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[ad_1] 2021-09-02 16:12:07 Source
La question du vaccin
Il faut d’abord et avant tout séparer la question du vaccin de celle du « passe sanitaire » ; bien que l’une et l’autre soient liées. Concernant le vaccin, les points suivants sont mis en question : a) l’efficacité des vaccins, qui en effet semble relative dès lors que, même vacciné, on n’est semble-t-il pas complétement protégé et qu’en outre on peut transmettre le virus [1] ; b) le danger des vaccins, dès lors qu’ils s’appuient (pour ceux inoculés en Europe) sur des technologies nouvelles basées sur des modifications génétiques, mis sur le marché alors que l’étude des effets de long terme n’est pas achevée, ce qui correspond à une expérimentation sur quelques milliards de personnes « en direct [2] » ; c) la « stratégie vaccinale » qui semble en effet suspecte dès lors que rien n’est proposé pour prévenir ou guérir de la Covid-19, mais seulement et obligatoirement le vaccin, en dépit des doutes exprimés ci-dessus sur son efficacité et son danger.
Ces mises en questions sont toutes recevables et pertinentes. Ceci dit, le débat politique ne peut se situer seulement là. En outre, on peut être pro-vaccin et contre le « passe sanitaire ». Il nous faut sortir de ce piège binaire imposé par le gouvernement : être pour ou contre le vaccin.
Dès lors, au sujet du vaccin, deux camps grosso modo s’opposent, d’un côté ceux qui seraient favorables au vaccin, donc mécaniquement au « passe sanitaire », réputés altruistes, de l’autre, les égoïstes, supposés « anti-vaccins » donc « complotistes », etc. Cette division en deux catégories est non seulement absurde mais aussi particulièrement nocive pour toute construction de lutte, qui nécessite de réfléchir, de créer une pensée commune dépassant les choix individuels. On peut ainsi tout à fait être favorable à la vaccination et opposé à son obligation.
Il semble donc nécessaire de concentrer la réflexion et la lutte sur la loi ayant institué le « passe sanitaire », à marche forcée.
Qu’est-ce que le « passe sanitaire » ?
Le « passe sanitaire » constitue deux catégories de personnes, nanties de « droits » différenciés, permettant d’exclure certaines d’entre elles des transports, du soin, du travail, etc. Cette situation est d’ailleurs déjà celle des étrangers, qui sont privés de la plupart des droits dont jouissent les citoyens français. Notre société est en théorie basée sur le fait que les citoyens jouissent des mêmes droits formels. Bien sûr, l’exercice réel de ces droits est conditionné à la position sociale et déterminée par de multiples dominations.
Le « passe sanitaire » établit désormais une discrimination basée sur un motif qui est celui de la santé (réelle ou supposée) de l’individu concerné. Quels sont les droits dont on prive les non-vacciné.e.s (ou ceux et celles qui refusent de faire usage du « passe sanitaire ») ? Pour une part, il s’agit de l’accès au loisir (partir en vacances, aller au restaurant, etc.), des possibilités de vie sociale, de celle d’aller voir ses proches en maison de retraite, d’entrer dans les médiathèques, de prendre le train, etc. L’existence est quasiment réduite à la perspective d’aller travailler.
Le « passe sanitaire » réserve l’accès aux soins « non-urgents » à ses détenteurs ; cette discrimination est sans précédent : une partie de la population n’a plus le droit de se faire soigner – et la faute en est rejetée sur elle-même. De plus, qui décide du caractère « non-urgent » ou « urgent » de l’intervention souhaitée ? Le médecin ? L’infirmière ? La secrétaire de l’hôpital ? Le vigile à l’entrée ? Alors même que la crise de la covid19 a mis en lumière la situation catastrophique du système de santé (souvenons-nous des infirmières qui revêtaient des sacs poubelles en guise de protection au printemps de l’an dernier), le « passe sanitaire » l’accentue. La stratégie de l’obligation vaccinale déguisée permet l’approfondissement de la fameuse « casse » de l’hôpital, en se débarrassant d’une partie du personnel rétif au vaccin. Moins de gens auront légalement accès aux soins de base, et un grand nombre renonceront à y recourir, ce qui donne des raisons supplémentaires à l’État pour continuer à ne pas financer le secteur de la santé. Cela présage également de lourdes conséquences en termes de santé globale de la population.
Concernant l’accès à la scolarisation, le contrôle et l’exclusion seront aussi la règle : les protocoles ne sont pas encore définitivement établis mais il a été annoncé que les élèves non vaccinés seront exclu.e.s des classes dans lesquels un cas de Covid serait déclaré.
