[ad_1] 2021-06-15 09:22:52 https://reporterre.net//
Ouvrir une ligne de train, soutenir l’agriculture bio, financer la production d’énergie renouvelable… Autant de sujets sur lesquels les régions peuvent agir directement. Les dix-huit collectivités françaises (dont treize en métropole) disposent d’ « un vrai pouvoir pour mettre en œuvre une politique écologique », estime le Réseau Action Climat. À l’inverse, certains dirigeants régionaux ont pu mener des politiques climaticides, subventionnant canons à neige, chasse et projets autoroutiers. D’après l’EnviroScore, au cours du dernier mandat, très peu de collectivités ont effectivement lutté contre la crise climatique : « Une seule région atteint la moyenne : le Grand Est [1], peut-on lire sur le site de l’Observatoire de la transition écologique des territoires, qui a évalué l’action publique environnementale des treize entités métropolitaines. Cinq régions ont un score inférieur à 7/20 ! Des progrès sont nécessaires et urgents. » L’environnement sera ainsi, à juste titre, un des enjeux clés du scrutin des 20 et 27 juin.
« C’est un excellent échelon pour mettre en œuvre la transition écologique, affirme Marie-Christine Blandin, ancienne présidente EELV de la région Nord-Pas-de-Calais, qui raconte son expérience dans un livre publié en avril. Il s’agit d’une échelle conséquente — le Nord-Pas-de-Calais équivalait en surface le Danemark — mais qui reste suffisamment proche des particularités du territoire ». Un « excellent échelon » qui reste cependant méconnu selon Charles-Adrien Louis, consultant au sein du cabinet BL Évolution : « La région reste un organe loin des gens », dit-il à Reporterre. Et d’autant plus que ses leviers d’action sont multiples et complexes. « Elle a un rôle de cheffe de file sur la biodiversité, la qualité de l’air ou l’efficacité énergétique, dit Zoé Lavocat, chargée de mission au Réseau Action Climat. Derrière ce mot-valise difficile à saisir se cache un rôle essentiel : c’est à la région de faire en sorte que tous les acteurs d’un territoire se saisissent de la question, en créant des réseaux, de la formation, des espaces dédiés… »
« Les régions gèrent des aides européennes et nationales significatives. »
Plus prosaïquement, poursuit la chargée de mission, « elles sont d’importants financeurs de la transition écologique » : « Les régions gèrent des aides européennes et nationales significatives, notamment celles de la Politique agricole commune et du plan de relance. Ce sont des milliards d’euros à redistribuer, et elles ont une marge de manœuvre pour flécher ces aides vers des pratiques écologiques. » Depuis 2014, elles attribuent ainsi près de 77 % des aides de l’Union européenne, soit 20,6 milliards d’euros par an. « Les régions siègent aussi dans de nombreux organes où leurs paroles et leurs positions comptent, notamment les parcs naturels régionaux, les comités de bassin ou les aéroports, ajoute Mme Lavocat. Même si elles ne sont pas les seules décisionnaires, elles ont un poids politique et financier important. »
- Un TER entre Limoges et Clermont, en 2014. Les régions, aux commandes des TER, disposent d’une large marge de manœuvre sur les lignes ferroviaires. Wikimedia Commons / CC BY–SA 3.0 / Cramos
Mais c’est surtout en tant qu’instances planificatrices que les régions influent sur l’environnement. Elles élaborent et adoptent un certain nombre de plans dont le fameux Sraddet : le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. « Il touche à la fois à l’énergie, aux transports, à la biodiversité ou aux déchets, précise Zoé Lavocat. Sur le climat, ce schéma est censé traduire localement les objectifs nationaux et internationaux de baisse des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030 et 2050. » Surtout, ces schémas s’imposent aux autres collectivités : les Plans locaux d’urbanisme ou de déplacements des communes et métropoles doivent par exemple être compatibles avec leur Sraddet.
