Avec plus de 10.000 nouveaux cas et 123 morts en 24 heures, la France enregistre un rebond record de la pandémie de coronavirus depuis mai. Alors que les centres de dépistage sont saturés, le gouvernement refuse de mettre des moyens à la hauteur et assouplit les règles sanitaires pour sauvegarder l’activité économique à tout prix.
samedi 19 septembre
Crédit photo : AFP/Christophe ARCHAMBAUL
[Edit : Selon un article publié a posteriori par Le Figaro, les chiffres communiqués par le ministère de la Santé seraient faussés et correspondraient à une actualisation depuis le 19 juillet dans certaines régions. Cela n’efface cependant pas la réalité : les centres de tests sont très souvent saturés au point qu’une vingtaine d’entre eux se sont mis en grève depuis mardi pour exiger des moyens supplémentaires, et la circulation du virus dans les transports en commun, les écoles et universités tend à croître avec la reprise du travail et la rentrée scolaire, d’autant plus qu’aucun moyen n’a été mis en place pour dépister efficacement la population, fournir des masques gratuits, et permettre le respect des règles de distanciation sociale. Le taux élevé de transmission du virus en Europe inquiète à ce titre l’OMS comme nous l’écrivons dans l’article.]
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, est intervenu jeudi pour défendre la stratégie sanitaire du gouvernement. Alors qu’il a admis que « tous les indicateurs montrent une progression de l’épidémie », le ministre s’est contenté d’un discours vide d’annonces. S’en remettant aux préfets pour prendre des mesures locales « d’ici à samedi », « pour enrayer la circulation du virus et limiter son impact sur le système sanitaire », Olivier Véran a annoncé qu’il faudrait mettre en place une politique de « priorisation des tests » face à l’incapacité des laboratoires pour traiter efficacement l’afflux de patients, et « assouplir les mesures sanitaires dans les écoles et dans les crèches ».
Pour le dire autrement, L’Obs titre : « Les classes ne seront plus fermées pour un seul élève testé positif ».
Olivier Véran: "Il n'y a pas lieu de renvoyer les élèves chez eux, voire de fermer des établissements entiers à la première alerte" pic.twitter.com/cynR8AsMSl
— BFMTV (@BFMTV) September 17, 2020
Pourtant les établissements scolaires sont particulièrement exposés à la circulation du virus, tandis que les masques mis à disposition par le ministère de l’Éducation Nationale aux personnels des écoles primaires et dans le secondaire, sont dans plusieurs régions en tissu et inefficaces de l’aveu même des Agences Régionales de la Santé. Cependant le ministère ne communique pas sur les chiffres, et de nombreux assistants d’éducation dans les collèges et lycées témoignent anonymement de l’omerta imposée par leur hiérarchie lorsqu’ils se révèlent être positifs au Covid-19.
Il s’agit ainsi pour le gouvernement de maintenir les écoles ouvertes le plus longtemps possible, pour permettre aux parents de continuer à travailler, indépendamment des risques. Il répond ainsi aux revendications du grand patronat exprimées par la voix du président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, qui déclarait le 13 septembre dernier sur FranceInfo : « Il faut arriver à vivre avec cette pandémie » et prédit « un effondrement de l’économie en cas de reconfinement » au point que « il n’y aura plus d’argent pour payer la protection sociale ».
Pour ce qui est du dépistage – la seule solution permettant de briser les chaînes de contamination selon l’OMS avec le port du masque –, Jean Castex avait beau fanfaronner la semaine dernière « nous sommes le 3ème pays d’Europe qui teste le plus », quiconque a tenté de se faire tester ces derniers jours aura remarqué que les files d’attente devant les laboratoires sont très souvent interminables, lorsque les centres médicaux ne suspendent tout simplement pas les rendez-vous faute de capacité à continuer les tests. Les résultats se font eux-même attendre plusieurs jours voire une semaine, pendant laquelle les salariés ne peuvent bénéficier d’arrêt de travail, quand bien même ils auraient été en contact avec une personne contaminée.
« Notre plateau technique est capable de faire 1.500 tests par jour et nous sommes à 5.000 », témoigne dans Le Figaro une laborantine, déléguée syndicale CFDT à Biofusion, dans un des 21 laboratoires en grève dans toute la France, où les personnels demandent des augmentations de salaires, l’intégralité de la prime Covid dont ils ont été spoliés, ainsi que des moyens supplémentaires aux frais des groupes pharmaceutiques privés qui engrangent des milliards. Car c’est bien de cela qu’il s’agit et que le gouvernement refuse de faire : mettre des moyens à la hauteur dans la santé au détriment des intérêts des grandes entreprises privées.
