Liban: À Beyrouth, le ministère des Affaires étrangères transformé en « quartier général de la révolution »

08/08/2020
Des milliers de Libanais ont crié vengeance contre leurs dirigeants ce samedi à Beyrouth, accusés d’être responsables de la double explosion au port le 4 août.

INTERNATIONAL

08/08/2020 18:28 CEST | Actualisé il y a 2 heures

Liban: À Beyrouth, le ministère des Affaires étrangères transformé en « quartier général de la révolution »

Des milliers de Libanais ont crié vengeance contre leurs dirigeants ce samedi à Beyrouth, accusés d’être responsables de la double explosion au port le 4 août.

EXPLOSIONS À BEYROUTH – Climat d’insurrection au Liban. Des manifestants, menés par des officiers à la retraite, ont pris d’assaut ce samedi 8 août dans la soirée le palais Bustros, siège du ministère des Affaires étrangères à Beyrouth, le proclamant “quartier général de la Révolution”.

Cette initiative, diffusée en direct à la télévision, est intervenue alors que l’attention des forces de sécurité se concentrait depuis plusieurs heures sur le rassemblement de milliers de protestataires dans le centre-ville. Ces derniers demandent des comptes aux autorités pour la gigantesque explosion au port il y a quatre jours, qui a dévasté la capitale et fait au moins 158 morts et 6.000 blessés.

“Nous avons pris le ministère des Affaires étrangères comme quartier général de la Révolution”, a annoncé dans un communiqué, depuis le perron du ministère, le général à la retraite Sami Rammah, devant quelque 200 personnes qui criaient “Révolution”. Il a également appelé “les pays arabes frères, tous les pays amis, la Ligue arabe et l’ONU à considérer notre révolution comme le véritable représentant du peuple libanais”.

PATRICK BAZ / AFP
Un homme évacue un manifestant blessé à Beyrouth ce 8 août 2020.

Selon le dernier bilan transmis aux médias locaux par la Croix-Rouge libanaise, 63 personnes ont été blessées et hospitalisés lors des violences et 175 autres soignées sur place.

Dans la soirée, le Premier ministre, Hassane Diab, a annoncé qu’il allait proposer des élections anticipées “seule sortie possible à la crise structurelle”, ajoutant qu’il était prêt à rester au pouvoir “pendant deux mois”, le temps que les forces politiques s’entendent à ce sujet.

“Vengeance, jusqu’à la chute du régime!”

Brandissant des potences, certains manifestants ont installé des guillotines en bois sur la place des Martyrs à Beyrouth, épicentre d’une contestation qui avait commencé de façon pacifique en octobre 2019, avant de s’essouffler sous les doubles coups de la pandémie de coronavirus et de la crise économique.

“C’est eux ou nous”

Partis du quartier dévasté de Mar Mikhaël, ils ont emprunté les rues jonchées de gravats et de monticules de verre brisé, au milieu des immeubles aux fenêtres éventrées pour rallier le centre-ville. Parfois par une ouverture béante, on aperçoit un lustre en cristal, brinquebalant mais toujours suspendu au plafond.

“Il y a désormais de la haine et du sang entre nous et ce pouvoir”, affirme Najib Farah, un promoteur immobilier de 35 ans. “Les gens veulent se venger, ils ont détruit la ville à cause de leur négligence et leur corruption”. Du centre-ville, on voit les ruines du port où s’est produite mardi l’explosion, qui aurait été provoquée par un énorme dépôt de nitrate d’ammonium.

Pour les Libanais qui ploient sous le poids de la crise économique et politique, l’explosion a été la tragédie de trop: “On n’en peut plus. On est pris en otage, on ne peut pas quitter le pays, on ne peut retirer notre argent des banques, le peuple est en train de crever de faim , il y a plus de deux millions de chômeurs”, dit Médéa Azoury, une manifestante de 46 ans. “Et là, par négligence et à cause de la corruption, il y a 300.000  personnes qui sont sans-abri, Beyrouth a été complètement détruite”, ajoute-t-elle.

“Nous marchons sur les ruines de notre ville”, lâche le jeune homme. “Nous avons dû nous-mêmes déblayer les rues pendant trois jours, alors que l’Etat était absent”, ajoute-il. “Nous sommes toujours sous le choc, mais une chose est sûre: nous allons leur faire payer”.

“On est fatigués. Ils nous ont tout pris, nous n’avons plus ni rêve ni avenir, on n’a plus de dignité, d’argent, ou de maison” affirme Rita, 33 ans, balai à la main. “Rien nous oblige à vivre comme ca, rien”.

Un peu plus loin, vers le siège du Parlement, des groupes de jeunes lancent des pierres et des bâtons, et la police fait usage de gaz lacrymogènes pour les disperser. Les jeunes, les yeux rouges et en larmes, reculent en toussant, mais continuent à crier: “le peuple veut la chute du régime”.

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