Coronavirus : Les faillites liées à la crise toucheront aussi des entreprises en bonne santé, alerte l’OFCE

DECROCHAGE La pandémie de Covid-19 expose des entreprises productives à une faillite qu’elles auraient évité dans des circonstances normales, selon l’OFCE.

Catherine Abou El Khair

Le Covid-19 met à terre des entreprises qui étaient pourtant viable économiquement avant la crise (Illustration) — Michael Schüller
  • Le Covid-19 pourrait entraîner 45.000 faillites supplémentaires en 2020, soit un total de 95.000, estime l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
  • Hors crise, ces entreprises n’auraient pas été en difficulté. Certaines d’entre elles, bien qu’elles soient saines, sont rattrapées par leurs problèmes de trésorerie ou d’endettement.
  • Un constat qui conduit l’institut à plaider pour un soutien financier supplémentaire de 8 milliards d’euros, afin d’éviter des faillites liées au Covid-19.

A crise exceptionnelle, faillites hors du commun. D’ici à la fin de l’année 2020, près de 95.000 entreprises risquent de disparaître en France, estime ce vendredi dans une étude l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Selon le scénario « central » de l’observatoire économique, si rien n’est fait, on risque cette année 40.000 défaillances en plus des quelque 55.000 observées entre 1990 et 2016 en moyenne par la Banque de France. Cela concernerait alors 3,2 % des entreprises, soit 1,4 point de pourcentage de plus qu’en temps normal. C’est beaucoup, surtout si l’on compte les 250.000 emplois menacés dans la foulée.

Et dans ces entreprises exposées à la cessation de paiement, on est loin de ne compter que des canards boiteux. La crise affecte aussi des entreprises « productives » dans de graves difficultés, souligne l’OFCE. L’observatoire rattaché à Sciences Po a opéré des simulations sur un fichier d’un million d’entreprises, afin d’évaluer les impacts du Covid-19 sur leurs comptes.

Problèmes de cash pour l’hôtellerie-restauration et la construction

Même si l’activité partielle a permis de limiter fortement la casse, le manque de cash continue d’être un problème pour les entreprises. L’ hôtellerie-restauration en est la première victime. Dans ce secteur, 42 % des entreprises ont des problèmes de liquidité, c’est-à-dire qu’elles n’arrivent pas à faire face à leurs échéances de paiement alors que l’activité, au plus bas, les prive de rentrées d’argent. Suivent les entreprises de services aux ménages (26 %) et de la construction (près de 10 % d’entreprises concernées), où le choc les entraîne dans les mêmes difficultés.

Or sans la crise, une partie de ces entreprises n’auraient pas connu de tels problèmes. L’OFCE établit en effet que dans l’hôtellerie-restauration, la part des entreprises insolvables mais productives est multipliée par 11 avec le Covid. Idem dans la construction.

La santé financière, clé pour la survie

Ainsi, le risque de faillite de « bonnes pousses » existe, « non pas parce qu’elles sont peu efficientes, mais parce qu’elles ont trop peu de réserves », souligne Lionel Nesta, économiste à l’OFCE. Et par-delà les secteurs, qui ont vécu différemment la crise et sont inégalement touchés par la crise économique, « il y a des déterminants propres à l’entreprise et à sa santé financière, qui jouent un rôle central dans sa survie ». Autrement dit : n’importe quelle entreprise peut connaître des difficultés vu l’effondrement de l’économie depuis mars, pour peu que sa santé financière soit fragile, en termes de cash disponible ou d’endettement.

Et, surprise, les grandes entreprises sembleraient aussi fragilisées que les petites. Elles sont 13 % à être confrontées à des problèmes de liquidité, contre 11 % pour les microentreprises et 7 % pour les PME. « Les petites entreprises peuvent entrer en détresse en raison de la rareté des liquidités, alors que les grandes le seraient en raison d’un endettement trop élevé », explique l’OFCE. Et ce, malgré la productivité plus élevée des grandes sociétés, en raison des économies d’échelle qu’elles réalisent.

Des trous dans la raquette

Ces constats conduisent l’OFCE à recommander de nouvelles mesures de soutien aux entreprises pour endiguer la vague de faillites qu’il anticipe faute de nouvelles aides. Celle-ci pourrait arriver dès la rentrée. Car les plans sectoriels qui ont été annoncés ces derniers temps, dédiés à l’aéronautique, l’automobile, le tourisme ou encore la culture, ne vont pas suffire. « Il y a un ensemble de tissus hors des filières qu’il convient d’aider », explique Xavier Ragot, président de l’OFCE.

Et qu’en est-il ailleurs ? La comparaison avec l’Allemagne montre une différence d’approche. Outre-Rhin, les entreprises ayant perdu 60 % de leur activité se sont vues proposer le paiement de 70 % de leurs coûts fixes dans une limite de 150.000 euros. Si la démarche est bonne selon l’OFCE, l’institut reconnaît aussi qu’elle coûte cher (25 milliards d’euros) et n’exclut pas les effets d’aubaine. A l’inverse, le soutien italien, qui a consisté en des allégements d’impôts ou des moratoires sur des charges d’intérêt, lui semble trop maigre et pas de nature à rétablir la solvabilité des entreprises.

8 milliards d’euros de fonds propres

Afin de faire des économies sur ces dépenses, l’enjeu pour le gouvernement serait alors de parvenir à identifier les entreprises réellement viables. Pas facile. A défaut, l’OFCE propose de financer à la demande les entreprises qui ne sont plus solvables. Elles justifieraient alors leur besoin de fonds propres et montreraient patte blanche sur leur gestion passée.

Selon l’observatoire, il faudrait prévoir une dépense supplémentaire de 8 milliards d’euros de fonds propres. Alors que le plan de relance du gouvernement est attendu pour la rentrée, la note à payer pour endiguer la crise n’en finit pas d’augmenter.

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