Des centaines de personnes ont marché à Paris en hommage à Cédric Chouviat, un an après sa mort
La famille de cet homme de 42 ans, mort le 3 janvier 2020 à la suite d’un contrôle routier, demande notamment la suspension des quatre policiers mis en cause.
Le Monde avec AFP
Publié le03/01/2021
Un an après le contrôle policier qui a entraîné la mort de Cédric Chouviat à Paris, plusieurs centaines de personnes ont marché, dans le calme et le froid, dimanche 3 janvier après-midi, pour honorer sa mémoire, mais aussi demander la suspension des policiers, dont le maintien en exercice constitue, pour eux, un « scandale ».
« C’est une marche en mémoire de notre fils, de notre père, de notre époux, a déclaré devant les journalistes Christian Chouviat, le père du livreur de 42 ans, avant le départ de la marche. C’est une marche silencieuse, dans le calme, sans bordel. On veut montrer que la famille Chouviat existera toujours. »
Derrière une banderole demandant « Justice pour Cédric », plusieurs centaines de personnes se sont élancées peu après 14 h 15, de la place de l’Uruguay, dans le très chic 16e arrondissement de Paris. Parmi eux, Assa Traoré, des militants d’Attac et de la Ligue des droits de l’homme, les parlementaires de LaFrance insoumise Alexis Corbière et Eric Coquerel, et la sénatrice écologiste Esther Benbassa.
Ils sont arrivés, trois heures plus tard, quai Branly, près de la tour Eiffel, à l’endroit où Cédric Chouviat avait été contrôlé le 3 janvier 2020. Il avait alors été plaqué au sol, son casque de moto sur la tête, ce qui avait provoqué son malaise. Transporté dans un état critique à l’hôpital, il était mort le 5 janvier.
Quatre policiers ont participé à ce contrôle. Trois ont été mis en examen pour « homicide involontaire », tandis qu’une quatrième policière a été placée sous le statut de témoin assisté.
Mes William Bourdon, Vincent Brengarth et Arié Alimi, avocats de la famille Chouviat, ont multiplié depuis un an et sans succès les courriers et interpellations publiques pour obtenir leur suspension. Pour eux, « l’absence de mesure administrative provisoire » à l’encontre des fonctionnaires mis en cause, « incohérente au regard de la terrible gravité des faits, traduit manifestement une tolérance de la part de la hiérarchie, incompréhensible et insupportable pour la famille. »
« Les policiers travaillent encore, nous ne le comprenons pas »
La suspension de ces policiers est « le plus important pour nous », a insisté avant le départ de la marche Christian Chouviat, soulignant que le fait qu’ils n’aient pas été suspendus est « un scandale ». Et la décision « ne dépend que de Gérald Darmanin », le ministre de l’intérieur, a-t-il martelé.
Entourée d’autres familles ou de proches de personnes mortes dans des dossiers où les forces de l’ordre sont mises en cause – comme Babacar Gueye ou Ibrahima Bah –, la mère de Cédric Chouviat, Fatima, a elle aussi demandé leur suspension : « Je ne peux pas accepter que la quatrième policière ne soit que témoin assisté », a-t-elle ajouté. Ces fonctionnaires « travaillent encore et nous ne le comprenons pas ». « On a cette chance que mon fils ait filmé sa mort, on est des privilégiés, si je puis dire, dans notre malheur, a-t-elle encore dit. Cédric nous a laissé toutes les preuves pour le défendre. »
Selon l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), l’un des quatre policiers a pratiqué sur Cédric Chouviat un « étranglement arrière » pour l’amener au sol, une technique controversée dont l’ex-ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, avait annoncé, en juin 2020, l’abandon prochain.
Dans leur compte rendu initial d’intervention, daté du jour des faits et signé par la policière au nom des quatre membres de l’équipage, les fonctionnaires ne faisaient pas état de cet « étranglement arrière ». Mais des vidéos, tournées notamment par la policière et par Cédric Chouviat, ont apporté des éléments déterminants au dossier d’instruction. L’IGPN a ainsi pu établir que M. Chouviat avait déclaré à plusieurs reprises avant son malaise : « J’étouffe. » Elle a aussi établi que les gestes de secours n’ont été pratiqués, comme l’ont relevé les juges, qu’« à l’issue d’une période de flottement relativement longue », malgré « l’état de détresse (…) tout à fait évident » de M. Chouviat.
Interrogés par les juges en juillet 2020, les policiers ont nié avoir perçu les « signes manifestes » de l’asphyxie de M. Chouviat, assurant qu’ils auraient réagi s’ils avaient entendu ses derniers mots. La colère de la famille n’a été que ravivée en juillet, lorsque Gérald Darmanin a déclaré qu’il « s’étouffait » en « entendant le mot “violences policières” ».
Désormais, les juges enquêtent dans plusieurs directions : ils envisagent une reconstitution sonore des événements, afin de déterminer si ces mots de détresse étaient audibles dans le contexte bruyant de la scène.