« Schématocratie »
Selon une étude de négaWatt, ces schémas ne sont cependant pas la panacée : « L’agrégation des Sraddet montre que la somme des volontés régionales ne permet pas d’atteindre les objectifs nationaux fixés à l’horizon 2050 », indique l’institut, pointant notamment un « manque de cohérence entre les objectifs affichés et ceux réellement atteints ». « Les régions sont des « schématocraties », elles produisent un tas de plans et de feuilles de route, observe Romain Pasquier, politologue et directeur de recherche au CNRS. Mais l’effectivité de ces schémas n’est pas prouvée… »
Selon le chercheur, « le pouvoir normatif et contraignant des régions demeure très limité ». En clair : elles peuvent orienter, inciter, pousser… mais pas obliger. « Même si elles disposent d’une capacité d’investissement forte, leur poids budgétaire reste relativement faible, moins de 2 % de la dépense publique totale. » Des moyens limités et des compétences qui s’enchevêtrent bien souvent avec celles d’autres institutions : « Sur bien des sujets comme l’agriculture, elles ne sont pas seules à décider, rappelle Marie-Christine Blandin. En Nord-Pas-de-Calais, nous avions fait le choix de ne plus financer d’usines à cochons, sauf que dans le cadre des cofinancements, l’État est venu abonder là où la région ne subventionnait plus. Résultat, notre décision était plus symbolique que productrice d’une réalité. »
Malgré ces limites, les régions restent des acteurs-clés de la transition. Transports, agriculture, énergie, biodiversité : Reporterre détaille, domaine par domaine, leurs leviers d’action.
Domaine par domaine : ce que peuvent les régions
Transports
– Les régions gèrent les trains express régionaux (TER) et gares rattachées. Depuis l’ouverture à la concurrence, les régions lancent des appels d’offre pour leurs lignes ferroviaires : elles peuvent donc définir les trajets à mettre en place, le nombre de liaisons, les tarifs, le niveau de qualité du service à offrir. « C’est vraiment la région qui a la main sur les TER, elle décide de tout », insiste Thomas Lesperrier, de France nature environnement. « Sur l’ouverture ou la fermeture de certaines lignes de train, les régions ont leur mot à dire, illustre Charles Adrien Louis, du cabinet de conseil BL évolution. Elles peuvent aussi décider d’augmenter la fréquence des trains, et choisir les axes prioritaires à desservir. » D’après plusieurs associations d’usagers, la gestion des TER par les régions suit « une tendance préoccupante » : la fréquentation des trains régionaux stagne depuis plus de dix ans, notamment par manque d’une « qualité de service », du aux retards et annulations de trains. Elles préconisent entre autres d’ « améliorer la fiabilité des TER, pour en faire une solution crédible pour les utilisateurs quotidiens ».
La possibilité d’aider un vélo sous-subventionné
– Côté bicyclette, « les régions sont responsables du schéma régional pour le vélo, dit M. Lesperrier. Elles ont donc un rôle de programmation à l’échelle régionale de développement de voies cyclables, et elle peut investir sur ses fonds propres pour leur réalisation. » « Elles ont une place à prendre », renchérit Charles-Adrien Louis. « Il s’agit du mode de déplacement le plus écolo et pourtant le moins subventionné par les acteurs publics, précise-t-il. Alors qu’il faudrait 3 milliards par an pour développer le vélo, le seul investissement à ce jour garanti, ce sont les 50 millions versés par an par l’État. » Outre la construction de voies vertes et autres véloroutes, elles peuvent financer la location de vélos — à assistance électrique ou non et l’intermodalité — autrement dit faciliter les voyages combinant vélo et train via des aménagements et des tarifications adaptées.
– Les régions assurent certains transports interurbains (car, covoiturage…).
– Les régions attribuent — ou non — des subventions aux aéroports. « Les régions peuvent aussi mener des politiques anti-écologiques, en soutenant des aéroports, ou des routes, comme les projets de RN88 en Haute-Loire ou du contournement autoroutier de Rouen, qui n’existeraient pas sans volonté régionale », rappelle Thomas Lesperrier.
