Orange avec Media Services, publié le vendredi 16 juillet 2021 à 16h53
L’avant-projet de loi sanitaire stipule qu’à défaut de présenter un pass sanitaire, certains salariés ne pourraient plus exercer leur activité.
Suite aux annonces d’Emmanuel Macron lundi 12 juillet, l’avant-projet de loi sanitaire du gouvernement prévoit une période de mise à pied de deux mois puis un licenciement pour certains salariés en défaut de pass sanitaire. Cette mesure est jugée inédite et juridiquement incertaine par des avocats spécialisés en droit du travail, interrogés par l’AFP.
Il stipule qu’à défaut de présenter à leur employeur un examen de dépistage négatif du Covid-19, une preuve de vaccination ou un certificat de rétablissement, contenus dans le « pass sanitaire », ils ne pourront plus exercer leur activité.
Il prévoit, dans ce cas, une période de mise à pied de deux mois puis un licenciement.
« Difficile à justifier »
Pour Deborah David, avocate au barreau de Paris, « le licenciement pour défaut de pass sanitaire serait difficile à justifier pour l’employeur sauf à créer un nouveau motif spécifique de licenciement ».
Sur RTL jeudi soir, la ministre du Travail, Elisabeth Borne, a simplement évoqué la possibilité d’une « procédure (disciplinaire) habituelle », évoquant « un avertissement, une mise à pied », sans parler de licenciement.
« En pratique, le pass sanitaire appliqué aux salariés est compliqué à mettre en oeuvre car le secret médical interdit à l’employeur de vérifier de lui-même l’état de santé de son salarié », s’il est vacciné ou pas, négatif au Covid ou pas. « Cela passe par le médecin du travail qui seul peut décréter une aptitude ou inaptitude », explique Deborah David.
Si le Conseil d’Etat a validé le pass sanitaire début juin, il a justifié sa décision par le fait que, limité aux voyages à l’étranger et aux grands rassemblements, il ne constituait pas une entrave disproportionnée à la vie quotidienne, « ce qui ne serait plus le cas s’il aboutit à priver les salariés de leur possibilité de travailler », souligne-t-elle. « S’il valide ce projet de loi en l’état, il devra se dédire ».
« Choquant au niveau du droit »
En outre, ajoute-t-elle, « on crée un motif de licenciement, par nature définitif, qui n’est pas censé perdurer dans le temps puisque la loi d’urgence sanitaire va, à ce jour, jusqu’au 31 décembre 2021 ».
Et « si un test PCR négatif suffit, on ne peut l’imposer comme sujétion liée au travail à raison de deux à trois fois par semaine pendant deux heures voire plus (le temps de faire le test, ndlr), c’est très compliqué et c’est aussi très intrusif sur le plan de la santé ».
Pour Christophe Noël, avocat aux barreaux de Paris et d’Annecy, « il y a quelque chose de choquant au niveau du droit » car « le pass sanitaire renvoie à la question de la vaccination obligatoire ». Il pousse les salariés qui ne voudraient pas se faire vacciner à l’accepter pour ne pas perdre leur emploi, « à moins de faire un test PCR négatif tous les deux jours, ce qui est totalement disproportionné ».
Il fait valoir que si plusieurs vaccins (tétanos, hépatite B…) sont obligatoires pour certains professionnels de santé, « les vaccins anti-covid sont encore en phase 3 d’études cliniques et à ce titre expérimentaux ».
« Où s’arrêtera l’obligation du salarié ? »
« Ils ne bénéficient que d’une autorisation de mise sur le marché conditionnelle », ce qui empêche de les imposer à quiconque, estime-t-il en se référant à « l’article L1121-1 du code de santé publique disposant qu’aucune substance en phase de recherche ne peut être imposée à une personne sans son consentement libre et éclairé ».
Pour Alexandre Ebtedaei, au barreau de Paris, « la vraie question est de savoir si le licenciement du salarié qui ne justifie pas de son état vaccinal à l’issue du délai de 2 mois serait fondé sur une faute ou bien si le projet de loi entend créer une nouvelle cause de licenciement sui generis, permettant de déclencher de manière quasi-automatique une procédure de licenciement au bout de 61 jours (deux mois de suspension du contrat + 1 jour; ndlr) ».
« Où s’arrêtera l’obligation du salarié ? », s’interroge-t-il, en évoquant le secret médical, qui pourrait être invoqué par le Conseil constitutionnel pour retoquer le projet du gouvernement.
Les centres commerciaux préoccupés
Le pass sanitaire provoque en outre l’inquiétude des professionnels des centres commerciaux. Selon l’avant-projet de loi, les exploitants qui manqueront aux futures obligations de contrôle seront passibles d’une amende allant jusqu’à 45.000 euros et d’un an de prison.
Leurs salariés ont jusqu’au 30 août pour se mettre en conformité (pass sanitaire valide), sous peine d’une interdiction d’exercer justifiant, après une période de deux mois, leur licenciement.
Jeudi, face à Elisabeth Borne, la ministre du Travail, une dizaine de fédérations de commerces (jouets, optique, jardineries, habillement…) ont regretté que « de nombreux points restent en suspens », et se sont prononcées pour des contrôles « à l’entrée des centres commerciaux ».
« On continue de discuter pour caler les bons seuils, les bonnes règles. A priori, ce n’est pas votre rôle de contrôler l’identité », a rassuré la ministre en renvoyant à des arbitrages relevant du Premier ministre.
« Ce sera à chaque établissement soumis à pass sanitaire de faire les contrôles et la police contrôlera que l’établissement a fait les contrôles », a-t-elle affirmé ensuite devant les médias.
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