Loi Sécurité Globale. Plus de 300.000 personnes prennent la rue contre le projet liberticide de Macron

Plus de 300.000 personnes ont manifesté dans toute la France contre la loi Sécurité Globale. Une mobilisation massive malgré la situation sanitaire qui opère un saut par rapport à la mobilisation de samedi dernier ouvrant ainsi la perspective d’un mouvement de masse face à offensive autoritaire du gouvernement. Un saut qui ouvre la possibilité de mettre un frein au projet liberticide et raciste de Macron qui s’appuyait jusque-là sur l’instrumentalisation des drames de Conflans et de Nice.

Mahdi Adi

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samedi 28 novembre

Crédits photos : . Photo Alain JOCARD/AFP

« On n’est pas qu’entre basané, tout le monde se sent très concerné. C’est plutôt apaisant. » C’est ainsi que Joey Starr, descendu dans la rue comme des centaines de milliers de personnes dans tout le pays, résume avec ses mots la large composition sociale de la manifestation ce samedi. Dans les rues de Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux, Lille, Strasbourg ou encore Chambéry, ce sont des journalistes, des avocats, des cadres, des travailleurs, et surtout des jeunes qui se sont retrouvés dans la rue contre la loi Sécurité Globale et les lois liberticides.

Une manifestation massive qui exprime dans la rue la contestation contre le gouvernement qui s’était d’abord cristallisée autour de l’article 24 de la loi Sécurité Globale, avant de se massifier plus largement avec les révélations des images de violences policières contre Michel Zecler cette semaine. Alors même que la préfecture l’avait interdite, c’est le tribunal administratif de Paris qui a finalement autorisé la marche sous pression de l’opinion publique. Une mobilisation de masse qui ouvre une crise au sein de la pour la macronie qui se voit mis sous très importante pression de sorte qu’Emmanuel Macron s’est vu obligé de se fendre d’un tweet à la veille de la mobilisation au sujet de l’affaire Michel. Un contraste important au regard de la conjoncture plutôt à droite qui prévalait il y a quelques semaines, et surtout de l’offensive raciste, islamophobe et autoritaire qu’Emmanuel Macron et son gouvernement oeuvraient à mettre en oeuvre en instrumentalisant les drame de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice.

L’affaire Michel Zecler fait exploser le bouchon et ouvre une crise en macronie

Et pour cause, depuis la présentation du texte de loi à l’assemblée nationale, le gouvernement marche sur des œufs. Condamnation unanime de l’article 24 par la presse et les associations de défense des droits humains, remue-ménage en interne de LREM pour faire voter le texte à l’assemblée, Darmanin obligé de faire un amendement à l’article, tout était prêt pour que l’affaire Michel Zecler constitue l’étincelle à même d’embraser la mobilisation. Et cela n’a pas manqué.

La vidéo des violences policières racistes subies par le producteur de musique pendant 20 longues minutes a été visionnée plus de 20 millions de fois sur internet. Footballeurs, artistes, politiques, tous ont condamné les actes, à tel point qu’Emmanuel Macron a s’exprimer sur Twitter sur le sujet et que les policiers en question ont été immédiatement suspendus. Une situation inédite pour le gouvernement qui avance à reculons.

La promesse de Jean Castex de mettre sur pied une commission indépendante pour retoquer le très polémique article 24 a eu l’effet inverse de celui escompté : levée de bouclier du président macroniste de l’hémicycle qui y voit un pied de nez aux parlementaires ayant voté le texte. Quant à Gérald Darmanin, les explications qu’il a fourni suite à l’évacuation violente des réfugiés Place de la République à Paris le décrédibilisent davantage qu’autre chose.

Le reporter Rémy Buisine violenté par la police dément avoir été contacté par l’IGPN contrairement à ce qu’a affirmé le ministre jeudi soir, et alors que la police des police a annoncé n’avoir trouvé aucun témoignage, un journaliste d’Arrêt sur Images en a retrouvé plusieurs avec une facilité déconcertante. A tel point que la démission du ministre de l’Intérieur et la révocation du préfet de police de Paris Didier Lallement se pose suffisamment largement pour être reprise en chœur à gauche, tandis que les éditorialistes parlent de crise politique et institutionnelle. Deux ans après le mouvement des Gilets jaunes, il y a comme une impression de déjà vu…

Pour faire plier Macron, construire démocratiquement la mobilisation, élargir les mots d’ordre et éviter les pièges du gouvernement

Avec la mobilisation contre la loi Sécurité Globale, l’offensive sécuritaire du gouvernement prend du plomb dans l’aile. Il faut remonter au mouvement contre les violences policières et le racisme de juin dernier pour voir autant de monde manifester. Des artistes célèbres aux étudiants précaires, c’est la même indignation qui revient face aux violences policières, et a fortiori face à la volonté du gouvernement de renforcer l’impunité de la police et d’invisibiliser les crimes policiers.

