Défiler aux côtés des ténors de l’extrême droite et du ministre de l’Intérieur ce mercredi est une lourde erreur politique, estime la députée communiste. Elle revient à légitimer le constat et les revendications sécuritaires et corporatistes des organisateurs du rassemblement en hommage au policier tué à Avignon.
par Elsa Faucillon, Députée communiste
Je n’irai pas au rassemblement revendicatif à l’appel des syndicats de police ce 19 mai. Plusieurs responsables de gauche ont annoncé leur intention de le faire et cela m’inquiète profondément. Défiler aux côtés des ténors de l’extrême droite et du ministre de l’intérieur est une lourde erreur politique qui revient à légitimer le constat et les revendications des organisateurs de ce rassemblement. L’appel au rassemblement est sans ambiguïté : il ne s’agira pas uniquement d’un hommage au policier Eric Masson, tué au début du mois à Avignon. Je m’associe à chaque hommage républicain à un fonctionnaire de police tombé dans l’exercice de ses missions. Mais il est ici question d’autre chose, d’une approche répressive et sécuritaire qui fait perdre toute perspective d’un projet de liberté et d’égalité. La compétition sordide de chacun contre tous s’exprime sous la forme d’une violence sociale diffuse. Les protections sociales et les services publics tenaient même difficilement la cohésion du pays. Leur démantèlement dessine un avenir incertain et engendre des difficultés quotidiennes.
Dans cette période de délitement de l’ordre social, les projets réactionnaires et racistes, les fanatismes religieux et les économies mafieuses prospèrent. La surenchère sécuritaire n’y peut rien. Depuis des décennies, elle s’est montrée inefficace pour répondre au déchirement du pacte républicain. Elle est un danger quand la force publique est instrumentalisée par les gouvernements successifs pour faire la guerre à «des ennemis intérieurs», pour réprimer les mobilisations populaires. Cette frénésie ronge les libertés publiques et politiques et prépare le terrain pour un ultime basculement autoritaire qui ébranle profondément le régime démocratique.
User des forces de police pour résoudre la crise sociale, les accabler de conditions de travail harassantes et s’en servir de bouclier pour prémunir le pouvoir d’une sanction populaire ne peut qu’envenimer la situation. Le pays comme les quartiers populaires ont besoin d’une autre réponse. La sécurité à laquelle ils aspirent doit protéger contre les accidents du travail qui déciment plus de 500 personnes par an, contre l’instabilité du marché du travail et la descente dans l’enfer de la pauvreté, contre le mal logement, l’endettement, la violence des trafics et des traites et la menace de destruction de l’écosystème. La sécurité ne peut se résumer aux missions de la police sans rater sa cible : la sûreté de toutes et tous dans les voies de son émancipation.
Je ne manifesterai donc pas le 19 mai à l’appel des syndicats de police. Ces organisations, dont certaines se sont illustrées dans des actions factieuses et le déni des violences policières, n’indiquent pas de solution. D’ailleurs ils s’opposent à la venue du ministre de la Justice soulignant leur hostilité à la justice et leur obsession répressive. Au mieux, ils proposent de réagir par des coups d’épée dans l’eau, au pire par la fabrication d’un enfermement qui brise et échoue à réparer. La mobilisation policière du 19 mai, comme les précédentes, se fait sous le seul étendard corporatiste. Protester contre les politiques d’asphyxie du service public de police est légitime et je m’y associe dans la circonscription où je suis élue et où je vis. Mais il ne suffira pas de donner plus de moyens à la police ; il nous faut dire quel service public de police nous voulons. Il ne peut y avoir de politique de sécurité qui ne soit de respect et de justice à l’égard des populations, toutes les populations ; qui ne s’inscrivent dans la devise de notre République, «liberté, égalité et fraternité». C’est cela qui est en danger et qu’il nous faut retrouver. Les policiers y ont leur part s’ils s’y inscrivent. La franchise est de le dire.
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