le 30 mars 2021
Quand on pense à l’Etat menant la guerre aux travailleurs, on pense d’abord à la répression par la police des manifestations ou des grèves. Mais ce n’est en fait que la partie la plus spectaculaire et la plus visible, car il y a une autre manière de mener cette guerre, plus quotidienne, beaucoup plus discrète, voire clandestine : le recours à la “tricoche” dans la lutte des classes. Récemment Le Média a sorti une enquête sur l’affaire Ikea dont le procès se déroule en ce moment. Ikea France est accusé d’avoir enquêté illégalement, dans les années 2000, sur des salariés et des candidats à l’embauche, et d’avoir espionné des employés, en particulier des syndicalistes. Jean-François Paris, directeur de la gestion du risque d’Ikea France faisait appel aux services de Jean-Pierre Fourès, patron d’une officine d’investigations privées, pour lui fournir des renseignements sur des employés ou des candidats jugés suspects par Ikea.
Jean-Pierre Fourès, ancien inspecteur divisionnaire aux RG (renseignements généraux) puis à la DST (direction de la surveillance du territoire) a quitté la police en 1980. Mais y a conservé des amis sur lesquels il s’appuyait pour obtenir les fiches Stic de personnes dont Ikea voulait savoir s’ils avaient par exemple des antécédents de vol ou un passé de syndicaliste.
Consulter le Stic (Système de traitement des infractions constatées), une large base de données du ministère de l’Intérieur, permet non seulement de savoir si une personne a déjà commis une infraction, mais aussi si elle a été placée en garde à vue, ou même simplement victime d’une infraction. Voilà donc un ancien policier reconverti dans le privé qui conserve son réseau de collègues et en joue pour obtenir illégalement des renseignements gentiment stockés par l’Etat dans des fichiers informatisés et centralisés.
C’est cela qu’on appelle une tricoche : sortir crapuleusement notes d’information, PV de police ou données confidentielles sur une instruction en cours. L’affaire Ikea n’est pas une affaire isolée. Ce même Jean-Pierre Fourès a aussi été en contrat avec Quick. Et entre 1997 et 2004, c’est Eurodisney recourait au même procédé, avec la complicité de gendarmes véreux reconvertis dans le renseignement privé après leur départ à la retraite. On pourrait aussi évoquer l’affaire Taser-Besancenot. Dans celle-ci, le recours à la tricoche ne vise pas des syndicalistes en interne, mais une figure politique qui menace limage de l’entreprise.
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