Dans la chronique journalière du Dr Christian Lehmann (que je trouve très bonne en général) pour Libération, on peut lire aujourd’hui un florilège de témoignages terrifiants de personnel soignant sur la situation dans les centres de vaccination depuis l’annonce de Macron. Je vous copie-colle l’article car il est réservé aux abonné.e.s sur le site de Libé. J’invite mes camarades qui défendent l’obligation vaccinale à le lire jusqu’au bout. La conclusion est implacable.
Journal d’épidémie
«Chaque jour au moins une personne propose de l’argent pour qu’on jette la seringue»
Depuis l’annonce du pass sanitaire, les chiffres de vaccination qui stagnaient depuis les diverses annonces contre-productives d’Olivier Véran début juin, – «dérogation» permettant d’allonger le délai entre deux injections à huit semaines, impossibilité de pratiquer la deuxième dose dans un centre différent – ont largement augmenté. Mais, de l’aveu même de nombreux médecins, infirmiers ou bénévoles impliqués dans la vaccination, le caractère contraignant des mesures mises en place a profondément modifié l’ambiance en centre de vaccination. Florilège de témoignages :
«Depuis l’allocution de Macron, ce qui a changé c’est la venue au centre de gens qui avaient peur, qui avaient annulé un rendez-vous au dernier moment et qui, trois jours après, demandent un rendez-vous en urgence. Il y a aussi des gens qui sont vraiment en panique parce qu’ils sont venus se faire vacciner par obligation et puis, une fois l’injection faite, le stress diminue d’un coup. Ce qui a changé aussi c’est que, dans notre ville, les vaccinateurs sont connus, ils sont inondés de demandes sur leur téléphone personnel parce qu’il n’y a pas de place sur Doctolib.»
«On a commencé à voir des patients venir au centre de vaccination en exprimant nettement être là malgré eux. L’un d’eux a demandé à avancer son rappel à deux semaines pour pouvoir profiter complètement de ses vacances en Espagne. Devant notre refus, il a retourné la responsabilité de ce qu’il avait prévu de faire sur nous : “Je partirai quand même et je serai dans l’illégalité à cause de vous.”»
«Chaque jour au moins une personne propose de l’argent pour qu’on jette la seringue et que la personne ait son pass. Evidemment refus et, à chaque fois, on arrive à convaincre et elle se fait vacciner.»
«L’intérêt sanitaire ne semble plus exister. Le besoin du pass pour certains. La crainte de perdre leur emploi pour d’autres. Refusant d’être un distributeur de QR codes, j’explore et souvent déconstruis, parfois en vain. Les larmes qui coulent. Mais aussi ceux victimes de leur phobie qui se résolvent à venir et pour lesquels l’acte se déroule plus ou moins bien.»
«Je travaille comme étudiante dans une pharmacie. Refus de faire un test antigénique car nous sommes complets du matin au soir et nous prenons sur rendez-vous. Bilan : menace de mort, “espèce de grosse connasse je vais te l’enfoncer où je pense ton test antigénique, va crever”, à plusieurs reprises, insultes de “connasse” ou de “c’est n’importe quoi, vous faites n’importe quoi” ou “vous êtes incompétents” car nous avons une liste d’attente pour les vaccins et, ne recevant pas assez de flacons, nous ne pouvons vacciner que 20 à 30 personnes par semaine avec du Moderna.»
«Avant ce discours, des patients de bonne humeur nous remerciaient tout au long de la journée. Depuis ce discours, toujours quelques remerciements, mais surtout beaucoup de “on m’oblige à être là”, “on ne sait pas ce qu’il y a dedans”, “on manque de recul”, et surtout un grand manque de politesse. C’est désastreux cette vision qu’ont les gens de cette vaccination, et c’est désastreux qu’on puisse nous faire ressentir le fait que nous sommes les coupables, alors que nous sommes juste là pour faire notre boulot. Les gens viennent se faire vacciner “parce que sinon on ne peut plus rien faire” et râlent parce qu’ils veulent être vaccinés tout de suite : “comment y’a plus de place ? Mais c’est un scandale !”»