Edilson du Collectif Justice pour Olivio Gomes, présent à la manifestation parisienne, raconte : « le cas de Michel, ce n’est pas un cas isolé. On vient de banlieue, et c’est ce qu’on subit depuis tout petit. (…) Et ce qui m’a le plus choqué dans la vidéo de Michel, c’est que quand il est sorti, il y avait des dizaines de policiers qui le regardaient se faire tabasser sans rien dire. Ça veut dire qu’ils sont tous dans le même sac ».

Alors si elle part de là, la mobilisation ne peut se réduire à l’article 24 de la loi Sécurité Globale. Elle est plus sûrement le fruit d’un ras-le-bol face aux politiques autoritaires et anti-sociales du gouvernement. Du confinement répressif et brutal au sentiment de mépris relatif aux provocations de Darmanin, tout y passe. Seulement pour pouvoir aboutir au retrait total de la loi Sécurité Globale et remettre en cause l’appareil policier, se pose la question d’élargir le mouvement tout en évitant le piège des négociations corporatistes avec le gouvernement.

A l’instar des manœuvres du gouvernement pour coopter la coordination d’association de défense des droits humains et d’organisations de journalistes qui a initialement organisé la manifestation de ce samedi. Après avoir été négocier avec Gérald Darmanin mardi dernier le retrait de certains articles du texte de loi, et non le retrait total de la loi Sécurité Globale comme le revendique la rue, puis être revenue partiellement en arrière sur ses velléités de rencontre avec Jean Castex, cette coordination s’est fendue d’un communiqué publié à l’issue de la journée de manifestation. Elle y dénonce les « dégradations et violences » des manifestants ainsi que « les violences contre des policiers place de la Bastille à Paris », et fait l’impasse sur les violences policières subies par les manifestants. Le texte se conclue par un appel à « entendre le peuple » destiné à Emmanuel Macron, donnant ainsi l’illusion que celui qui a commandité la répression des Gilets jaunes et du mouvement contre la réforme des retraites pourrait aujourd’hui satisfaire aux aspirations populaires.

Cela démontre une chose, c’est que pour gagner contre le gouvernement, il est nécessaire que le mouvement se structure démocratiquement à la base pour pouvoir décider de quelle stratégie et quelles revendications adopter pour faire reculer Macron et massifier le mouvement. D’autre part, pour élargir le mouvement, la brèche ouverte dans l’offensive autoritaire et raciste sur lequel Macron a voulu s’appuyer au lendemain de la mort de Samuel Paty, doit servir de levier pour remettre en question plus structurellement le rôle de la police qui tue et qui mutile dans les quartiers populaires, mais aussi l’islamophobie d’État et les attaques contre les droits de la minorité musulmanes prévues par le projet de loi « séparatisme » et déjà matérialisé par la dissolution du CCIF et de BarakaCity par le gouvernement.

Enfin ce sont les directions syndicales qui au delà de leur présence nécessaire ce samedi doivent sortir de leur silence alors même que Macron est aujourd’hui affaibli. Plus en général le mouvement ouvrier, doit prendre toute sa place sur cette question des droits démocratiques et ce d’autant plus que l’offensive autoritaire préventive du gouvernement vise essentiellement le mouvement social. Le monde du travail doit entrer dans la danse et prenne part à la lutte pour défense des droits démocratiques par les méthodes de la lutte de classe, et ainsi construire le rapport de force à même de faire plier Macron. Alors que les manifestations de ce samedi ont montré la possibilité d’un mouvement de masse contre la loi Sécurité Globale, il est nécessaire d’élargir ce front à l’ensemble des lois liberticides et islamophobes du gouvernement en toute indépendance du régime et de ses institutions.

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