Victoire des femmes de chambre d’Ibis Batignolles après 22 mois de lutte

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LES PETITES MAINS INVISIBLES

Victoire des femmes de chambre d’Ibis Batignolles après 22 mois de lutte

Depuis le 17 juillet 2019, elles s’étaient engagées dans un combat pour l’amélioration de leurs conditions de travail. Employées du sous-traitant STN, elles ont finalement obtenu gain de cause sur la quasi-totalité de leurs revendications.

lundi 24 mai

Crédits photo : LouizArt

Il y a presque deux ans, les sous-traitantes de l’hôtel Ibis Batignolles, chaîne du groupe hôtelier Accor, entament une lutte sans relâche appuyée par le syndicat CGT-HPE (Hôtels de prestige et économiques). Parmi leurs revendications : revalorisation du salaire, baisse des cadences et changement de qualification avec l’expérience mais surtout internalisation au groupe Accor. En acceptant de sous-traiter une partie du personnel de chambre, le groupe Accor a ainsi privé une quarantaine de femmes des droits accordés aux salariés de l’hôtel. Payées à la chambre et non pas à l’heure, elles étaient contraintes de subir des cadences infernales avec des heures supplémentaires non rémunérées.

Au terme de plus de 22 mois de mobilisation, soit la plus longue lutte menée avec la CGT-HPE, les femmes de chambre de l’Ibis Batignolles ont obtenu satisfaction sur la majorité de leurs revendications notamment sur la baisse des cadences, l’augmentation du salaire mensuel, la requalification en CDI et le doublement de la prime repas. Bien qu’elles n’aient pas obtenu la fin de la sous-traitance par le groupe Accor, il s’agit pour elles d’une victoire et d’un signe d’espoir pour tous les travailleurs précaires.

Se battre contre les discriminations dans un contexte de crise sanitaire

La signature de l’accord entre les représentantes des femmes de chambre et leur employeur, le sous-traitant STN, ce mardi 25 mai signe la fin d’une bataille marquée par des temps forts. En particulier parce que les femmes de chambre de l’Ibis Batignolles ont montré une détermination sans bornes malgré les difficultés liées au contexte de la crise sanitaire. En effet, l’avancée des négociations avec le groupe Accor, déjà peu disposé à faire des compromis, a d’autant plus été ralentie par la crise qui a fortement affecté le secteur hôtelier. Après huit mois de grève, les femmes de chambre ont ainsi été mises en chômage partiel en mars 2020 puis appelées à reprendre le travail en octobre (à l’inverse des employés du groupe Accor selon la CGT-HPE). Ce à quoi elles ont répondu le 19 octobre 2020 en saisissant le Conseil des Prud’hommes pour dénoncer la sous-traitance et la “discrimination syndicale”. Cette décision d’assigner aux prud’hommes leur employeur STN et le groupe Accor est symbolique de la lutte contre la sous-traitance, cœur du système de précarisation des travailleurs. Au-delà des conditions de travail indignes qui leur étaient imposées, les femmes de chambre dénonçaient les pratiques racistes et sexistes de leur employeur qui se servait du fait qu’une majorité d’entre elles était issue de l’immigration et ne maîtrisait pas le français pour abuser d’elles moralement voire sexuellement. Suite à leur victoire, elles ont accepté d’abandonner les poursuites aux Prud’hommes (relancées après un premier jugement défavorable le 26 novembre) et le sous-traitant STN s’est engagé à leur verser une compensation financière à hauteur de plusieurs milliers d’euros.

Sortir du silence en tant que travailleuse racisée

Si les femmes de chambre de l’Ibis Batignolles ont su se faire entendre, c’est aussi par la force de leurs interventions, largement appuyées par le soutien populaire. Les témoignages relayés au travers de la sphère médiatique montrent des femmes déterminées, combatives et inépuisables (notamment lorsqu’elles ont occupé des halls d’hôtels Ibis). Travailleuses invisibles, elles sont sorties de l’ombre pour faire entendre leur voix dans un combat pour la dignité au travail. Au bout de 22 mois, elles étaient encore 20 (contre 23 au début de la grève en juillet 2019) à se démener dans une lutte qui dépassait largement le cadre des revendications liées aux conditions de travail. Elles se sont battues non seulement contre l’exploitation au travail mais aussi contre la double oppression qu’elles subissaient en tant que femmes racisées. Essentielles et souvent travailleuses de première ligne, elles sont pourtant parmi les plus précaires et leur voix, rarement entendues. C’est sûrement pourquoi la lutte de l’Ibis Batignolles est si marquante, parce qu’elle a été portée par des femmes qui de tous temps ont été réduites au silence et à leur seule force de travail. Leur victoire rappelle celle des travailleur.se.s du nettoyage des gares de Paris Nord contre les deux géants ONET et la SNCF à l’hiver 2017, montrant que même les plus grandes multinationales peuvent céder face à la détermination des « invisibles » à « devenir visibles », pour reprendre l’un de leur slogan. Elles aussi, qui ont dénoncé le viol qu’avait subi l’une d’entre elles au sein de l’entreprise doivent avoir droit à leur #Metoo « Nous venons ici pour travailler, nous ne venons pas ici pour faire de l’esclavage, et en plus se faire violer » scandait Rachel gréviste de l’Ibis Batignolle.

Une bataille porteuse d’espoir pour tous les précaires

Finalement, la lutte des femmes de chambre de l’Ibis Batignolles ouvre des perspectives optimistes à l’heure où le contexte sanitaire a démontré la volonté du patronat de faire payer aux salariés le coût de la crise économique qui s’annonce. Dans un moment où les gouvernements articulent leurs discours autour du mot relance, les travailleurs ne sont pas dupes et savent que cela rime avec accélération des cadences et précarisation. En ce sens, il est nécessaire de s’organiser pour revendiquer de meilleures conditions de travail et la victoire de l’Ibis Batignolles a de quoi redonner espoir à ceux qui sont touchés de plein fouet par les réformes patronales et la gestion désastreuse de la crise. Malgré la lenteur des négociations, les femmes de chambre n’ont pas plié et se sont battues jusqu’au bout pour obtenir ce qui leur était dû, on ne peut que saluer la combativité dont les travailleurs font preuve face à des directions méprisantes. On pense par exemple à la grève de l’Infrapôle Paris Nord qui mobilise depuis le 18 janvier des travailleurs qui ne reculeront pas jusqu’à obtenir de meilleures conditions de travail. Des signes d’espoir dans une période où le patronat s’acharne pour faire payer la crise aux travailleurs, pour refuser de payer la crise et où tous ensemble nous devons nous libérer du poids des chaînes du système capitaliste et patriarcal !

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