Un premier rapport d’autopsie avait noté chez M. Chouviat une asphyxie avec « fracture du larynx » ainsi qu’« un état cardiovasculaire antérieur », ouvrant la possibilité que ce dernier élément ait pu jouer un rôle dans la mort du livreur dans un contexte de « stress intense ». Mais une première expertise du cœur rendue à la fin du mois d’août « n’a pas permis de retrouver de lésions pathologiques anciennes ou récentes susceptibles d’interférer avec le devenir immédiat » de la victime.
La marche blanche, sous discrète présence policière, était aussi dirigée contre la proposition de loi « sécurité globale », vivement contestée ces derniers mois lors de manifestations, notamment par les journalistes et les défenseurs des libertés publiques, et sur laquelle le gouvernement a en partie reculé. De nouveaux rassemblements sont d’ailleurs prévus les 16 et 30 janvier contre ce projet de loi.
En fin de marche, et alors que des manifestants chantaient régulièrement « Tout le monde déteste la police », Sofia Chouviat, fille de Cédric Chouviat, a pris le micro pour déclarer : « On ne déteste pas la police, c’est pas vrai (…). On va être plus intelligents. On est contre ceux qui ne respectent pas les lois. »
Le Monde avec AFP
« IL FAUT QUE PERSONNE NE L’OUBLIE »: UN AN APRÈS LA MORT DE CÉDRIC CHOUVIAT, SES PARENTS TÉMOIGNENT
Cyrielle Cabot
BFMTV
Le
Les parents de Cédric Chouviat, mort il y a un an lors d’un contrôle policier à Paris, organisent ce dimanche une marche blanche. Ils réclament de nouveau la suspension des quatre policiers mis en cause.
« Il faut que ni la police, ni la justice, personne n’oublie Cédric. » Il y a un an ce dimanche, Christophe Chouviat, un livreur de 42 ans, est plaqué au sol avec son casque de moto sur la tête lors d’un contrôle policier, provoquant son malaise. Il meurt deux jours plus tard. Ce dimanche, ses parents organisent une marche pour lui rendre hommage ainsi « qu’à toutes les familles de victimes » de violences policières.
« C’est important pour la mémoire de mon fils », poursuit la mère de Cédric Chouviat, Fatima. « Cela va faire un an, il faut qu’on marque le coup. Il faut que ni la police, ni la justice, personne ne l’oublie. »
La suspension des policiers
Si trois des quatre policiers mis en cause dans l’affaire ont été mis en examen pour « homicide involontaire », tous peuvent en effet toujours exercer. Depuis un an, la famille, par le biais de leurs avocats Me William Bourdon, Vincent Brengarth et Arié Alimi, multiplie pourtant sans succès les courriers et interpellations publiques pour obtenir leur suspension. Ce dimanche, elle compte réitérer sa demande. Sur le visuel annonçant la marche, le visage de Cédric Chouviat apparaît ainsi avec ces mots: « Quatre policiers m’ont tué. Moi, mort le 3 janvier. Eux, toujours policiers ».
« On n’est pas là pour faire une révolution dans la rue. On n’en veut pas à la police, on en veut aux meurtriers, on n’en veut aux fracasseurs… », explique sur notre antenne Christian Chouviat, le père de Cédric. « On en veut à ce 1% qui traîne dans la police et qui fout le bordel. C’est ceux-là qu’il faut juger, qu’il faut dénoncer et qu’il faut arrêter. »
« Cédric ne méritait pas ça. Il bossait pour nourrir ses cinq gosses! », poursuit-il. « Il n’a rien fait! », abonde Fatima. « Pour un contrôle inopiné, il s’est fait arrêter, il s’est retrouvé au sol et il en est mort. »
Contre la loi sécurité globale
Cette manifestation visera aussi à s’élever contre la proposition de loi Sécurité globale et notamment son article 24, qui vise à « encadrer » les images des forces de l’ordre et qui a été vivement contestée ces derniers mois lors de manifestations, notamment par les journalistes et les défenseurs des libertés publiques.
« Pour rendre justice à Cédric, on a cette chance qu’il y a énormément de vidéos. Mon fils a tout filmé », explique Fatima Chouviat. « Si la loi sécurité globale passe, on n’a plus rien pour nous défendre. Il ne faut surtout pas qu’elle passe! »
Comme dans le dossier Michel Zecler, un producteur de musique violemment frappé en novembre à Paris par des policiers, ce sont des vidéos, tournées notamment par la policière et par Cédric Chouviat, qui ont apporté des éléments déterminants au dossier d’instruction. C’est ainsi que l’IGPN a pu établir que Cédric Chouviat avait déclaré à plusieurs reprises « j’étouffe » avant son malaise. Elle a aussi établi que les gestes de secours n’ont été pratiqués, comme l’ont relevé les juges, qu' »à l’issue d’une période de flottement relativement longue », malgré « l’état de détresse (…) tout à fait évident » de la victime.
Cyrielle Cabot
Journaliste BFMTV
Marche blanche pour Cédric Chouviat (3 janvier 2021, Paris)
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