Ce lundi se tenait la troisième édition du « sommet social », à l’initiative du gouvernement, dans le but de « préparer la sortie de crise » avec les organisations syndicales et patronales. En faisant passer, d’une main, la réforme de l’assurance chômage, le gouvernement et le patronat cherchent, de l’autre, à calmer la colère en annonçant une nouvelle « prime Macron » et le maintien, revu à la baisse, de certains dispositifs d’aide à l’emploi. Les directions syndicales, en acceptant de négocier des miettes, jouent la mascarade de ce « dialogue social ».
mardi 16 mars
Crédits photo : Sarah Meyssonnier/REUTERS
À l’occasion du troisième « Sommet social », Jean Castex, Elisabeth Borne et Bruno Lemaire se sont réunis avec les organisations syndicales et patronales afin d’adopter un plan de « sortie de crise », avec à l’ordre du jour des mesures visant à combiner restrictions sanitaires et « relance » de l’économie. L’enjeu pour le gouvernement est de préparer l’arrêt des aides économiques en général et, en premier lieu, les mesures d’accompagnement d’urgence mises en place pour soutenir l’emploi des jeunes durant la crise. Selon les termes de Castex, une prochaine concertation devrait être organisée pour discuter « la manière de désarmer progressivement » les aides. Mais il s’agit de préparer le terrain progressivement.
Nouvelle « prime Macron », mesures « d’aide à l’emploi » jeune : des mesurettes pour calmer la colère
À l’issue de ces négociations : une nouvelle « prime Macron » de 1000e pour les bas salaires, le maintien jusqu’au 31 décembre de la « prime apprentissage » et celui jusqu’à l’été prochain de l’aide de 4.000 euros maximum pour l’embauche d’un jeune de moins de 26 ans en CDI ou en CDD d’au moins trois mois. Cette dernière mesure est revue à la baisse, puisqu’elle concerne seulement ceux qui touchent 1,6 et non plus 2 SMIC, selon Les Echos. Au-delà d’être plus qu’insuffisantes, ces mesures restent évidemment subordonnées au bon vouloir des patrons et restent donc avant tout un cadeau qui leur est fait, sans qu’ils n’aient à verser la moindre cotisation sociale ou fiscale et sans aucune contrepartie. Ainsi, aucune « sortie de crise » n’est proposée, si ce n’est celle, pour un temps, du grand patronat français.
Une « sortie de crise », vraiment ?
Cet agenda, imposé par le gouvernement et le Medef, est loin d’être anodin. Avec, d’une part, l’accélération de la situation sanitaire du fait d’une gestion erratique de la crise et, d’autre part, la nécessité de faire passer en force la réforme de l’assurance chômage, il s’agit pour le gouvernement d’imposer la marche à suivre tout en donnant des gages au « dialogue social ».
En annonçant un programme de « sortie de crise », Jean Castex entend montrer que la situation est sous contrôle. « Cela peut sembler paradoxal [alors que] la situation sanitaire reste tendue et incertaine », a-t-il reconnu à l’issue de la réunion selon Les Echos. Mais, a-t-il insisté, c’est « une absolue nécessité » . Ainsi, c’est un plan en trois phases qui ressort des négociations, et la première, ce mois-ci, traitera des « scénarios de levée des restrictions sanitaires » . Pourtant, le même jour, avant que Castex prenne la parole, Macron a annoncé de son côté un revirement dans la politique sanitaire, avec la suspension du vaccin AstraZeneca et de « nouvelles décisions à prendre » dans les jours à venir, en fonction du Conseil de Défense qui aura lieu ce mercredi. À l’opposé de l’assurance affichée par le Premier Ministre, c’est une situation très incertaine que donne à voir le chef de l’État, allant même jusqu’à dire : « Il faut regarder la réalité, le caractère imprévisible du virus, sa dureté ».
Dans le même temps, la colère qui s’organise contre la réforme de l’assurance chômage, en particulier dans le secteur de la culture, est au coeur des enjeux de ce « sommet social ». Comme le rapporte Le Journal du Dimanche, le 14 octobre dernier déjà, dans un courrier commun, les organisations syndicales – CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC – avaient demandé au Premier Ministre d’abandonner le projet de réforme. Mais, sans surprise, cela n’a pas empêché le gouvernement de faire passer cette attaque historique en première lecture à l’Assemblée nationale la semaine dernière. Dans ce contexte, il est central pour le gouvernement de renouer avec les organisations syndicales afin de se montrer prêt à faire des concessions, en guise de « récompense [aux] salariés, usés par un an de crise », comme le souligne Les Echos.
Ainsi, avec la crise sanitaire qui s’approfondit, en particulier en Ile-de-France, et la colère que génère un an de gestion de crise catastrophique couronnée par le passage en force de la réforme de l’assurance chômage, rien ne laisse entrevoir la « sortie de crise » mise en scène par Castex.
La mascarade du « dialogue social »
Dans ce contexte, il est hautement problématique que les directions syndicales consentent à s’asseoir à la table des négociations avec le gouvernement et les organisations patronales, au lieu de chercher à construire un rapport de force sur le terrain de la lutte. Les différents responsables syndicaux qui participent au cadre du « sommet social » sont très conscients de l’impasse que représente ce cadrede négociation, et ce d’autant plus après que la réforme de l’assurance chômage ait été adoptée à l’Assemblée nationale. Cyril Chabanier, président de la CFTC, le résume : « Il n’y a pas une semaine sans rendez-vous avec un ministre, un conseiller, on est associés à tous les sujets. Mais, généralement, 98% des décisions sont prises alors qu’on soir reçus ». Le fait que les différents responsables syndicaux participent à ces négociations, qui ne visent qu’à permettre au gouvernement d’acheter la paix sociale en lâchant des miettes aux travailleurs, relève d’un terrible couteau dans le dos pour ces derniers.
Loin des salons feutrés, depuis nos lieux de travail et dans la rue, il est urgent de construire un véritable rapport de force sur le terrain de la lutte. Comme nous l’écrivions récemment, rien ne pourra être gagné sans qu’un plan de bataille d’ensemble soit préparé et coordonné dans tous les secteurs pour faire reculer le gouvernement, non seulement sur la réforme de l’assurance chômage, mais plus largement contre toutes les attaques visant à faire payer la crise à notre camp social.
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