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Par Maurice Szafran le 06.06.2021
EDITO – Auparavant reconnu pour son talent, la puissance Mélenchon s’est amoindrie, le charme ne fonctionne plus; le républicain de gauche s’est mué en gauchiste.
Alors qu’il avait obtenu près de 19% des voix au premier tour de l’élection présidentielle de 2017, Jean-Luc Mélenchon ne dépasse pas une dizaine de points dans les sondages d’intention de vote pour le premier tour de 2022.
C’était il y a quatre ans seulement, avant et pendant la campagne présidentielle 2017. La cohorte des observateurs, journalistes, éditorialistes, spécialistes de la chose politique et, beaucoup plus important, des millions de Français, saluaient, d’accord ou pas avec lui, le talent de Jean-Luc Mélenchon. Orateur d’exception dans la veine de Jaurès et de Mitterrand – rien que ça-, capable d’expliquer en quoi ses propositions se rattachaient aux principaux épisodes, aux grands courants, de notre histoire nationale, n’hésitant jamais à se référer aux philosophes sans pour autant verser dans quelque forme que ce soit de cuistrerie. Mélenchon nous réconciliait avec la politique.
Que s’est-il passé qui puisse expliquer cette déroute annoncée?
Destruction de l’intérieur
Sans doute suffit-il de regarder, d’écouter, de lire Mélenchon pour comprendre, en partie au moins. Jusque ces dernières années, son parcours fut plutôt linéaire, déchiffrable: un républicain de gauche, un laïque de (très) stricte obédience, un « bouffeur de curé » selon l’expression consacrée, un adorateur de François Mitterrand, déchaîné, pour de bonnes et de mauvaises raisons, contre « son » parti, le PS et qui s’en est donc allé, qui a rompu, pour mettre sur pied sa propre « boutique ». Une démarche à la fois cohérente et courageuse. Mais le Mélenchon d’aujourd’hui ne partage plus grand chose avec le Mélenchon « d’origine »: le républicain de gauche s’est mué en gauchiste, parfois exalté et, fréquemment incompréhensible (empêtré dans un vocabulaire incompréhensible à propos de l’écologie par exemple), défaut rédhibitoire en politique puisqu’il fait fuir les électeurs.
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Dénonciation d’une police systématiquement violente, à la limite d’un racisme systémique- ce qui n’est pas vrai. Récrimination en boucle contre une justice par définition « à la botte » du pouvoir. Diabolisation de Macron, cet agent du « grand capital et de la finance internationale »- vocabulaire partagé avec l’extrême-droite.
Soutien inconditionnel à ceux qui, à l’université en particulier, conceptualisent et promeuvent l’ idéologie « islamo-gauchiste » et la « nouvelle pensée anti-coloniale », cette machine à détruire la gauche de l’intérieur en provoquant une guerre civile culturelle, conceptuelle, entre les « universalistes » et les tenants des renfermements identitaires, raciaux ou religieux. En cela, en mettant le feu, puis en alimentant ce feu, Jean-Luc Mélenchon donne raison à son ennemi juré Manuel Valls qui avait énoncé le concept des « deux gauches irréconciliables ». Le Fidel Castro de la France Insoumise fait tout pour qu’il en soit ainsi, construisant de la sorte, avec soin et détermination, sa propre déroute au prochain scrutin présidentiel.
Suicidaire, Mélenchon? Perdu plutôt. Portant beau, mais bel et bien paumé, dérouté par les évolutions d’une société française « droitisée » et « extrême-droitisée », n’osant pas s’opposer à toutes les puissances communautaristes et affiliées qui visent à s’emparer du pouvoir universitaire, soumis à la « nouvelle gauche américaine »- rien de commun avec celle Michel Rocard- cette « nouvelle gauche américaine » pour qui la laïcité « à la française », ne vaut pas mieux qu’une statue maudite à détruire, à mettre en pièces à grands coups de burin.
Voilà ce qui est advenu de Jean-Luc Mélenchon. Cette destruction de l’intérieur n’a rien de réjouissant.
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Mélenchon, kamikaze de la politique
Car l’histoire n’était pas écrite. Mélenchon, après la victoire d’Emmanuel Macron, aurait pu s’emparer de la prédiction de Valls pour la retourner en sa faveur et s’imposer comme le « réconciliateur » des gauches, et non pas tel celui qui contribue à les effacer pour plusieurs générations. Il aurait pu prendre exemple sur son « maître » Mitterrand- réunir, réconcilier, construire un programme et un appareil politique pour retrouver, un jour, bientôt, le pouvoir. Il a choisi l’inverse, l’implosion. Mélenchon, le kamikaze de la politique! Cette démarche irresponsable aurait pu prêter à l’indifférence ou au sourire si…
Si une idéologie authentiquement néo-fasciste et populistes ne gangrénait pas une frange des médias, donc des citoyens.
Si, dans quelques jours, le Rassemblement national n’était peut être pas sur le point de s’emparer de la région Sud- Nice, Marseille, Toulon, Avignon, Cannes- avec un retentissement international, l’extrême-droite aux portes du pouvoir en France, le pays des Lumières.
Si, dans quelques mois, Marine le Pen ne se qualifiait pas pour le second tour de la présidentielle avec, cette fois, une (petite) possibilité de victoire. Mélenchon a d’ailleurs sa part de responsabilité dans cette hypothèse: il a tant diabolisé Macron que « ses » électeurs indiquent aujourd’hui qu’il ne choisiront pas au second tour entre le sortant et l’héritière Le Pen, faisant ainsi le jeu de cette dernière.
Rien de tout cela ne semble pourtant émouvoir Jean-Luc Mélenchon. Curieux.
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