Emmanuel Macron a annoncé jeudi 2 juillet lors d’une interview donnée à la presse régionale les grandes lignes de la fin de son premier mandat. Plus une continuité qu’un changement de cap. Ce matin, Édouard Philippe annonçait sa démission, immédiatement remplacé au poste de Premier ministre par Jean Castex. Dans les jours à venir, un nouveau gouvernement entrera en fonction pour appliquer sensiblement la même politique qu’avant la crise du Covid-19.
La marque de fabrique du président : le « en même temps ». De droite et de gauche pour la communication, mais clairement très libéral pour sa politique économique, et penchant nettement vers un conservatisme, voire des tendances autoritaires, au fur et à mesure de l’avancée de son mandat. Pour remplacer Édouard Philippe, Emmanuel Macron a nommé un nouveau Premier ministre classé à droite, adossé d’un directeur de cabinet classé à gauche : Nicolas Revel.
« Nous devons collectivement rompre avec ce qui est la maladie française : la préférence pour le chômage. Le modèle français classique, c’est d’accepter des plans sociaux massifs, ensuite d’avoir un système très généreux qui les indemnise » a sermonné le chef de l’État devant un parterre de journalistes de la presse quotidienne régionale, choisis par l’Élysée pour s’adresser aux Français. Un ton quelque peu méprisant pour les millions de personnes qui subissent les affres du chômage ou l’angoisse des plans sociaux. Et qui rappelle le « traverser la rue » de 2018.
En tout cas, rien qui n’indique un changement de cap dans la réforme de l’assurance chômage. Au contraire, l’appréciation d’Emmanuel Macron selon laquelle le système d’indemnisation serait trop généreux laisse présager une absence de mesures réellement rectificatrices, à l’occasion des annonces sur ce dossier, encore retardées, cette fois à la fin du mois de juillet. Ainsi, les demandeurs d’emploi devront probablement continuer à travailler plus longtemps pour ouvrir ou recharger des droits comme le prévoit le premier volet de la réforme entré en vigueur le 1er novembre 2019. De plus, le second volet, celui changeant le calcul des indemnités, retardé au 1er septembre 2020 au lieu du 1er avril 2020, a manifestement peu de chance d’être annulé.
Travailler plus
« Le débat […] autour de la durée du nombre d’années de cotisation dans la vie continue à se poser. Nous ne pouvons pas être un pays qui veut son indépendance, la reconquête sociale, économique et environnementale et être un des pays où on travaille le moins tout au long de la vie en Europe », a répondu Emmanuel Macron à une question sur les 35 heures. Rien de neuf depuis ses discours au moment de la crise des gilets jaunes il y a plus d’un an où il mettait l’accent sur le besoin de travailler plus pour créer de la croissance. Une vraie orthodoxie macroniste. Celle-ci n’a d’ailleurs pas été abandonnée pendant la crise sanitaire. Fin mars, le gouvernement modifiait par ordonnance le Code du travail. Dorénavant et jusqu’à la fin de l’année, la durée hebdomadaire du travail peut grimper à 60 heures, malgré un chômage qui explose.
Autre dossier revenant sur la table : celui des retraites. Un temps enterré, son secrétaire d’État Laurent Pietraszewski mis au « chômage technique » et collé au ministère du Travail, l’entourage du président laisse fuiter depuis des semaines son possible retour par la fenêtre. C’est chose faite officiellement avec l’interview d’Emmanuel Macron : « est-ce que la réforme des retraites est à jeter ? Non ». Il concède de possibles aménagements, mais confirme en même temps ses fondamentaux. Ceux rejetés massivement dans la rue entre décembre et mars.
Outre le retour de la retraite à points, l’autre volet dit paramétrique, c’est-à-dire budgétaire, fait aussi son retour. « Le deuxième sujet, c’est celui des équilibres financiers. Je demanderai au gouvernement de réengager rapidement une concertation en profondeur, dans un dialogue de responsabilité associant les partenaires sociaux dès l’été sur ce volet des équilibres financiers. » L’été et la rentrée s’annoncent tendus, d’autant qu’Emmanuel Macron a clairement signifié que « la question du nombre d’années pendant lesquelles nous cotisons demeure posée ».
Le « progressisme » en berne
Pas d’inflexion politique non plus sur les sujets non économiques. Parmi les priorités du gouvernement à venir : « le rétablissement d’un ordre républicain juste ». Formulé ainsi, mais surtout après ses déclarations sur un séparatisme supposé de celles et ceux qui se sont mobilisés contre les violences policières et le racisme, cela confirme plutôt une tentation de chasser sur les terres de Marine Le Pen, en vue de la présidentielle de 2022. Un retour à l’ordre plutôt que la prise en compte des évolutions et soubresauts de la société. Un peu comme Nicolas Sarkozy avant lui, avec notamment le débat sur l’identité nationale, lancé en préparation de l’échéance de 2012.
Hasard du casting, Jean Castex, le nouveau Premier ministre, est justement un ex-sarkoziste. La campagne de 2022 est peut-être déjà lancée, même si le chef de l’État s’en défend. À moins que les questions sociales ne viennent bousculer les plans jupitériens.
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