise en relation avec l’établissement. Durant les 10 premiers jours de la cellule, 300 volontaires ont ainsi été contactés, pour une centaine de mises en relation.
  • Pour aller encore plus loin, et répondre en particulier aux  besoins  des  EHPAD,  l’Agence   a lancé deuxième quinzaine d’avril des cellules départementales actives 7 jours sur 7. Ces cellules travaillent  en  lien  étroit  avec  les  préfectures,  les Conseils départementaux, les CPAM… et permettent  de  recourir  à  des  viviers  tels  que  les services départementaux d’incendie et de secours, médecins et infirmiers de l’Education nationale

Concernant les médecins coordonnateurs

L’ARS  a  permis  aux  Ehpad  des   Hauts-de- France  d’augmenter,  jusqu’à  un   temps   plein, la présence des médecins coordonnateurs, normalement présents à temps partiel. Cette augmentation du temps médical est intégralement financée par l’ARS Hauts-de-France.

Il s’agit d’une des 11 mesures supplémentaires prises par l’ARS Hauts-de-France dès fin mars pour renforcer le dispositif d’accompagnement déjà  mis en place pour les Ehpad et notamment la présence médicale au bénéfice des patients. Parmi ces 11 mesures, l’ARS a rappelé la possibilité offerte à l’ensemble des médecins qui interviennent en Ehpad, y compris les médecins coordonnateurs, d’établir des prescriptions pour les résidents et celles offertes aux pharmaciens de renouveler la distribution de médicaments.

L’ARS a par ailleurs saisi l’URPS médecins libéraux afin qu’elle sollicite des volontaires dans un vivier qu’elle a identifié. 26 médecins interviennent en renfort dans les établissements et 13 supplémentaires sont susceptibles d’intervenir en cas de besoin.

Avez-vous demandé de l’aide pour les Ehpad aux hôpitaux ou médecins de ville ?

Oui. Pour faciliter les accompagnements des EHPAD au sein desquels des résidents sont positifs, l’ARS a organisé avec les hôpitaux des astreintes de médecins gériatres.

En complément, des équipes d’hygiènes hospitalières ont été sollicitées  pour  accompagner et valider les stratégies des EHPAD en matière d’organisation pour limiter le  risque  de  diffusion  du virus dans l’établissement.  Des  mises  en  relation sont par ailleurs possibles entre l’URPS médecins libéraux et des établissements pour l’intervention de médecins généralistes volontaires. Pour venir en aide  aux  Ehpad,  l’ARS  a  renforcé  le dispositif d’accompagnement déjà  mis  en  place et a pris 11 mesures nouvelles pour accentuer la présence médicale auprès  des  résidents,  soutenir  les professionnels de santé et les personnels des Ehpad, améliorer le parcours de soins des personnes âgées prises en charge. L’ARS finance notamment le renforcement du temps médical dans ces structures et a fortement déployé les solutions de téléconsultations.

Le 7 avril, l’ARS et la start-up medGO ont lancé dans la région www.renfort-covid.fr, une plateforme digitale qui permet à des étudiants, professionnels de santé et retraités volontaires de venir massivement   et rapidement en renfort des établissements de santé et médico-sociaux. Ce dispositif a fait l’objet d’une communication par mail et par téléphone à l’ensemble des Ehpad de la région afin de les inciter à y renseigner leurs besoins éventuels. 72 Ehpad de la région  ont  bénéficié  d’au  moins  un  renfort  via ce dispositif. Par exemple sur la semaine du 20 au 26 avril, 45 volontaires ont été mis en relations avec un établissement médico-social.

En complément, l’ARS saisit les URPS médecins libéraux et infirmiers libéraux afin que ces unions de professionnels sollicitent des viviers de volontaires qu’ils ont eux-mêmes identifiés.

Est-ce que les remontées du nombre de contamination et des décès, dans les maisons de retraites, chez les usagers et chez le personnel, sont systématiques dans chacun des établissements ? Pensez vous avoir un tableau fidèle aujourd’hui, après la mise en place de la plateforme de Noozavoo ?