En plus de la perte de droits, l’obligation vaccinale passe par une menace sur le travail, c’est-à-dire sur les conditions de subsistance. Les exploiteurs pourront désormais, non pas certes licencier leurs salariés, mais « suspendre leur contrat de travail » et le salaire qui va avec, ce qui, avouons-le, n’est pas très différent. Et qu’adviendra-t-il des intérimaires dépourvus de « passe sanitaire » ? Dans le secteur de la santé, les soignant.e.s qui refusent la vaccination sont menacé.e.s de ne plus pouvoir exercer. Une fois ceci posé, il devient évident que la question du « choix » ou de la « liberté » est pure fadaise : on a affaire à une obligation, qui, si on ne s’y soumet pas, entraîne la perte de l’accès au soin, de la possibilité d’une vie sociale et même de son travail.
Dans le même temps, on n’exigera pas le « passe sanitaire » pour prendre le métro, pas davantage qu’on ne le demandera aux chauffeurs routiers dans les restaurants de bords de route. Dès lors, le projet est assez clair : il s’agit, comme pendant le premier confinement, de maintenir au travail les pauvres dans certains secteurs, vacciné.e.s ou non, coûte que coûte. Le vaccin, qui nous avait été présenté comme un outil « libérateur », est en réalité à la fois un moyen de coercition et un moyen de garantir la bonne marche de l’économie.
; nos déplacements sont désormais encore davantage suivis à la trace. La numérisation de notre « statut sanitaire » donne accès à chaque employeur, chaque patron de restaurant, chaque vigile, chaque contrôleur SNCF, à des informations qui auparavant étaient censées relever du secret médical.
Inégalités nationales & inégalités mondiales
Nous avons donc affaire à un système discriminatoire basé sur une stratégie prophylactique improvisée et risquée. La « liberté » de choisir ou non de se faire vacciner est bien entendu parfaitement illusoire. Cependant, réclamer cette même liberté revient à tomber dans un piège. Il n’y a pas de liberté individuelle, au fond ; c’est collectivement que nous pouvons être libres, et non chacun dans son coin, assurés dans la conviction, bonne ou mauvaise, que c’est nous qui faisons les « bons choix ». Sortir de ce piège peut passer par le déplacement de la question sur le terrain de l’égalité. Ainsi, on se donne les moyens d’élaborer une position collective qui dépasse les positions individuelles (du type pro-vaccin / anti-vaccin).
Deux catégories de citoyens nantis de droits différenciés, c’est une inscription dans la loi de l’inégalité. De plus, la « stratégie vaccinale » ne repose même pas sur un accès universel au vaccin : on nous somme de nous vacciner alors même que, le premier jour de l’instauration du « passe sanitaire », le nombre de doses de vaccin était largement insuffisant et que, pour jouir des « droits » que confère le sésame, il faut attendre au minimum trois semaines après la première injection. Nous avons été condamnés à être d’abord en tort, donc déjà punis, avant même de pouvoir nous « régulariser ». En outre, lorsque l’on regarde la carte de la vaccination, et qu’on la superpose à la carte des zones de pauvreté, on s’aperçoit qu’elles sont pratiquement le décalque l’une de l’autre : les territoires pauvres sont ceux qui comptent le moins de vacciné.e.s. faute d’accès au vaccin comme au soin en général [3] ;
Chacun.e aura remarqué au passage que la police ou l’Assemblée nationale sont des institutions dans lesquelles le « passe sanitaire » n’est pas demandé… C’est que le revers d’une discrimination, c’est le privilège qu’on s’octroie ou qu’on octroie à ceux dont on a le plus besoin.
À cette inégalité nationale, il faut absolument ajouter l’obscène inégalité mondiale : en mai dernier, plus 75 % des doses de vaccin avaient été administrées aux populations des dix pays les plus riches [4]. L’OMS même, qui n’est pas un organisme d’ultragauche, réclame qu’on donne les futures troisièmes doses des riches occidentaux aux pays les plus pauvres [5] ; mais les gouvernements concernés n’en ont cure et annoncent déjà qu’ils distribueront ces troisièmes doses à leur propre population.
La conception et la fabrication accélérées des vaccins, qui ont donné lieu à une « course », comme on dit, ont enrichi d’une manière proprement délirante les firmes pharmaceutiques concurrentes. Elles ont été soutenues à des niveaux jamais atteints par les États, qui en outre ont opportunément supprimé les obstacles réglementaires à la mise en place rapide des vaccins. Elles ont même été garanties financièrement par l’UE en cas de problème sanitaire qui surviendrait du fait du vaccin [6]. On peut risquer la santé des gens, mais pas la santé économique des firmes pharmaceutiques. Le refus réitéré de lever les brevets sur les vaccins est une obscénité supplémentaire, qui démontre (s’il en est encore besoin) que les pays capitalistes avancés n’ont pas le moindre souci des populations des pays pauvres, sinon comme main-d’œuvre bon marché.
L’État et le fascisme
À chaque crise, l’État se développe soudain un peu davantage, et accroît son emprise sur la vie des gens, son contrôle des rapports sociaux et sa mainmise sur tous les secteurs de l’existence. Jamais, sauf par la résistance acharnée des administré.e.s, il ne recule. Les manifestants sont traités de fascistes par le gouvernement alors même que c’est lui qui met en place des mesures qui évoquent un régime fasciste.
