Mortalité en 2020, année normale ?

ENSEIGNEMENTS DE L’ÉPIDÉMIE

2020, année normale ? Ces étonnantes leçons des chiffres de la mortalité française sur le Covid-19 (comme sur les autres causes de décès)

Avec Laurent Chalard – https://www.atlantico.fr/

Atlantico.fr : Après un pic de mortalité lié à l’expansion de la pandémie de coronavirus dans notre pays, les chiffres de la mortalité sont revenus à la normale depuis le 20 avril. Comment expliquer ces moyennes ?

Laurent Chalard : Effectivement, au premier abord, ces chiffres apparaissent très surprenants puisqu’à la date du 20 avril 2020, l’épidémie était encore très active, avec un nombre, même s’il n’est pas complètement comparable, de 547 décès attribués au covid 19 ce jour-là. Pourtant, l’analyse de l’évolution de la mortalité en France selon les données provisoires de l’état-civil dresse un portrait différent, la mortalité pour le 20 avril étant revenue à peu près à la normale par rapport aux années précédentes, c’est-à-dire 1783 décès en 2020 contre 1762 en 2018 et 1677 en 2019, alors qu’au 1° avril la surmortalité constatée était considérable, de l’ordre de 1000 décès supplémentaires par rapport aux années précédentes, soit 2776 décès en 2020 contre 1782 en 2018 et 1689 en 2019.

Cependant, il faut prendre en compte le fait que les données de l’état civil, réputées pour leur fiabilité, mélangent les décès attribués au covid 19 avec les autres décès. Or, le fait d’avoir un niveau de mortalité au 20 avril qui se rapproche de la normale signifie qu’à côté d’une surmortalité certaine due au covid 19, nous avons une sous-mortalité pour l’ensemble des autres causes de mortalité en France, liée aux conséquences positives du confinement mais aussi à des températures relativement douces pour la saison. Cela se traduit à l’échelle départementale par des baisses sensibles de la mortalité dans les territoires peu touchés par l’épidémie, comme la Dordogne ou le Cantal, où la mortalité s’est réduite de près de 10 % entre le 1° mars et le 20 avril 2020 par rapport à l’année précédente.

Que nous apprend le coronavirus sur les causes de la mortalité en France ?

Cette crise nous montre qu’une partie de la mortalité est évitable, en particulier chez les plus jeunes, où la quasi-totalité des morts prématurés est attribuable à des accidents ou à des suicides. On constate en effet, à l’échelle nationale, a contrario de la tendance générale, une forte diminution de la mortalité chez les moins de 25 ans, beaucoup plus intense chez les jeunes hommes (- 24,1 % entre le 1° mars et le 20 avril 2020), pour deux principales raisons : – un moins grand nombre d’accidents de voiture et plus globalement d’accidents liés à la circulation en-dehors de son domicile, – un moins grand nombre de règlements de compte mortels du fait d’un nombre limité de rixes entre bandes de jeunes ou entre dealers, dans un contexte de quasi-arrêt du trafic de drogue. Par ailleurs, il serait aussi intéressant de vérifier s’il y a eu moins de décès consécutifs d’une overdose, puisqu’on peut faire l’hypothèse que la consommation de drogues a fortement diminué en l’absence d’approvisionnement.

Dans les autres classes d’âge, si la mortalité a augmenté du fait du covid 19, cependant une réduction de la mortalité se constate pour les autres causes, liée, entre autres, à de moindres problèmes cardio-vasculaires (infarctus, AVC), qui sont exacerbés quand les personnes font trop d’exercices. Cela explique pourquoi, malgré un taux de mortalité lié au covid 19 demeurant important le 20 avril, le niveau de la mortalité est quasiment revenu à la normale. Contrairement à ce que certains experts médicaux avancent, il semblerait bien que la chute des hospitalisations pour ce type de pathologie est la conséquence de leur moindre occurrence au sein de la population et non d’une moindre prise en charge médicale car les patients auraient peur de se rendre à l’hôpital.

Quelles leçons devrions-nous retenir de cette pandémie afin de diminuer la mortalité ?

La première leçon, nullement surprenante, concerne le rôle néfaste du trafic de drogue sur la santé des jeunes, que ce soit directement à travers la consommation de stupéfiants ou indirectement à travers la criminalité qu’il engendre. Cependant, il apparaît très difficile de lutter contre cette situation dans un contexte où le pouvoir laisse prospérer les trafics pour assurer la paix sociale dans les quartiers populaires alors que le désenchantement du monde généralisé au sein d’une jeunesse ne trouvant pas un sens à sa vie dans un contexte mercantiliste à l’excès contribue à en accentuer la consommation.

La deuxième leçon, beaucoup plus intéressante, concerne la mortalité liée aux maladies cardio-vasculaires. L’excès d’activité physique et/ou le stress lié au travail sont à l’origine de nombreuses mortes subites, potentiellement évitables si les personnes se comportaient plus raisonnablement, en particulier au sein du sexe masculin. Nous connaissons tous des hommes âgés jouant au malin en faisant des efforts physiques trop intenses pour leur âge, alors qu’ils ne sont plus en état de le faire. Le phénomène est particulièrement accentué au sein des classes populaires, où montrer sa force, quelque que soit son âge, demeure un symbole de virilité. D’ailleurs, l’écart d’espérance de vie entre les hommes et les femmes, de 6 ans en faveur de ces dernières, s’explique essentiellement par ces différences comportementales, qui ont tendance à s’atténuer chez les jeunes générations, à l’origine d’une réduction de l’écart entre les deux sexes ces dernières années. Cette constatation doit pousser notre société à lutter contre les comportements exacerbant la virilité chez les hommes âgées dans l’optique de les protéger de leurs propres excès. Par ailleurs, le stress professionnel constituant un facteur aggravant, il conviendrait de réduire la pression exercée sur les employés, à une époque où le phénomène de « burn-out » est trop largement répandu. Le stress ne conduit pas uniquement à des suicides, chose connue et médiatisée, mais aussi à des pathologies cardio-vasculaires pouvant entraîner la mort, qui ne sont pas reconnues comme des maladies professionnelles et non médiatisées.

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