Symbole de l’agriculture industrielle, la ferme-usine des mille vaches cesse sa production de lait

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PAR SOPHIE CHAPELLE

Très controversée, la ferme-usine des mille vaches, dans la Somme, a annoncé qu’elle ne produira plus de lait à compter du 1er janvier 2021. Les multiples recours judiciaires portés par une association locale ont eu raison du projet.

« Après dix années de lutte, enfin la victoire. » C’est en ces termes qu’a réagi l’association Novissen (Nos villages se soucient de leur environnement), en pointe du combat contre la ferme-usine des mille vaches dans la Somme. Cette dernière a annoncé le 4 décembre qu’elle ne produira plus de lait à compter du 1er janvier 2021. « Le modèle était viable à mille vaches, mais nous n’avons pas pu l’exploiter en raison des oppositions et des actions juridiques » a précisé la responsable communication [1].

Cette annonce réjouit Novissen qui considère que « l’État de droit a enfin prévalu ». Une décision de justice de la cour d’appel administrative de Douai avait imposé en novembre 2019 le retour aux 500 vaches autorisées, au lieu des 800 exploitées illégalement depuis 2015. « La rentabilité de l’usine à vaches n’étant pas assurée en dessous de mille vaches selon l’exploitant, la seule solution était pour lui de mettre la clé sous la porte », analyse l’association.

Un long combat judiciaire

Le combat de l’association Novissen a débuté il y a bientôt dix ans. Les projets d’exploitation de mille vaches et d’installation d’un pôle de méthanisation sont déposés début 2011. Dès l’automne suivant, l’enquête d’utilité publique préalable à sa construction révèle une forte opposition des habitants. La décision favorable du commissaire-enquêteur conduit à la création de Novissen (lire notre article publié en 2012). Le préfet de région signe un arrêté autorisant un projet limité à 500 vaches, en raison des capacités d’épandage trop faibles. En parallèle aux recours judiciaires lancés par Novissen, des actions pour stopper le chantier, au moins temporairement, se multiplient. Des adhérents de la Confédération paysanne sont notamment poursuivis pour dégradations, vols et recels aggravés à la suite d’une action en septembre 2013. Ils sont condamnés à des amendes et des peines de prison avec sursis.

-Notre reportage en octobre 2014 : Pendant que la justice cautionne l’élevage industriel, les citoyens font le procès de l’agrobusiness

Le site accueille ses premières vaches en septembre 2014 et demande à la préfecture d’étendre le cheptel autorisé à 880 vaches. Après une injonction à revenir à leur limite de 500 bêtes, la préfète de la Somme requiert en août 2015 une sanction administrative – 7800 euros d’amende, 780 euros d’astreintes journalières. L’exploitant obtient gain de cause auprès du tribunal administratif en janvier 2016. À l’appel de Nicolas Hulot, alors ministre de l’Environnement, la cour administrative de Douai condamne l’exploitant en août 2018 pour avoir dépassé le nombre de vaches autorisé – 300 vaches en trop selon un contrôle réalisé en 2015 par la préfecture. Après maintes péripéties judiciaires, la cour administrative d’appel de Douai donne raison aux autorités de l’État en novembre 2019.

« Donner courage à toutes les luttes en cours pour une véritable transition agricole »

Selon la responsable communication de la ferme-usine des mille vache, « tout ce contexte n’offre pas la nécessaire visibilité à moyen terme ». L’activité de cette exploitation devrait être réorientée vers des cultures comme le blé, la betterave, les pommes de terre et les cultures fourragères. Leur collecteur de lait, une coopérative belge, souhaiterait par ailleurs se recentrer sur le lait produit en Belgique. « [Nous avons] dénoncé ce genre de projet comme non-viable dès le début, estime de son côté Novissen. Il implique des investissements énormes qui ne peuvent être amortis que dans une course effrénée à la production. »

Les réactions diffèrent du côté des syndicats agricoles. La FDSEA de la Somme considère cet arrêt de production comme « regrettable ». Elle souligne que la ferme des mille vaches « s’apparentait au final à une ferme « comme les autres, mais 15 fois plus grande ». Dès lors, elle a subi 15 fois plus de pressions, 15 fois plus de difficultés à fonctionner, 15 fois plus de difficulté à commercialiser ses produits ». » Le ton est le même du côté du syndicat des Jeunes agriculteurs de la Somme : « Cette décision de l’arrêt de l’activité laitière de la ferme dite des mille vaches nous contrarie car elle montre que des démarches administratives et de (nombreux) recours juridiques peuvent empêcher des projets d’atteindre leur potentiel économique et donc leur viabilité », a réagi l’organisation.

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La Confédération paysanne a, elle, salué une « victoire majeure » contre « un symbole de l’industrialisation de l’agriculture ». L’association Novissen espère que cette victoire va « donner courage à toutes les luttes en cours pour une véritable transition agricole, pour un élevage respectueux des animaux, de l’environnement, des éleveurs et des consommateurs ».

Sophie Chapelle

Photos : Le procès des opposants au projet d’élevage industriel des mille vaches, le 28 octobre 2014 à Amiens. © Sophie Chapelle

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