Une politique criminelle à l’image de la décision de renvoyer au travail sans aucune garantie sanitaire la grande majorité des personnes vulnérables susceptibles de développer des cas graves de Covid-19. Depuis le 1er septembre, elles et les membres de leurs foyer ne peuvent plus bénéficier des dispositifs de chômage partiel mis en place pendant le confinement.
« Nous serons prêts » en cas de deuxième vague de l’épidémie, promettait pourtant Emmanuel Macron le 14 juillet dernier. Toutefois depuis, rien n’a changé, et le monde d’après ressemble au monde d’avant, en pire. Alors que l’OMS alerte sur le niveau de transmission du virus en Europe, et que le rebond de la pandémie avec un nombre de contamination et de morts ces dernières 24 heures atteint un niveau record depuis le mois de mai, le gouvernement se contente encore et toujours de mesures répressives, à l’image des 45.000 amendes de 135€ distribuées pour non respect du port du masque, dont s’est vanté le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, devant une commission sénatoriale cette semaine… après s’être lui-même fait rabroué par les sénateurs alors qu’il ne portait pas de masque. Pire, contre l’avis de l’OMS, Jean Castex a annoncé le raccourcissement de la période de quartorzaine à sept jours. Tandis que les mesures de distanciation sociale imposées brutalement par la police sont aujourd’hui adossée à une offensive sécuritaire dans les quartiers populaires teintée d’une forte dose d’islamophobie, à l’instar de l’interdiction de fumer la chicha dans les lieux public à Saint-Denis dans le 93 décidée par le maire PS au nom de la lutte contre la propagation du virus.
Aujourd’hui force est de constater que tout dans le discours du gouvernement tend à faire peser la responsabilité de la propagation de l’épidémie sur les individus – en particulier les pauvres – alors qu’aucun moyen n’est déployé tant pour le système de santé public que dans les transports en commun, les écoles ou les universités où la rentrée a été marquée par les images d’amphithéâtre bondés. Dans le même temps, Emmanuel Macron annonce un plan de relance de 100 milliards pour distribuer des cadeaux au grand patronat. Preuve que de l’argent, il y en a et qu’il faudra aller le chercher.
En ce sens, la colère des personnels de santé qui s’est exprimée lors du Ségur de la Santé ou encore dans les grèves actuelles dans les laboratoires sont un point d’appui, de même que la dynamique de droit de retrait collectif dans l’Éducation Nationale qui exigent des moyens à la hauteur des besoins avant de reprendre le travail.
Tout comme pendant la première vague de l’épidémie, cette deuxième démontre une nouvelle fois que le gouvernement et la gestion capitaliste de la crise ne permettraient pas d’enrayer la catastrophe. La solution de fond ne peut venir que d’en bas, d’un rapport de force conséquent pour imposer des moyens supplémentaires dans la santé, des masques gratuits, des centres de test dans les écoles, les universités, les transports et les lieux de travail. De la même manière, la gestion catastrophique par les directions des laboratoires montre que pour un plan rationnel de dépistage, les groupes de santé privés doivent en urgence être nationalisés sans rachat sous contrôle des personnels, dans un système unique, centralisé et public de dépistage à l’échelle nationale. Les personnels de santé les font tourner et prennent des risques tous les jours pour la santé de tous, au mépris de leur directionscomme en témoignent les mots de Nassira Zérouali, infirmière dont les propos sont rapportés par Challenges : « On a besoin d’aide, mais personne ne nous entend. C’est le profit qui est mis en avant par rapport à l’être humain et c’est dommage. ». Si la gestion de la crise repose sur leur dévouement, ce sont eux qui connaissent les besoins, les manques, et ce sont aussi eux qui devraient contrôler les laboratoires, les conditions de travail et les procédés de dépistage, pour qu’à la différence de la première vague, cette fois-ci nos vies priment sur leurs profits.
Cependant l’échec de la journée de grève interprofessionnelle appelée par la CGT jeudi 17 décembre a montré toutes les limites des journées de mobilisation sans lendemain, et de l’absence d’un plan de bataille coordonné pour construire un mouvement de grève à même de faire plier le gouvernement. Elle montre encore encore la nécessité d’un programme qui articule les revendications touchant à la crise sociale et celles ayant trait à la crise sanitaire, sans concession avec le gouvernement et le patronat, pour que ce ne soit pas aux travailleurs et aux classes populaires de payer les conséquences de la casse du système de santé public et de la crise de l’économie capitaliste.
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