RASSEMBLEMENT Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées contre les violences policières devant le palais de justice de Paris à l’appel des proches d’Adama Traoré, décédé après son interpellation en 2016
- Le 19 juillet 2016, le jeune homme de 24 ans est décédé au sein même de la gendarmerie de Persan dans le Val-d’Oise à la suite d’une interpellation musclée.
- Dans ce dossier, les expertises médicales se sont succédées sans pour autant s’accorder.
- La manifestation, interdite par le préfet de police,a réuni plusieurs milliers de personnes. Quelques incidents ont été constatés en début de soirée
Ni le risque sanitaire lié à l’épidémie de coronavirus, ni même l’interdiction de manifester prise en début d’après-midi par le préfet de police, n’aurait pu dissuader Ghyslaine et son amie Armel de se joindre, ce mardi soir, au rassemblement organisé par les proches d’ Adama Traoré, décédé en juillet 2016 dans la gendarmerie de Persan, dans le Val d’Oise, deux heures après son interpellation. « Avec ce qu’il se passe aux Etats-Unis, j’ai l’impression qu’il y a une prise de conscience de ce qu’on vit au quotidien, du racisme dont nous sommes régulièrement victimes de la part des forces de l’ordre, confie cette dernière. Adama, c’est devenu un symbole mais il y en a plein d’autres comme lui. »
19:45 #JusticePourAdama #portedeclichy pic.twitter.com/rDBCxe6vNd
— anne (@_a_nn_e_) June 2, 2020
Malgré un important dispositif de sécurité, ils étaient plusieurs milliers collés-serrés aux abords du palais de justice de Paris pour dénoncer les violences policières. Si le début de la manifestation s’est déroulée dans le calme, des incidents sporadiques ont éclaté en début de soirée: des jets de pierre, des barricades ainsi que le blocage d’une partie du périphérique parisien ont notamment été constatés. Le poste de la police municipale dans la ville voisine de Clichy-la-Garenne a également été endommagé.
Avenue de Clichy , les manifestants commencent à mettre en place des barricades, utilisant vélos et trottinettes. Les forces de l’ordre, comme pour les gilets jaunes, empêchent de sortir du périmètre tout autour de la zone.#ViolencesPolicieres #Paris pic.twitter.com/r1c6C8yysX
— Céline Martelet (@CelineMartelet) June 2, 2020
« On veut les mêmes droits, pas plus, pas moins »
Pour Grâce comme pour son mari, Olivier, cette manifestation est la première. Mais tous les deux décrivent un sentiment de ras-le-bol face aux dérives dont ils sont régulièrement victimes. Lui ne compte plus les contrôles de police, le matin à 6 heures alors qu’il se rend au travail, en sortant du supermarché ou simplement parce qu’il marche dans la rue. « Une fois, je sortais d’un entraînement de hand et un policier m’a visé avec un flashball et m’a dit « ta gueule, sors tes papiers » », se remémore cet habitant de Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines.
« Si on ne l’ouvre pas maintenant, alors que le monde entier dénonce les violences, quand est-ce qu’on le fera ? Et surtout quand est-ce qu’on nous entendra ? », reprend Danik, 22 ans. Le jeune homme, qui se dit passionné par la culture américaine, rêve de partir vivre aux Etats-Unis mais entend mener le combat pour l’égalité en France. « On veut les mêmes droits, pas plus, pas moins, être traités pareil. Aujourd’hui, même si ce n’est pas politiquement correct, il faut le dire, un noir sera toujours moins bien traité qu’un blanc. »
La préfecture a interdit la manifestation cet aprem mais ils sont nombreux à avoir décidé de venir malgré tout. « On ne nous fera pas taire, c’est trop important », explique la maman de cette fillette #AdamaTraore pic.twitter.com/ByxGvfRMNe
— Caroline Politi (@c_politi) June 2, 2020
« Quand on se bat pour George Floyd, on se bat pour Adama Traoré »
Devant le tribunal, ils sont nombreux à établir un parallèle avec l’affaire George Floyd, ce quadragénaire afro-américain décédé à Minneapolis après avoir agonisé pendant huit minutes sous le genou d’un policier blanc. Dans la foule, les pancartes « Black Lives Matter » sont légion. « Aujourd’hui, quand on se bat pour George Floyd, on se bat pour Adama Traoré », insiste, au micro, sa sœur aînée, Assa, rappelant que son frère « a porté le poids des trois gendarmes » avant sa mort, ce qu’a reconnu l’un des militaires. Dans la foule, des milliers de personnes scandent « Stop les crimes racistes », « On n’oublie pas, on ne pardonne pas » ou encore « tout le monde déteste la police ».
Depuis le début de l’affaire, les proches d’Adama Traoré sont convaincus que le placage ventral utilisé ce jour-là, une technique d’intervention légale mais controversée a entraîné une « asphyxie positionnelle » qui lui fut fatale. Mais dans ce dossier, les expertises médicales se sont succédées sans pour autant s’accorder. Vendredi, une nouvelle expertise leur a donné tort. Dans leurs conclusions, les trois médecins estiment que la victime est décédée « d’un œdème cardiogénique ». Sans être catégoriques sur l’origine de cet œdème, ils estiment que l’association d’une maladie rare, la sarcoïdose, d’une pathologie génétique, un trait drépanocytaire, et d’une cardiologie hypertrophique « ont probablement pu y contribuer dans un contexte de stress intense et d’effort physique, sous concentration élevée de tétrahydrocannabinol », le principe actif du cannabis. Mais loin de s’avouer vaincue, la famille Traoré a indiqué ce jour avoir fait réaliser, à partir des autres expertises et de documents médicaux, une nouvelle étude dont les conclusions sont inverses : le plaquage ventral serait à l’origine de l’asphyxie.
Si dans la foule ce mardi soir, beaucoup reconnaissent être un peu perdus dans les multiples rebondissements de ce dossier, tous vouent une admiration à Assa Traoré. « C’est grâce à son énergie et sa détermination qu’Adama est un symbole, elle porte cette cause », s’enthousiasme Djeneba, originaire de Fresnes. La jeune femme espère que le mouvement engagé aux Etats-Unis trouvera un écho en France. « On n’a plus confiance en la justice, on parle toujours des Etats-Unis, mais c’est la même chose ici. Un homme meurt dans un commissariat mais les policiers [il s’agit en réalité de gendarmes] ne sont même pas mis en examen. »
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