Le signalement d’évènements indésirables graves est une obligation permanente des établissements médico-sociaux. Ces signalements doivent être adressés au point focal de l’ARS, incluant un système d’astreinte7/7 24/24. Ce dispositif reste bien sûr en vigueur pendant la période de crise.

Depuis le 13 mars, en complément du point focal, l’ARS a mis en place un dispositif spécifique pour que les établissements déclarent les malades et décès liés au covid-19. L’outil informatique Voozanoo de Santé publique France est venu par la suite se substituer au dispositif de l’Agence.

L’ARS a contacté l’ensemble des établissements à la mise en place de Voozanoo pour leur demander de renseigner l’outil, et eu un échange téléphonique avec tous les établissements qui n’avait pas renseigné de malades ou de décès, afin de s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un défaut de signalement.

A ce jour, nous estimons que celui-ci permet d’avoir une image proche de la réalité des établissements. Il peut exister quelques écarts sur la manière de déclarer certains décès et leur imputation ou non au Covid-19. A titre d’exemple : un résident en fin de vie, qui a déclaré par ailleurs des symptômes du Covid-19, mais qui n’a pas été testé a pu faire l’objet de déclarations différentes en fonction des établissements. Il peut aussi y avoir un léger décalage dans les délais de transmission.

Là où vous n’avez pas ou peu de remontées, menez- vous des contrôles ou des inspections, est il possible de savoir le nombre de contrôles/inspections sont menés actuellement, par les services de l’ARS ?

Le signalement d’événements indésirables graves est une obligation permanente des établissements médico-sociaux. Ces signalements doivent être adressés au point focal de l’ARS, incluant un système d’astreinte 7/7 24/24. Ce dispositif  reste  bien  sûr  en vigueur pendant la période de crise. Chaque signalement fait l’objet d’une vérification de la part de l’agence et le cas échéant d’une investigation.

Par ailleurs, l’ARS a demandé à chaque établissement de  lui  fournir  son  plan  Bleu  afin  qu’il  puisse être contrôlé et faire l’objet, le cas échéant, de recommandations.

L’ARS a effectué des relances téléphoniques de tous les établissements qui n’avaient pas fait de déclaration dans l’outil Voozanoo pour s’assurer qu’il n’y avait pas de défaut de signalement.

L’ARS HDF téléphone chaque semaine à l’ensemble des 580 Ehpad de la région pour faire un point de situation sur l’évolution du nombre de cas, les besoins en renforts…

Pouvez-vous nous dire le taux de tests dans les Ehpad au 28 avril, du personnel et des usagers, dans votre région ? De nombreux témoignages font encore état de personnes contaminées, voire récemment décédées, sans avoir été testées.

Depuis le début de la crise, la doctrine précise qu’au- delà des 3 premiers résidents positifs, tous les résidents présentant des symptômes sont pris en charge dans les mêmes conditions que les cas confirmés.

La stratégie de tests mise en place vise à ce que chaque Ehpad puisse trouver une solution pour mettre en place un dépistage lorsque cela est nécessaire. Elle est établie selon le principe de subsidiarité et prévoit que :

  • les Ehpad traitent en premier lieu avec leur laboratoire de proximité afin de mettre en place une campagne des prélèvements au sein de la structure, dès la survenue des symptômes chez un résident ou
  • L’ARS Intervient pour les Ehpad pour lesquels le dépistage ne peut être mis en place par le laboratoire habituel. Elle accompagne alors spécifiquement afin de permettre la réalisation de ces tests.

A date, concernant les résidents 5 244 tests ont été réalisés et 3092 sont prévus à très court terme, si on rapporte ces chiffres aux nombres de résidents des 236 Ehpad qui connaissent au moins un cas positif dans Voozanoo, le taux est de 41%. Pour le personnel, 4 308 tests ont été réalisés et 2 710 sont prévus à très court terme. Si on rapporte ces chiffres aux personnels des 236 établissements qui connaissent au moins un cas positif dans Voozanoo, le taux de professionnels testés est de 52%.

Ces taux augmentent chaque semaine, des campagnes de dépistage étant toujours en cours.

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