«Une femme venue avec ses deux enfants en bas âge, les laissant hurler. Elle dit qu’elle vient parce qu’elle n’a pas le choix, qu’elle n’a pas envie de se faire vacciner mais qu’on l’y oblige. Elle me met dans le lot. Il a fallu que je lui rappelle son libre arbitre et que je lui dise même : “Ne vous faites pas vacciner dans ces conditions voyons”, pour qu’elle revienne un peu sur ses propos et valide sa volonté de se faire vacciner. Une autre patiente s’assoit et dit que c’est inadmissible, qu’elle risque plus gros en se faisant vacciner qu’en ne le faisant pas et que c’est à cause de nous qu’on en est là (je m’aperçois que c’est finalement un profil assez proche). C’est sûrement beaucoup de craintes là-dessous mais aussi une sorte d’envie de trouver un opposant. Finalement, on a discuté et elle a convenu qu’il y avait de la crainte mais surtout de développer la maladie.»
«Certains essaient de gruger, en utilisant la carte vitale d’un tiers, en disant avoir eu leur première dose ailleurs (on ne la trouve pas dans vaccin covid), de plus en plus d’anecdotes de ce style. Je délivre les attestations et il nous faut être vigilants.»
«Les gens arrivent à l’accueil il n’est plus question de sourire, de blague complice, le pass sanitaire est obligatoire c’est à nous de nous plier à leur demande car eux ne veulent pas. On entend de ces trucs : c’e, vous êtes avec eux, donnez-moi votre nom ça peut servir pour les plaintes.” Les tentatives d’explication sont balayées : “Moi je n’y crois pas !” Les soignants épuisés d’un an et demi de pandémie qui viennent assurer ces vacations, dont certains ont raccourci leurs vacances, subissent cette mauvaise humeur, et les tentatives de fraude, “Je veux mon QR code”. Il n’y a plus de rire, la liste des reproches s’allonge “Ça fait cinq minutes que j’attends.” Au milieu, on côtoie des parents qui viennent avec leurs enfants qui se font vacciner ; là, l’ambiance n’est pas la même on retrouve des blagues complices.»
Dernière anecdote rapportée par mon ami Raymond Letellier, avec qui nous avons organisé le premier centre vaccinal de France, «Chez Mauricette», à Poissy, en janvier 2021. En fin de journée, il nous arrivait alors d’avoir quelques doses restantes, selon le nombre de flacons ouverts à consommer dans la journée. Afin de ne pas perdre les doses, à une période où les critères d’éligibilité en âge étaient très restrictifs, nous les proposions d’abord au personnel du centre, puis à des gens qui attendaient dehors dans l’espoir d’une dose. Ce n’était jamais agréable, parce que nous ne pouvions «servir» tout le monde, alors nous expliquions que nous avions huit doses pour quinze personnes, et que j’allais opérer un tri médical rapide, forcément en partie subjectif. Je faisais passer chaque personne sous la tente, prenais en compte l’âge, les comorbidités, l’environnement familial ou de travail, la présence d’un proche fragile, etc. Et Raymond au final reconduisait avec douceur ceux qui avaient été écartés, à qui on conseillait de revenir au cas où. Tout cela dans une atmosphère de respect mutuel.
«Impossible d’avoir le moindre échange correct»
L’autre soir, me raconte-t-il, sa collègue Francine est sortie devant le centre vaccinal pour expliquer qu’il restait cinq doses :
«Francine avait prévenu qu’on vaccinerait en priorité les femmes enceintes puis en fonction de l’âge puis les plus vulnérables parmi les plus jeunes. Aucune femme enceinte ne se déclare. Elle fait passer deux personnes âgées puis soudain les gens l’entourent, et, sans masque, sans respect des mesures barrière, commencent à l’apostropher, l’injurier. Impossible d’avoir le moindre échange correct. Une femme se découvre subitement enceinte, puis une autre. J’ai dû rejoindre Francine pour la dégager, la faire entrer dans le centre et là, c’est moi qui ai pris des insultes, une femme m’a craché dessus. J’ai dû menacer de jeter les doses pour qu’ils arrêtent ce cirque.»
Lorsque nous avons ouvert le centre Covid en mars 2020, juste avant le confinement, j’avais demandé au maire Karl Olive de faire placarder des affiches alertant sur le fait que toute menace, violence ou insulte envers le personnel du centre donnerait lieu à des poursuites judiciaires. Les affiches trônent dans le centre et ont très longtemps semblé décalées, inutiles. Mais depuis le début, je m’attendais à ce qu’un jour elles soient malheureusement adaptées à la situation. Nous y sommes. Triste constat, à méditer pour tous ceux qui sont pro vaccination mais, conscients des limites et des écueils du pass sanitaire, plaident pour une vaccination obligatoire qui, selon eux, réglerait tous les problèmes. Au-delà du fait que nous n’avons pas les doses nécessaires… vous vous voyez vacciner les gens contre leur gré?
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