Ce qu’il faut relever ici particulièrement, c’est la délégation du pouvoir de l’État à toute une foule de citoyens, petits commerçants, fonctionnaires, secrétaires médicaux, vigiles et forces de sécurité, chargés de se contrôler les uns les autres, avec leur propre smartphone, sans que cela ne coûte un sou à l’État. Deleuze écrivait déjà en 1977 que ce qu’il qualifiait de « néo-fascisme » reposait sur « l’organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de microfascistes, chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma [7]. »
Par ailleurs, la « gestion de la crise sanitaire » s’est accompagnée d’un gouvernement par le mensonge qui a lui aussi atteint des niveaux absolument délirants. Chacun.e se remémorera la litanie ahurissante des mensonges successifs de l’État depuis le début de la crise de la covid19 (le masque ne sert à rien, il n’y aura pas d’obligation vaccinale, etc.). Mais ces mensonges, semble-t-il, ne sont pas des erreurs ou des imprécisions ; il s’agit d’un mode de gouvernement qui, en plaçant chacun.e dans un état d’incertitude permanente, produit la sidération, empêche la réflexion, renforce la contrainte. En réaction à l’infâme brouet sans cesse contradictoire que nous sert le pouvoir, il se fabrique une infinité de vérités abstraites. Dès lors, il suffit à chaque individu d’opérer son « choix » « libre » parmi ces différentes positions, qui deviennent « sa » réalité. On ne peut donc pas vraiment s’étonner de ce que les positions les plus farfelues ou les plus abjectes aient acquis force de vérité ; ce qu’il faut garder en tête, c’est que ceux qui défendent ou professent de telles positions farfelues ou abjectes (les « complotistes ») ne font en dernière analyse que réagir au mode de gouvernement par le mensonge. En d’autres termes, ce sont les gouvernements qui sont responsables de ce qu’eux-mêmes fustigent comme étant du « complotisme ».
Organisons-nous
Alors que la situation écologique, politique, sociale de la planète entière est plus catastrophique que jamais, les gens n’ont jamais été aussi peu en mesure d’y répondre collectivement. Sans cesse renvoyé.e.s à notre condition d’individus, culpabilisés, obligés de faire le « bon choix » individuellement, et réprimés individuellement, nous manquons désespérément de réponse commune. Isolé.e.s, nous ne pouvons réagir face à une bourgeoisie qui elle se serre manifestement les coudes, et ce à l’échelle mondiale.
La « liberté » qu’ils revendiquent s’avère souvent correspondre à la liberté pour les forts d’écraser les faibles. Ce mouvement ne peut se construire « avec tout le monde » : la présence des idées d’extrême-droite ne sert en définitive que le pouvoir en place, en faisant passer le gouvernement pour « modéré » voire « centriste », en lui permettant d’associer publiquement l’ensemble des opposants au « passe sanitaire » à des « fachos », et en préparant l’affrontement sempiternel Macron / Le Pen pour l’an prochain.
Ce que pourrait porter ce mouvement, c’est, outre l’abrogation de la loi sur le « passe sanitaire », la levée immédiate des brevets sur les vaccins, la responsabilisation des firmes pharmaceutiques pour tout problème de santé public ou privé consécutif au vaccin, l’investissement dans l’hôpital public, l’accès universel au soin, etc. Il est aussi nécessaire de mettre en question les logiques générales de santé collective.
Quand on déplore la « dictature sanitaire », on oublie que la démocratie parlementaire c’est déjà la dictature de la bourgeoisie, laquelle n’agira contrairement à ses intérêts que si elle s’y voit forcée par un mouvement de masse suffisamment combatif.
Il y aura d’autres pandémies, d’autres catastrophes. Il a été beaucoup relevé, au début de la crise mondiale de la Covid-19, comment les conditions actuelles du capitalisme étaient favorables à la naissance, à la mutation, et à la rapide circulation de nouveaux virus [8]. Par ailleurs, la dite « urgence climatique », dont la bourgeoisie n’a manifestement que faire (même si sa propre reproduction en tant que classe est par là menacée), génère année après année son lot d’infernaux drames, incendies géants ou inondations, invasions d’insectes et disparitions d’espèces par légions. Devrions-nous, à chaque fois, admettre que chaque catastrophe soit l’occasion d’un tour de vis supplémentaire, d’une coercition, d’un contrôle plus grands sur nos vies ? Plus que jamais, il est temps de nous organiser pour abolir ces conditions à bref délai et à large échelle, et d’établir au plus vite un régime collectif dans lequel nous aurions ensemble voix au chapitre ; faute de quoi nous devrons nous résigner à observer l’agonie du monde avec par-dessus le marché un bracelet électronique dans la poche.
Un trio d’Ariégeois.e.s perdu.e.s dans toute cette merde
23 août 2021
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