Agriculture
– Les régions gèrent une partie des aides de la Politique agricole commune européenne. Elles peuvent partiellement orienter ces aides vers des pratiques plus agroécologiques. « Elles ont la main sur les aides à la modernisation des exploitations, précise Raphaël Bellanger, paysan et membre du réseau InPact. Même si elles n’ont pas une liberté totale dans attribution des aides, elles peuvent les conditionner à des critères sociaux ou environnementaux. »
– Les régions sont également chargées de la restauration collective de l’administration et des lycées. « Pousser pour des repas végétariens, bios et locaux dans les lycées, ce n’est pas une mesurette souligne Zoé Lavocat du Réseau action climat. Cela représente un nombre important de repas servis, et ça pousse à la création et structuration de filières agroécologiques. »
– À travers le Sraddet et le PRAD (Plan régional de l’agriculture durable), elles peuvent orienter l’aménagement de leur territoire en faveur d’une préservation des terres agricoles.
- Les régions disposent des capacités de soutenir les filières agricoles de leur choix. En faveur d’une relocalisation de la production, par exemple. Wikimedia Commons / CC BY–SA 4.0 / Myrabella
– Dans le cadre de leurs compétences en matière économique, les régions peuvent soutenir des filières agricoles. « Il faudrait qu’elles soutiennent des outils de relocalisation de la production, comme des abattoirs, ou des ateliers de transformation de matières premières », explique M. Bellanger. Légumeries collectives, abattoirs de proximité pourraient ainsi être plus soutenus.
– Plusieurs régions s’investissent également pour l’installation de paysans : elles signent des « conventions de stockage » des terres, le temps de trouver et d’installer des jeunes agriculteurs.
Énergie
– Les régions pilotent le Service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) sur son territoire, « dont l’objectif est de proposer un guichet personnalisé et unique d’information, de conseil et d’accompagnement pour que les particuliers et les petites entreprises puissent réaliser des travaux de rénovation » selon le Réseau action climat. « Elles ont pour mission d’organiser le déploiement de ce service public et de s’assurer de la mise en œuvre de la rénovation énergétique, explique Charlotte Tardieu, coordinatrice du réseau Territoires à énergie positive. Mais il faut y mettre des moyens pour que cela soit efficient : nous préconisons un financement de la région à hauteur de 3 euros par habitant et par an. »
– Via le Sraddet, les régions donnent des objectifs de production d’énergie renouvelable, de réduction de consommation d’énergie et de rénovation, qui peuvent être déclinés dans le programme régional pour l’efficacité énergétique (PREE). « Elles définissent une vision stratégique, précise Mme Tardieu. Seulement, pour que cela fonctionne, il faut souvent aller plus loin que des objectifs fixés dans le Sraddet, en les déclinant en feuilles de route opérationnelles. » Autrement dit, les Sraddet se contentent généralement de fixer des objectifs à atteindre — en termes de production d’ENR ou de réduction de la consommation d’énergie — sans définir d’actions ni d’échéances précises, ni allouer des moyens (humains, financiers) suffisants.
« Investir directement dans la production d’énergie ou la rénovation »
– Les régions peuvent accompagner l’émergence de projets de production d’énergie renouvelable dans les territoires, « en apportant une aide technique mais aussi un soutien financier, via des subventions directes, un fléchage des fonds européens, ou la création d’entreprises locales avec un objectif de production d’énergie » d’après le Réseau action climat. « Plusieurs régions ont créé des sociétés d’économie mixte (SEM) pour investir directement dans la production d’énergie ou dans la rénovation », ajoute Charlotte Tardieu.
– À travers leurs compétences en matière de formation professionnelle, les régions peuvent favoriser la formation des artisans du bâtiment à l’éco-construction et à la rénovation des logements.
– Les régions disposent de biens publics — gares, lycées, bâtiments publics — qu’elles peuvent rénover, doter de panneaux photovoltaïques…
Déchets
– Dans un Plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRGRD), les régions fixent des objectifs de réduction, de recyclage et de valorisation des déchets, à horizon 6 et 12 ans. « [Les plans qui ont été adoptés] sont malheureusement tous trop peu ambitieux en matière de prévention, explique l’ONG Zéro Waste France. L’enjeu du prochain mandat sera de dépasser, grâce aux actions concrètes, les objectifs fixés par les PRPGD en vigueur, pour aller plus loin dans la prévention des déchets et le soutien au réemploi. »
Biodiversité
– Sur la préservation de l’eau, les régions siègent au sein des comités de bassin, et participent à ce titre à la définition du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) qui « encadre les choix de tous les acteurs du bassin dont les activités ou les aménagements ont un impact sur la ressource en eau ». Elles peuvent également participer au financement des opérations des Agences de l’eau.
