3.000 personnes, dont de nombreux jeunes, ont répondu mardi à l’appel lancé seulement 24h plus tôt par deux Marseillaises sur les réseaux sociaux. La manifestation contre les violences policières n’était pas autorisée. Elle s’est néanmoins déroulée dans le calme.
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« Quand on a vu que rien n’était prévu à Marseille, on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose ». Lili est une des trois organisatrices du rassemblement marseillais. Cette cadre dans une grande entreprise et Guadeloupéenne d’origine est sensible depuis plusieurs années à la question des violences policières.
Noire de peau, elle dit avoir été régulièrement victime « d’injustices policières » depuis son installation à Marseille, il y a cinq ans. Pendant le confinement, elle a écopé d’une amende pour une attestation mal remplie alors qu’elle revenait de déposer sa fille chez son père.
On sait qu’on risque des amendes ou des garde à vues injustifiées
« Les policiers m’ont dit que je n’avais pas une tête à avoir des enfants. Et que si j’en avais, j’en aurais eu plusieurs. C’était clairement lié à ma couleur de peau », dénonce-t-elle.
« On sait qu’on risque des amendes ou des garde à vues injustifiées. Et que ça peut aller jusqu’à mourir ».
Pas question pour elle de laisser passer la vague d’indignation suscitée par la mort de George Floyd à Minneapolis aux Etats-Unis. L’homme afro américain de 46 ans est décédé le 25 mai dernier lors de son interpellation par la police.
Des manifestations et émeutes ont depuis éclaté dans plusieurs grandes villes, dont New-York et Washington pour dénoncer les violences policières dont les personnes noires disent être les principales victimes.
Même si on n’était que quinze à se réunir, ça valait toujours mieux que zéro.
En France, le combat est relayé par Assa Traoré. Elle est la sœur d’Adama, ce jeune homme de 24 ans décédé en 2016 après son arrestation par les gendarmes. C’est elle qui a appelé au rassemblement parisien, qui a rassemblé 20.000 personnes le 2 juin.
Face à cette mobilisation parisienne, Lili tenait à ce qu’il se passe quelque chose à Marseille. « Même si on n’était que quinze à se réunir, ça valait toujours mieux que zéro ».
Au hasard des réseaux sociaux, elle rencontre Emilie (le prénom a été changé, ndlr). Aucune d’entre elles n’a jamais organisé de manifestation. Elles publient en urgence un appel à manifester… moins d’une journée avant l’horaire prévu pour le début du rassemblement.
Beaucoup de jeunes manifestants
A voir ce mardi 2 juin, la foule rassemblée sous l’ombrière du Vieux-Port, les espérances de Lili et Emilie ont largement été comblée. Les slogans « Pas de justice pas de paix » ou « Police assassins » fusent. Sous les pancartes et les poings dressés, les visages sont très jeunes.
Sur des morceaux de cartons portés à bout de bras, des slogans écrits au marqueur comme « I can’t breathe » (Je ne peux pas respirer, ndlr) font référence au mouvement actuel aux Etats-Unis contre les violences policières. Pour beaucoup c’est leur première manifestation.
Shafiqa, Anrafat et Sarah ont entre 19 et 20 ans. Les trois amies sont venues depuis le 11e arrondissement. « En tant que noires, on se sent concernées par les bavures policières, ce qui est arrivé à Adama ou à Théo », explique Sarah.
Comme ses copines, elle suit depuis plusieurs années le combat de Assa Traoré mais ne s’étaient jamais mobilisées dans la rue. « On a vu à la télé et sur les réseaux sociaux ce qu’il se passe, le mouvement devient mondial, c’est pour ça qu’on s’est motivées à venir ».
La police dénombre 1.800 manifestants dans les rues de Marseille. Notre reporter les estime plutôt à 3.000. Emilie n’est pas étonnée. « Tout le monde était dans les starting-blocks, les gens étaient prêts à descendre dans la rue, on n’a fait que créer le point de rendez-vous ».
Un tabou sur les violences policières
« On a le sentiment qu’en 2020, certains découvrent le sujet des violences policières, analyse Lili. Mais regardez ces jeunes, s’ils sont ici aujourd’hui, c’est que beaucoup ont vécu ces violences ou en ont été témoins. Il y a un tabou sur ces questions ».
Le cortège s’arrête quelques instants, genou à terre, en haut de la Canebière, à deux pas du domicile de Zineb Redouane. L’octogénaire marseillaise est décédée après avoir été percutée par une bombe lacrymogène en fermant ses volets, en marge d’une manifestation contre le logement indigne en décembre 2018.
Les meneurs du rassemblement peine à faire taire les « Zineb, on n’oublie pas, on pardonne pas », pour observer une minute de silence en hommage à la victime.
La manifestation, qui n’est pas autorisée en cette période de déconfinement se poursuit dans le calme jusqu’à la préfecture de police. A nouveau, les manifestants mettent un genou à terre et scandent « justice pour Adama ».
Des lacrymogènes pour disperser la foule
Vers 20h15, les forces de l’ordre font usage une première fois de bombes lacrymogènes pour disperser la foule. Une partie des manifestants reste sur place. Quelques bouteilles sont jetées sur les CRS et un jeune homme décide de grimper sur un des véhicules de police. Il est gazé à plusieurs reprises avant d’être interpellé.
La préfecture de police fait état de cinq interpellations pour outrages, dégradations et violence avec arme par destination et de 12 policiers blessés. Les organisatrices de la manifestation appellent à un nouveau rassemblement le samedi 6 juin, toujours sur le Vieux-Port.
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