Le n°35 de Médiacritiques, notre revue trimestrielle, va sortir de l’imprimerie. Un numéro qui revient sur la crise du Covid, avec des articles et des rubriques, des dessins de Colloghan et la Une signée Aurel !
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Dans le petit monde des grands médias, le « monde d’après » ressemble furieusement à celui d’avant. Pendant la crise sanitaire, les pires travers médiatiques ont eu la peau dure, et le rythme des télés en continu a partout dicté ses lois : qu’importe l’information, pourvu qu’on ait le remplissage.
Ainsi ont défilé, sur les chaînes d’information et dans les JT, les « experts » médiatiques affirmant tout et son contraire sur l’épidémie, le temps médiatique court-circuitant celui de la connaissance scientifique (p. 36). À l’instar de Michel Cymès qui, après en avoir minimisé les dangers, s’est permis de brocarder « les Français indisciplinés » vis-à-vis des mesures de confinement (p. 4).
Éditocrates et commentateurs patentés ont également été fidèles au poste. Toujours sûrs de leur fait, jamais à une contradiction près… et le doigt sur la couture lorsqu’il s’agit de défendre l’autorité. Face aux accusations d’impréparation, notamment formulées par les personnels soignants, pas de critique qui vaille : les tenanciers des plateaux ont serré les rangs derrière Emmanuel Macron, autoproclamé « chef de guerre », et intronisé comme tel par l’éditocratie (p. 8).
La crise économique et sociale s’ajoutant au désastre sanitaire, le ballet des économistes à gages a repris. Tous se targuant de penser « l’après », alors même que leurs imprécations libérales, inchangées, étaient battues en brèche par la crise. Pendant le confinement, une poignée d’économistes conseillant le pouvoir a saturé l’espace médiatique, reléguant une nouvelle fois toute pensée alternative ou critique aux marges des débats (p. 12). L’Institut Montaigne, officine financée par les entreprises du CAC40, affirme-t-il que les salariés doivent « travailler plus » pour payer les pots cassés de la crise ? Ses préconisations font le tour des médias (p. 16).
Les injonctions médiatiques au maintien de l’ordre social n’ont, quant à elles, pas manqué pendant la période du confinement. Certains journalistes, comme ceux du Parisien, se sont faits auxiliaires de police, accompagnant la répression redoublée dans les quartiers populaires (p. 30). Des quartiers dont les habitants ont pourtant été « en première ligne » de l’épidémie… Autant de travailleurs « invisibles », soudainement devenus « essentiels », et pourtant cantonnés dans « le fond de panneau de paysage » des grands médias – pour reprendre les termes du regretté Michel Naudy. En particulier dans les magazines féminins, pour lesquels seules les femmes des classes moyennes et supérieures, en télétravail, ont semblé exister… mais dont le sort fut aussitôt scellé sur l’autel des injonctions traditionnelles : soyez belles à tout instant, pour vos conjoints comme pour vos collègues et patrons… et ne faiblissez pas sur les tâches domestiques ! (p. 25)
Bref, rien n’a changé. La crise du Covid aurait pourtant pu être l’occasion d’une vaste remise à plat. Dans la presse écrite, l’écroulement des revenus publicitaires devrait appeler à une remise en cause d’un modèle économique en faillite. Alors que certaines voix s’élèvent pour maintenir à tout prix la domination des grands annonceurs sur la presse, il est urgent de dessiner d’autres modèles, affranchis de la publicité (p. 38). Plus généralement, la spectaculaire déroute de la doxa médiatique libérale aurait dû conduire les thuriféraires du marché… à se taire ! (p. 22) Et, au nom de la décence et du respect du pluralisme les plus élémentaires, à laisser la parole à d’autres voix, dessinant d’autres projets de société. Cela ne se fera pas sans une mobilisation d’ampleur pour bouleverser le système médiatique et promouvoir un modèle d’information libre et indépendante !
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