– Les régions donnent leur feu vert et participent activement à la création des parcs naturels régionaux. Autrement dit, « sans volonté régionale, il n’y a pas de parcs », résume Eric Brua, directeur de la Fédération des parcs naturels régionaux de France. Elles ont leur mot à dire dans l’élaboration de la charte du parc, qui « fixe des objectifs propres au parc » en matière de préservation de la biodiversité par exemple, selon M. Brua. Surtout, les financements régionaux représentent « en moyenne 60 % du budget des parcs », d’après le directeur.
– Chaque région élabore un schéma régional de cohérence écologique (SRCE), qui permet de coordonner les différentes trames verte et bleue décidées au niveau des intercommunalités. Intégrés aux Sraddet ces SRCE comprennent entre autres un diagnostic du territoire régional qui identifie les réservoirs de biodiversité et les corridors écologiques, des objectifs de préservation et de restauration, un plan d’action stratégique pour atteindre ces objectifs et un dispositif de suivi et d’évaluation.
Développement économique
– Les régions peuvent soutenir financièrement les entreprises, via des aides à l’investissement, qui peuvent être conditionnées à des critères sociaux et environnementaux.
– Elles peuvent favoriser la reconversion professionnelle dans les secteurs les plus émetteurs : le Réseau action climat préconise de « faire un diagnostic des secteurs menacés et des filières d’avenir dans la région », et d’ « accompagner les personnes qui perdraient leur emploi, former celles dont les emplois évoluent afin qu’elles puissent travailler dans un secteur pour la transition ».
LES DÉPARTEMENTS NE SONT PAS EN RESTE
Les 20 et 27 juin prochains se tiendront également les élections départementales. Or les départements ont aussi un rôle à jouer pour la transition écologique, même s’ils ont moins de compétences et de leviers d’action que les régions ou les communes. « Il ne serait pas vrai d’affirmer que le département ne dispose d’aucun levier d’action, indiquaient dans la Gazette des communes des experts de l’action territoriale. D’abord, il peut agir sur sa propre administration à travers, par exemple, la rénovation énergétique des bâtiments départementaux, la mobilité de ses agents ou encore l’approvisionnement des cantines des collèges. » En tant que gestionnaires des collèges, les conseils départementaux peuvent pousser pour des menus bios, locaux et végétariens.
À l’inverse, plusieurs exécutifs départementaux se sont illustrés pour leur soutien à des projets polluants, tel le Conseil départemental de l’Hérault qui porte un projet de contournement routier ou celui de Seine-maritime, qui supporte l’autoroute de Rouen ; nombre de départements subventionnent aussi des aéroports. Le département s’occupe de la construction et de l’entretien des routes départementales ; il peut également réaliser des équipements cyclables. « Sa capacité d’agir en faveur du vélo ne se limite pas à la seule compétence voirie, indique la Fédération des usagers de la bicyclette, qui a lancé une grande campagne de sensibilisation des élus en amont du scrutin. Le département peut se targuer d’intervenir dans bien d’autres domaines : cohérence territoriale, mobilité inclusive, tourisme à vélo, employeur pro-vélo, etc. »
« En tant que collectivité cheffe de file sur l’action sociale, ils peuvent agir concrètement pour la rénovation énergétique, en ciblant les ménages en situation de précarité énergétique », précise également Zoé Lavocat. Au vu de ses compétences en matière de solidarité, « le département est peut-être l’échelon le plus pertinent pour être le gardien du versant solidaire de la transition, affirmaient aussi les auteurs de la tribune parue dans la Gazette des communes. [Il] peut orienter sa politique sociale vers la prévention des risques sociaux liés au changement climatique (par exemple, anticiper les reconversions inévitables de certaines exploitations agricoles ne résistant pas à un réchauffement de plus de 2 °C). Cela peut également se traduire par une politique sociale qui cherche à sensibiliser aux enjeux environnementaux (notamment la réduction de la précarité énergétique ou la promotion du bien manger). »
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