Emmanuel Macron avait promis des « surprises »

Le Nouveau Web Média 2019
le 06/07/2020
Emmanuel Macron avait promis des « surprises ». Le nouveau gouvernement annoncé par le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler, lundi 6 juillet, n’en aura réservé qu’une seule : la nomination d’Éric Dupond-Moretti au ministère de la justice. L’avocat médiatique, pourfendeur de ce qu’il appelle « la dictature de la transparence », et qui s’était tristement illustré lors du procès de Georges Tron en s’attaquant vivement aux plaignantes en particulier et aux féministes en général, succède à Nicole Belloubet à la Chancellerie.

Pour le reste, le président de la République a surtout joué aux chaises musicales. Sur les 31 ministres annoncés – 17 femmes et 14 hommes –, 23 participaient déjà au gouvernement d’Édouard Philippe. Plusieurs ont d’ailleurs conservé leur portefeuille, en l’élargissant parfois : Jean-Yves Le Drian au Quai d’Orsay, Florence Parly aux armées, Jean-Michel Blanquer à l’Éducation nationale, la jeunesse et les sports, Bruno Le Maire au ministère de l’économie, des finances et de la relance, Olivier Véran aux solidarités et à la santé, Frédérique Vidal à l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation…

Le nouveau gouvernement conserve exactement les mêmes équilibres politiques que le précédent : Jacqueline Gourault et Marc Fesneau, tous deux proches du patron du MoDem François Bayrou, gardent la cohésion des territoires et les relations au Parlement, le président d’Agir, Franck Riester, est remplacé à la culture par l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy Roselyne Bachelot mais devient ministre délégué auprès du chef de la diplomatie, en charge du commerce extérieur et de l’attractivité.

Sans surprise là encore, Christophe Castaner quitte Beauvau. C’est l’ancien ministre chargé de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin qui lui succède. Ce proche de Nicolas Sarkozy, toujours visé par des investigations concernant une accusation de viol, de harcèlement sexuel et d’abus de confiance – ce n’était « pas un obstacle » à sa nomination, a cru bon de préciser l’Élysée –, obtient là l’un des postes clés du gouvernement. Il prend notamment la charge de la sécurité intérieure, des libertés publiques, de l’immigration, des cultes et de l’organisation des scrutins électoraux.

L’ancien élu Les Républicains (LR) lorgnait sur le ministère de l’intérieur depuis un long moment. Il a beaucoup joué, comme Jean-Michel Blanquer, dans l’inflexion identitaire du président de la République. À Beauvau, il travaillera aux côtés de l’ex-secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, à présent en charge « de la citoyenneté », qui est quant à elle remplacée par Élisabeth Moreno. Originaire du Cap-Vert, et seul visage non blanc du gouvernement, cette dernière était jusqu’alors directrice générale Afrique du groupe Hewlett-Packard (HP).

Pour sa première interview, accordée au « 20 heures » de TF1 vendredi soir, le premier ministre Jean Castex avait donné le ton, en citant trois valeurs auxquelles il se dit attaché : la responsabilité, la laïcité et l’autorité. « Je ne peux pas admettre certains comportements, certaines déviances, certains replis sur soi, certains communautarismes », avait-il développé s’agissant de la deuxième, en mélangeant des sujets qu’Emmanuel Macron avait pris soin de distinguer pendant la campagne présidentielle, avant de sombrer à son tour dans un mélange des genres qui n’a plus grand-chose à envier aux discours de Manuel Valls.

Évitant l’expression maintes fois utilisée de « gouvernement de combat », le président de la République avait quant à lui indiqué dimanche soir, sur Twitter, qu’il souhaitait « un gouvernement de mission et de rassemblement ». En réalité, sa composition ne marque aucune rupture politique et tend au contraire à confirmer la droitisation croissante du chef de l’État et a fortiori de son socle électoral. Tout en envoyant des messages désastreux. L’Union syndicale des magistrats (USM) a d’ailleurs qualifié la nomination d’Éric Dupond-Moretti de « déclaration de guerre ».

Le nouveau garde des Sceaux est aussi un proche de la Sarkozie. Il est notamment très ami avec Thierry Herzog, l’avocat historique de l’ancien président de la République, qui sera, comme son client, jugé en octobre prochain pour « corruption » dans l’affaire dite « Paul Bismuth ». Avec son entrée au gouvernement, mais aussi avec l’arrivée de Jean Castex à Matignon, qui fut secrétaire général adjoint de la présidence de la République de 2011 à 2012, la promotion de Gérald Darmanin à Beauvau, ou encore la présence des anciens ministres Roselyne Bachelot et Bruno Le Maire, les sarkozystes sont désormais en majesté au sein de l’exécutif.

Victime du succès d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) aux municipales, le pouvoir n’aura pas réussi à se verdir. La députée La République en marche (LREM) Barbara Pompili, qui avait déjà occupé le poste de secrétaire d’État chargée de la biodiversité sous François Hollande, est certes nommée ministre de la transition écologique, en remplacement d’Élisabeth Borne, qui récupère le travail, l’emploi et la réinsertion. Mais la nouvelle numéro 3 du gouvernement, qui avait quitté les Verts avec fracas en 2015, n’a pas de bilan significatif à porter à son crédit. Au sein d’EELV, elle représentait plutôt la droite du mouvement écologiste.

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