Un comparatif auprès de 4 800 volontaires questionne l’intérêt du masque pour celui qui le porte, lorsque la distanciation sociale est respectée. Mais l’objectif et la conclusion de l’étude ont été déformés.
Une étude réalisée au Danemark et publiée mi-novembre dans Annals of Internal Medecine est agitée comme rgument par des internautes antimasques pour montrer l’inefficacité, voire même la nocivité des masques dans la lutte contre le Covid-19. Le vidéaste Silvano Trotta, habitué des contrevérités et des raccourcis trompeurs, écrit ainsi sur Twitter, le 18 novembre :
« Mes amis, voici enfin l’étude danoise sur les masques qu’aucune revue ne voulait publier ! Elle porte sur 6 000 personnes, 3 000 avec masque, 3 000 sans. Aucune différence sur le Covid mais augmentation des infections dans le groupe… masques ! »
Une affirmation malhonnête : en plus d’être fausse (les infections dans le groupe de porteurs de masques sont sensiblement inférieures), elle se trompe sur l’objectif de cette étude, qui visait à évaluer l’intérêt du masque en tant que protection pour le porteur, non pour son entourage. Du reste, les auteurs de cette étude contredisent cette lecture, puisqu’ils estiment que la conclusion à retenir est « qu’il faut porter le masque ».
POURQUOI CETTE LECTURE EST ABUSIVE
L’étude a été réalisée en avril et mai 2020 au Danemark. Les auteurs ont suivi 4 862 volontaires répartis en deux groupes : 2 392 portaient un masque et 2 470 n’en portaient pas (« groupe contrôle »). Au bout d’un mois, un test antigénique, PCR ou encore un diagnostic hospitalier, déterminait si les participants étaient ou avaient été infectés par le SARS-CoV-2.
- Les masques n’ont pas augmenté le risque d’infection
Première limite au discours sur la supposée nocivité des masques : contrairement à ce qu’affirme Silvano Trotta, les infections n’ont pas augmenté dans le groupe des porteurs de masque. La différence est minime d’un point de vue statistique, mais elle existe : 2,1 % des non-masqués ont contracté la maladie, contre 1,8 % des personnes masquées.
- Des réserves méthodologiques sur ses conclusions
Reste la principale conclusion de l’étude danoise : le masque ne protégerait pas, ou de manière statistiquement marginale, son porteur contre le risque d’infection. Cette assertion a été accueillie avec réserve par la communauté scientifique, voire ouvertement critiquée, y compris dans Annals of Internal Medecine, en raison des limites méthodologiques de l’étude, que ses auteurs reconnaissent d’ailleurs.
Second biais méthodologique, qui explique peut-être le précédent : seuls 46 % des participants déclarent avoir porté le masque de la manière recommandée, 47 % ont suivi les recommandations de manière lâche, 7 % ne les ont pas suivies. A l’époque où l’étude est lancée, le port du masque est encore une nouveauté mal maîtrisée en Europe, et de nombreux citoyens portaient par exemple le masque sous le nez (principal point d’entrée du virus).
Enfin, la dernière limite de cette étude tient à la date où elle a été réalisée : un mois après l’entrée en vigueur du confinement danois, qui a commencé le 13 mars et n’a été levé qu’à la mi-mai. C’est dans un pays sous quarantaine depuis plus de quatre semaines, avec des mesures de distanciation sociale respectées, et un taux de reproduction du virus plutôt bas (0,7 début mai), que les données ont été collectées. Ce qui explique en partie pourquoi les taux d’infection sont faibles pour les deux groupes.
Comme le relève l’épidémiologiste australien Gideon Meyerowitz-Katz, « cela signifie qu’on ne peut pas vraiment dire que les masques sont inefficaces, mais plutôt qu’ils ne réduisent pas les cas d’infection significativement quand ils sont ajoutés à la distanciation sociale. »
- Une étude qui évalue les risques d’infection, non de propagation
Contrairement aux lectures antimasques qui sont faites de cette étude, son principal auteur, Henning Bundgaard, s’est très explicitement dit favorable à ce mode de protection dans le Washington Post : « Nous pensons que vous devriez porter un masque au moins pour vous protéger, mais aussi pour protéger les autres. Nous considérons que la conclusion est : il faut porter des masques. » Il considère aussi la différence minime de taux d’infection observée dans leur analyse « est très importante, vu qu’il s’agit d’une maladie potentiellement mortelle ».
Contradiction ? Pas vraiment. Le troisième problème tient à l’interprétation erronée qui est faite de cette étude. Celle-ci se demande « si recommander le port du masque chirurgical pour les travailleurs hors de leur domicile peut réduire le risque d’infection pour eux ». Mais, le texte le stipule noir sur blanc dans sa partie « limites », elle n’est « pas une évaluation de l’efficacité des masques pour empêcher la propagation du virus aux autres ».
Il s’agit pourtant de la principale raison pour laquelle le port du masque est recommandé, depuis que le consensus scientifique s’est formé autour de la transmissibilité du Covid-19 par aérosol. « La science encourage le recours au masque, les études récentes suggérant qu’ils peuvent sauver des vies de différentes manières, rappelait la revue scientifique Nature, en octobre. La recherche montre qu’ils réduisent les chances à la fois de transmettre et d’attraper le coronavirus, et certaines études suggèrent que les masques pourraient réduire la gravité de l’infection en cas de contamination. »
L’efficacité du port du masque réunit en effet un large consensus. Selon une analyse de l’université de Tokyo citée par NHK News, il réduit le risque de propagation entre les personnes – de 17 % au minimum pour un masque en tissu et de 79 % pour un masque N95 (antiparticules avec filtre). Plusieurs études de cas ont confirmé son utilité, comme ces coiffeuses positives au Covid-19, mais qui, grâce au port du masque, n’ont pas contaminé un seul de leurs 139 clients.
En revanche, leur utilité est discutée par les experts dans certaines situations, comme en extérieur dans des lieux peu fréquentés, lorsqu’il pleut, ou si ceux-ci sont de mauvaise qualité.
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