Derrière les approximations de Blanquer, la question récurrente de l’allocation de rentrée scolaire

Schoolchildren, wearing protective face masks, gather as they arrive at a primary school on the first day of the new school year after summer break, in Vertou, France, September 2, 2021. REUTERS/Stephane Mahe

A propos de la haine bourgeoise concernant les allocations, voir ici les vrais chiffres même s’il date de 2016 : https://lesgiletsjaunesdeforcalquier.fr/index.php/2021/09/04/impots-fraude-assistanat-vote-reac-ces-prejuges-sur-les-pauvres-qui-ne-supportent-pas-lepreuve-des-faits/

Les propos du ministre de l’éducation sur les « achats d’écrans plats » ont alimenté une polémique durant cette semaine de rentrée.

Par Anne-Aël Durand

lemonde.fr Publié le 04 09 2021

L’allocation de rentrée scolaire, versée fin août, suscite régulièrement des débats liés au contrôle de son usage et aux accusations de détournement pour des achats non directement liés aux fournitures des enfants. Particularité de cette année : la polémique a été alimentée par le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer. Interrogé sur la proposition de convertir cette allocation en bon d’achat, il a déclaré, dimanche 29 août, sur France 3 : « On sait bien, si on regarde les choses en face, que parfois, il y a des achats d’écrans plats plus importants au mois de septembre qu’à d’autres moments. »

En visite à Marseille, Emmanuel Macron a soutenu son ministre, en assurant, jeudi 2 septembre : « Nous serions aveugles ou naïfs de penser que la totalité de ce que chaque ménage touche en allocation de rentrée scolaire est reversée pour acheter des fournitures ou des livres d’enfants. » Toutefois, le président s’est opposé à toute « stigmatisation », ajoutant qu’« il ne faut pas rentrer dans un système de contrôle social où il y aurait une forme de défiance ».

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  • Que sait-on de l’usage de cette allocation ?

L’allocation de rentrée scolaire (ARS), qui existe depuis 1974, est versée sous conditions de ressources à 3 millions de familles modestes, touchant environ 5 millions d’enfants. Son montant dépend de l’âge des enfants : 370,31 euros pour les 6 à 10 ans (élémentaire), 390,74 euros pour les 11 à 14 ans (collégiens) et 404,28 euros pour les 15 à 18 ans (lycée).

Des études sont toutefois réalisées par la Caisse d’allocations familiales (CAF) pour mieux connaître l’usage de l’ARS. La dernière enquête, publiée en 2014, est basée sur un échantillon de 2 009 familles bénéficiaires. La très grande majorité d’entre elles déclaraient alors utiliser les sommes perçues pour des fournitures scolaires (95 %), des vêtements pour enfants (89 %) ou des services liés à l’école (42 %). Seuls 8 % citaient des équipements informatiques et 6 % d’« autres dépenses liées à la rentrée ».

Les bénéficiaires de l’ARS déclarent des dépenses liées à la rentrée

Usages déclarés par les familles de l’allocation de rentrée scolaire en 2013 (plusieurs réponses étaient possibles) selon un sondage Opinionway pour la CAF auprès de 2 009 familles.

Pour lire le graphique : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/09/04/derriere-les-approximations-de-blanquer-la-question-recurrente-de-l-allocation-de-rentree-scolaire_6093363_4355770.html


Source : CAF


Interrogé par le média en ligne Brut, Jean-Michel Blanquer a rétorqué que « les quelques références qu’il y a sur le sujet sont assez datées, elles sont sur la base déclarative » et qu’on ne peut pas « être certain que 100 % des gens vont les dépenser pour les enfants ». Dans ce même entretien, le ministre répète que les dépenses liées aux écrans plats « augmentent au mois de septembre » et que « ce sont des choses qui se démontrent ». Le lendemain, sur France Inter, il évoque des témoignages de « professeurs », qui « racontent ce qui se passe sur le terrain ».

  • D’où vient l’idée que l’allocation fait grimper les ventes d’écrans plats ?

Cette affirmation fait écho à des déclarations de 2008 prononcées par le jeune député UMP d’alors Edouard Courtial. Dans Le Parisienil assenait : « L’ARS ne doit pas servir à acheter un écran plat. » Un argument qu’il répète en 2009, puis en 2010. Le Monde avait pointé cette obsession, cristallisée à cette époque par l’achat d’un « écran plasma ». L’exemple réapparaissait en 2013 – accompagné d’« enjoliveurs de voiture » – et encore une fois en 2015, avec des « téléviseurs 3D ».

  • Verser l’allocation en bon d’achat serait-il efficace ?

A l’origine, Jean-Michel Blanquer était interrogé sur une proposition formulée dans Le Journal du dimanche par la députée (MoDem, Nièvre) Perrine Goulet, consistant à transformer l’ARS en bon d’achat, sur le même principe que les titres-restaurants – une idée proche de celle présentée par Edouard Courtial en 2008. Le ministre a invité à « étudier » cette solution, sans s’engager davantage à la mettre en œuvre.

Une autre solution, proposée notamment par la socialiste Samia Ghali en 2017, dans une question écrite au Sénat, consiste à verser une partie de l’allocation directement aux caisses des écoles, pour financer du matériel scolaire obligatoire. La ministre des solidarités de l’époque, Agnès Buzyn, avait rejeté cette idée. Citant l’étude de la CAF, elle estimait que « l’utilisation de la prestation apparaît pleinement conforme aux finalités pour lesquelles elle a été mise en place ». Mais elle avançait aussi des raisons pratiques : créer un titre spécial de paiement implique de définir précisément les dépenses éligibles et engendrerait des coûts de gestion importants pour la branche famille de la Sécurité sociale : créer un nouveau support, mettre en place un circuit financier, identifier des enseignes partenaires, etc., alors que le versement automatisé actuel est très peu coûteux.

La Confédération syndicale des familles (CSF) estime aussi qu’un bon d’achat « infantilise les familles et les réduit à un état d’irresponsabilité ». Pour ce regroupement d’associations familiales et de consommateurs, « l’ARS remplit son rôle si elle a un impact positif sur la scolarité de l’enfant. Par exemple, nous saluons une famille qui utilise l’ARS pour acheter un matelas afin que son enfant dorme mieux, car le sommeil agit sur la concentration, et donc sur la réussite scolaire. Cela serait impossible avec des bons d’achat ».

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Pour la CSF, qui réalise chaque année une enquête sur le coût de la rentrée, le principal problème de l’allocation de rentrée, c’est son inadaptation aux différents niveaux scolaires. Elle n’est pas versée aux élèves de maternelle (alors que des frais existent pour les sorties, l’assurance et parfois des fournitures) et, surtout, elle est très insuffisante pour les lycéens, en particulier dans les sections professionnelles et techniques, ainsi que pour couvrir les équipements informatiques, devenus indispensables. Elle rappelle aussi que les dépenses scolaires se poursuivent tout au long de l’année : cantine, transport scolaire, sorties…

L’allocation de rentrée scolaire ne suffit pas à couvrir les frais de rentrée au lycée

Comparaison des montants versées par la caisse d’allocations familiales et des dépenses estimées pour différents niveaux d’étude, selon une étude de la confédération syndicale des familles.

Pour lire le graphique : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/09/04/derriere-les-approximations-de-blanquer-la-question-recurrente-de-l-allocation-de-rentree-scolaire_6093363_4355770.html


Source : CAF et CSF


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