L’entreprise va rapatrier en Suisse l’ensemble de ses bénéfices faits en Europe.
«Les bénéfices de la société sur les vaccins anti-Covid vont finir dans l’un des pires paradis fiscaux du monde», s’étrangle l’ONG. Moderna compte en effet recevoir ses paiements dans le canton de Bâle, en Suisse, l’un de ceux où l’imposition est la plus faible (13% pour les compagnies étrangères, rappelle Politico). Le taux sera en réalité sans doute bien moindre, chaque entreprise négociant habituellement des conditions avantageuses au cas par cas.
Pour l’ONG, il n’y a pas de véritable justification économique –du moins autre que fiscale– pour cette localisation, car Moderna Switzerland GmbH n’a été créée qu’en juin 2020 et ne semble pas avoir été activement impliquée dans le développement de vaccins.
Comme par hasard, Moderna a aussi enregistré 780 brevets au Delaware (États-Unis), bien connu pour être un paradis fiscal –l’État réussit l’exploit de compter plus de sociétés que d’habitants. Les royalties et les brevets y sont exonérés d’impôts dans leur totalité.
Super-optimisation
On ne va évidemment pas s’étonner qu’une entreprise, fût-elle dans le domaine de la santé, cherche à maximiser ses profits. Ce qui est plus choquant dans le cas présent, c’est que Moderna, contrairement à Pfizer, a abondamment bénéficié de subventions publiques… financées par les impôts qu’elle ne paye pas.
En décembre 2020, l’entreprise avait ainsi collecté 4,1 milliards de dollars (3,5 milliards d’euros) du département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis, dont un milliard au titre de l’opération «Warp Speed».
Moderna peut également se targuer de commercialiser le vaccin anti-Covid le plus cher du monde, à 18 euros la dose en Europe (31 euros en moyenne dans le monde), contre 1,78 euro pour AstraZeneca par exemple.
En 2021, la biotech devrait écouler entre 800 millions et un milliard de doses, donc effectuer plus de 19,2 milliards de chiffre d’affaires. D’après les calculs de SOMO, pour chaque dollar du contribuable dépensé pour un vaccin Moderna, la société réalisera un bénéfice net de 44 cents. «Par conséquent, près de la moitié du chiffre d’affaires de Moderna sera constituée de bénéfices, soit une marge exceptionnellement élevée.»
L’ONG reconnaît toutefois «un degré élevé d’incertitude» sur ses calculs, en l’absence de publication officielle des comptes annuels de Switzerland GmbH. Elle s’offusque aussi du peu de générosité du laboratoire. «Avec seulement 34 millions de doses promises pour 2021 [au programme Covax], Moderna continue à produire des vaccins principalement pour les pays riches», dénonce SOMO.
Moderna n’a évidemment pas souhaité commenter. Mais le canton de Bâle, lui, se défend en arguant que le choix de la localisation n’a rien à voir avec des questions fiscales. Selon lui, il est lié à la proximité avec Lonza, une entreprise suisse spécialisée dans les principes actifs avec qui Moderna collabore sur la fabrication des vaccins, et qui a également son siège à Bâle (la production européenne des vaccins étant quant à elle localisée à Visp, dans le canton du Valais en Suisse).
Les autorités locales se réjouissent surtout des emplois apportés par la biotech, explique le Tages-Anzeiger. Qui ajoute ironiquement qu’elle vient d’ouvrir une candidature dans sa filiale suisse pour un «directeur fiscal international». À charge pour lui de dénicher un nouveau paradis?
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