Une vache qui tire la langue. C’est la sympathique photo qui orne la cagnotte mise en ligne. « C’est Hypnose, une coquine. Elle a été prise en photo par un ancien apprenti » nous raconte Jean-François Gaumain, l’éleveur à l’initiative de cette cagnotte. Ce paysan installé à Anjouin, dans le nord de l’Indre, nous présente chacune de ses 136 vaches et génisses. « Là c’est Lindt, sa maman c’était Bruges » sourit-il en expliquant : « On ne travaille pas au numéro ici, elles ont toutes des noms et on fait des familles, le nom se rapporte toujours à la mère« . Comme Ligloo (année en L), fille de Givrée. Aujourd’hui ce paysan tente par tous les moyens d’éviter l’abattoir à ses bêtes. « Je vous ai contactés car je suis démuni face à la justice, qui nous a placés en liquidation judiciaire et ne se préoccupe pas des animaux. »
Les ennuis financiers de cette ferme démarrent en 2014. « On avait un marchand d’aliments qui nous a proposé un aliment soi-disant révolutionnaire. Il était trop riche en urée… et ça a fait avorter 15 bêtes. » L’éleveur décrit les difficultés qui s’accumulent, l’année 2016 et ses inondations, et ainsi de suite. Lui et son associé finissent par demander un redressement judiciaire, accepté en 2018 pour étaler les dettes. Sauf qu’en 2019, la ferme de la Pensée se retrouve sans trésorerie suite à un prêt accordé puis retiré. « On s’est retrouvé sans trésorerie pour acheter de l’aliment pour les bêtes, donc elles ont baissé en lait. Et plus les vaches baissaient, moins on avait d’argent. Aujourd’hui il y a des bêtes qui sont malades, qui souffrent des sabots et qu’on n’a pas d’argent pour faire soigner, sachant que maintenant, on ne gère plus rien. C’est le mandataire qui décide, qui paye ou qui ne paye pas. » assure Jean-François Gaumain.
Aujourd’hui, les dettes ont dépassé 400.000 euros. Son associé, qui a fait un début d’AVC, a dû partir travailler ailleurs pour subvenir aux besoins de ses trois enfants. Jean-François ne se verse plus de salaire depuis trois ans. « Je n’ai même plus de couverture santé, la CMU m’a été refusée pour une histoire de délai administratif entre la signature et la réception » regrette-t-il. « Je suis sous antidépresseur et c’est ma mère qui doit payer. » L’agriculteur travaille sur la ferme familiale, installée dans le lieu-dit de la Pataudière depuis trois générations, et garde ses deux parents de 95 et 86 ans à domicile. « Je leur ai promis de ne pas les envoyer au mouroir » assure-t-il.
Ce qui le préoccupe le plus aujourd’hui : la date butoir du 5 juillet. Sans repreneur, ses 136 vaches et génisses seront vendues au marché au cadran « pour des cacahuètes car ce sont des vaches laitières » explique Jean-François Gaumain avant de reprendre : « Deux choses me posent problème. La première et la plus importante, c’est l’avenir de mes vaches. Parce que je ne veux pas qu’on les tue. Je veux pas qu’elles aillent à l’abattoir alors qu’elles n’ont rien à y faire. Et la deuxième chose, c’est que les créanciers ne seront pas payés, alors qu’ils m’ont fait confiance. Ça, c’est inadmissible. La justice n’a pas une logique de rembourser les dettes, seulement de clore le dossier. »
Ce ne sont pas des numéros, ce sont mes filles. Elles ont chacune leur caractère. Il suffit que je les appelle et elles me suivent. Si on enlève mes bêtes… je pars avec elles.
Ses vaches, Jean-François Gaumain y tient. « Ce ne sont pas des numéros, ce sont mes filles. Elles ont chacune leur caractère. Il suffit que je les appelle et elles me suivent. Si on enlève mes bêtes… je pars avec elles. Je ne conçois pas qu’on puisse m’enlever mes bêtes pour les emmener à l’abattoir. »
Une cagnotte en ligne
L’agriculteur berrichon a donc lancé une cagnotte en ligne sur Leetchi. « Dans un premier temps, ça permettrait de racheter un peu d’aliments pour les bêtes, de les soigner » et il se prend à rêver d’une autre issue : « Peut-être qu’on pourrait racheter le cheptel… et si les gens répondent assez nombreux, on pourrait peut-être même arrêter la liquidation judiciaire et payer tous les créanciers. » Pour l’instant sa cagnotte stagne (à 1.400 euros à l’écriture de ces lignes), mais elle a déjà ému au-delà de l’Indre. Une habitante de Narbonne, dans l’Aude, a envoyé à l’agriculture 50 euros par la Poste. « J’espère pouvoir lui envoyer des photos quand ça ira mieux. Que pourrais-je lui dire pour l’instant ? Que ça n’a servi à rien ? Quel gâchis… » soupire l’éleveur, qui refuse de baisser les bras.
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