Derrière Bridgestone, l’ombre de Whirlpool

AFP21/09/2020

La ministre du travail Elisabeth Borne (g) et la ministre déléguée à l’industrie Agnès Pannier-Runacher (d), s’entretiennent avec des syndicalistes sur le site de l’usine Bridgestone à Béthune, le 21 septembre 2020 ( AFP / DENIS CHARLET )

Concurrence polonaise au sein d’un même groupe, maelstrom de réactions politiques et promesses de « réindustrialisation »: l’annonce de la fermeture de l’usine de pneus Bridgestone de Béthune (Pas-de-Calais) rappelle celle de l’usine de sèche-linge Whirlpool à Amiens en 2017.

« C’est exactement la même histoire! « : pour l’avocat des ex-Whirlpool Fiodor Rilov, les deux groupes, japonais et américain, « ont décidé de ne plus investir pour préparer la fermeture, et cela n’a rien à voir avec leur situation économique ».

Quelque 290 emplois étaient menacés chez Whirlpool à Amiens et la lutte de ces salariés avait donné lieu notamment à une théâtrale passe d’armes sur place entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, en plein entre-deux-tours.

François Ruffin de La France Insoumise répond aux journalistes sur le site de l'usine Bridgestone à Béthune, le 21 septembre 2020 ( AFP / DENIS CHARLET )

François Ruffin de La France Insoumise répond aux journalistes sur le site de l’usine Bridgestone à Béthune, le 21 septembre 2020 ( AFP / DENIS CHARLET )

En janvier 2017, Whirlpool annonçait la fin de la production de sèche-linges à Amiens au profit de Lodz (Pologne). Objectif déclaré: bénéficier de « plus fortes économies d’échelle » et ainsi « sauvegarder la compétitivité ».

Les salariés redoutaient cette annonce après le rachat du fabricant italien d’électroménager Indesit en 2014, générateur de doublons. Le site d’Amiens avait déjà fait l’objet de plusieurs plans sociaux.

En juin 2017, l’offre de reprise d’un entrepreneur picard fourmillant de projets reçoit l’assentiment du comité d’entreprise et l’appui du président de région Xavier Bertrand.

L’Etat verse 2,5 millions d’euros mais la reprise vire rapidement au fiasco. Un an après, l’entreprise est placée en redressement judiciaire. Seuls 44 salariés sont finalement repris par la menuiserie industrielle Ageco Agencement.

« Les accords de méthode, les cabinets de reclassement, les millions dépensés… c’est toujours le même fonctionnement pour se retrouver à la fin, comme nous, avec très peu de CDI et un repreneur complètement foireux », pointe Frédéric Chanterelle, délégué CFDT chez Whirlpool. « Le reclassement va se terminer en novembre et sur 290 salariés, moins de 60 ont retrouvé un CDI, c’est très, très peu ».

Chez Bridgestone, les syndicats dénoncent le tarissement des investissements ces dernières années, qui bénéficient à d’autres sites du groupe comme celui de Poznan (Pologne).

« On commence par transférer la production et ce n’est qu’à partir du moment où le transfert a déjà eu lieu de façon suffisamment importante (…) que l’annonce de la fermeture est faite », analyse Me Rilov.

Dans ces multinationales, « une décision d’investir dans un site n’est jamais prise au niveau local ou même à l’échelle d’un pays, mais, au minimum, à l’échelle d’un continent » constate-t-il.

« On nous a dit +on ferme le site parce que ce que vous produisez, ce n’est plus ce que le consommateur recherche », rapporte Pascal Lefebvre, délégué CFTC de Whirlpool Amiens. « Mais les ouvriers fabriquent ce qu’on leur demande de fabriquer ».

« Ce que je ne voudrais pas, c’est voir justement (avec Bridgestone) la même chose qu’avec Whirlpool » a averti lundi Marine Le Pen, quelques jours après avoir rencontré des salariés de Bridgestone.

« Ceux qui se déplacent cet après-midi (à Béthune), je les ai vus chez Whirlpool (…) venir nous parler de réindustrialisation, de revitalisation, de reclassement, de formation, bla bla bla, ça a été du baratin ! » s’est énervé de son côté le député LFI de la Somme, François Ruffin, qui réclame au gouvernement de « sortir le marché du pneumatique des accords de libre-échange ».

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